SUR TOUTES LES PARTIES
DU DENTISTE.
Par M. B -o u r d e t 5 Dentifles reçu,
au CollÚge de Chirurgie«
TOME PREMIER.
A PARIS,
Chez Je an-T ho m a s He ri s s a n ^Libraire»
rue S. Jacques , Ă ?S. Paul & Ă S. Hilaire.
M. BCC. LVIL
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROI,
A
LâACADEMIE ROYALE
DE CHIRURGIE.
M ESSIEURS,
JD O uvr ùge que je vous pré-
fente , vous appartient Ă tous les
titres qui peuvent lui ajjurer votre
protection . Elevé fous d'habiles
Profejfeurs qui font partie d'une
Compagnie ejlimée de toute l'Eu
rope 3 f ai puifé chez vous les prin
cipes & la théorie des Recher
ches que fai pu faire dans mon
y) EPITRE.
Art. Vous avez d'ailleurs honoré
de votre attention mon travail :â ce
qui devient pour moi, Meilleurs 9
un nouveau motif de recormoif-
fance. Eh ! fous quels aufpices
plus heureux pourrois-je publier
cet ouvrage, que fous ceux dâun
Corps refpeclable, dont tilluflre
Chef & les Membres, animés du
mĂȘme efprit, s occupent fans cejfe
Ă perfectionner toutes les branÂŹ
dies de la Chirurgie. Je fuis avec
le plus profond refpeél 5
MesSI EURSj
Votre trÚs-humble & trÚs»
obéiffant ferviteur
BOURDET.
AVERTISSE â : -\TT.
\ V *'* Sf- âą : a
O n commence atr s , ^ âą- sla
matiĂšre qui fait IpĂjdt de cet
ouvrage eft déjà beaucoup trop re
maniĂ©e : on nous fait honneur dâuÂŹ
ne fécondité finguliere dont peu
de Dentiftes fe doutoiënt; on fe
repréfente,en un mot, dans la feu
le partie des Dents, un plus grand
nombre dâEcriyains quâil nây en a
dans aucune autre branche de la
Chirurgie (*). je nâexaminerai
point fi cette affettion eft fondée :
câeft une difcuffion peu importanÂŹ
te. Mais jâai cru quâon nâĂ©toit point
furchargĂ© dâĂ©crits affez nombreux
fur les Dents, pour détourner un
Dentifte, appliqué à fa profeffibn*
dâĂ©crire utilement, au moins pour
lui-mĂȘme, fi ce nâeft avec tout le
fruit quâil dĂ©lirerait de produire.
* Journal des Sçavans de Décembre 1756»
2,-i VOl. p. 2.518.
a iv
viĂŻj AVERTISSEMENT.
AprĂšs avoir lu les livres qui
pouvoient fervir Ă mon inftruc-
tion, jâai vĂ» que la matiĂšre ne-
toit rien moins quâĂ©puifĂ©e. Lâob-
fervation &ç lâexpĂ©rience mâont
fait découvrir un champ fécond
dont on ne verra pas fi-tĂŽt les liÂŹ
mites. M.Fauchard qui lâa fi bien
défriché a été mon guide ; & quand
3âai çu marcher fans guide, jâai apÂŹ
pris Ă refpe&er mes maĂźtres, Ă les
abandonner quelquefois , & Ă ne
diminuer jamais rien de lâeftime
qui leur eftdûe.
Mais dans lâapplication contiÂŹ
nuelle que jâai donnĂ©e Ă toutes les
parties de notre Art, je ne dois
point diffimuler les fecours & les
avantages que jâai tirĂ©s particuliڏ
rement de lâĂ©tude de la ChirurÂŹ
gie. Cette fcience fi étendue dont
lâArt du Dentifle eft une partie
qui nâen devroit jamais ĂȘtre fĂ©pa-
rĂ©e y mâa rempli de principes qui
5 AVERTISSEMENT ,, I*
dĂ©tendent & qui s'appliquent Ă
tous les objets de cet Art. For«
mĂ© dâailleurs dĂšs mon enfance ,
dans la pratique des opérations,
jâai eu pour celles du Dentifte tou*
tes les reffourees quâune main
exercĂ©e trouve dans lâhabitude du
travail. Câeft avec ces dilpofĂź-
tions 9 câeft aprĂšs avoir paffĂ© une
grande partie de ma jeuneffe Ă
fĂŒivre dâhabiles MaĂźtres en ChiÂŹ
rurgie & les HĂŽpitaux, que par le
feul attrait dâun genre oĂč jâai cru
pouvoir rĂ©uffir 3 je me fuis fixĂ© Ă
la partie des Dents. Ces circonf-
tances qui peuvent ĂȘtre dequefe
que confidération, je ne les fais
pourtant point valoir pour furfaire
ici mon ouvrage: je veux feuleÂŹ
ment faire fentir combien il fe-
roit Ă fouhaiter que tous les Den-
tilles fuflent Chirurgiens, ou fuffĂź-
famment pourvus de principes,
pour exercer plus sûrement un Art
Tome I » *
x AVERTISSE MENT.
tout Chirurgical * & qui demande
plus que de la main. Je borne ici
mes réflexions* pour pafßer au plan
de mon ouvrage.
Il eft divifé en fept Chapitres
compofés chacun de différens pa
ragraphes. Le premier fous le tiÂŹ
tre générique de Phyfiologie des
Dents* contient h Anatomie des
deux mĂąchoires* & les moyens
de corriger les vices de conforÂŹ
mation des Dents. Il eft traité
dans le deuxiÚme des différentes
maladies qui attaquent & détrui
sent la fubftance des Dents ; de
leurs caufes internes & externes ;
des moyens de les prévenir ; des
remedes généraux & particuliers.
<Dans le troisiĂšme Chapitre * il
sâagit des maladies &: des autres
caufes qui altĂšrent la blancheur
des Dents. Les maladies des AlÂŹ
véoles * celles des Gencives &:
leur guérifon * font la matiÚre du
AVERTISSEMENT. xj
«quatriÚme Chapitre. Le cinquiڏ
me renferme les différentes opé-»
rations qui fe pratiquent fur les
Dents. Lobjet du fixiéme } eft
tout le manuel du Dentifte , conÂŹ
cernant les piĂšces ĂŽt les Dents arÂŹ
tificielles. Enfin le feptiéme &
dernier Chapitre > le plus court de
tous 9 confifte en quelques com-
pofitions dâOpiats ? dâElfences Ăc
de PoudrĂ©s qui mâont paru propres
Ă conferver les Dents & les GenÂŹ
cives.
Jâavouerai que câeft embraffer
Ă peu prĂšs toute la matiĂšre de
lâouvrage de Moniteur Fauchard, f
le plus complet quâil y ait lur
les Dents. Cependant je ne crois
pas quâon puiffe mâaccufer dâĂȘtre
Ion copifce : je mâen rapporte lut
ce point aux lumiĂšres & Ă lâĂ©quiÂŹ
té non-feulement des Maßtres eri
Chirurgie qui ont donné quelque
attention Ă lâobjet des Dents, mais
f
xĂźj AVERTISSEMENT,
encore des Dentiftes mĂȘmes qui
,voudront examiner fans pafĂŻion.
Jâoferai dans cette confiance
indiquer comme des nouveautés
qui me femblent utiles, i°. Mes
remarques fur la forme des Dents,
pour les faire diftinguer hors de la
bouche dâune maniĂ©rĂ© plus prĂ©ci-
fe,< & faire fingulierement recon-
noĂźtre Ă quelle mĂąchoire elles apÂŹ
partiennent: circonftance plus imÂŹ
portante quâon ne lâimagine. 2°.
Celles que jâai faites fur les AlÂŹ
véoles. 3°. Mes conje&ures fur la
formation de lâEmail. 4 0 . Les raiÂŹ
forts que jâapporte pour faire prof
crire le hochet quâon donne aux
enfans. La méthode que je
propofe r foitpour prévenir les ac
cident quâentraĂźne la fortie des
Pents, foit pour les faire ceffer.
6 °. Ma méthode pour bien arran
ger & redreffer les Dents. 70. Ce
que je dis des maladies qui afĂźec-
AVERTISSEMENT, xiij
tant les Dents dâĂ©rofion & tout
ce qui appartient Ă cette matiĂšre.
8 °. Le développement de ma mé
thode pour la luxation des Dents.
2°. Les nouveaux moyens que je
donne pour la guérifon des petits
ulcĂšres qui fe forment dans lâinÂŹ
térieur des gencives. io°. Les-
vues que certains maux de Dents
ou certaines douleurs des genciÂŹ
ves mâont fuggĂ©rĂ©es pour dĂ©couÂŹ
vrir des maladies cachées ou pro
chaines. ï i°. De nouvelles opé
rations pour dégorger le Périofte
commun Ă lâalvĂ©ole ĂȘc Ă la raci-
n q 9 ainfi que pour empĂȘcher les
Dents de sâufer & faire ceffer lâaÂŹ
gacement produit par lâufure de
ces os. Voilà le précis de mes Re-*
cherches ) auxquelles on donnera
le nom quâon voudra, ou celui
quâelles paraĂźtront mĂ©riter.
Jâai fait de plus graver plufieurs
Inftrumens que jâai feulement per-
fo&ionnĂ©s s ĂȘc quelques-uns de
xiv AVERTISSEMENT. .
mon invention. Tels font , une
Pince pour emporter les corps
durs & pierreux qui fe forment
quelquefois aux gencives; p!u-
fleurs cautÚres propres à guérir
diffĂ©rentes maladies des mĂȘmes
gencives; de nouvelles Plaques
pour redreffer & retourner les
Dents. Dâautres Plaques , ou des
demi-cercles pour enfoncer & faiÂŹ
re rentrer à la mùchoire inférieu
re les Dents de devant dont la
faillie défigure la lÚvre & le men
ton 5 & pour ramener en-devant
celles de la mùchoire fupérieure
qui font -penchées dans un fens
contraire ; divers Infirumens plus
convenables que ceux qui font en
ufage , tant pour nettoyer 5 que
pour plomber les Dents; la Lfa
me coudée de M. Fauchard cor
rigée; un nouveau Pélican pour
ramener en fa place une Dent trop
enfoncée ; un autre pour Îter les
Dents. & les racines ; de nouvel"
AVERTISSEMENT .xv
les branches de Pélican pour Îter
les Dents de fageffe Ă la mĂąchoiÂŹ
re fupérieure ; de nouveaux cro
chets qui fe montent fur le LeÂŹ
vier , pour ĂŽter les Dents de fa-
geffe de la mùchoire inférieure ;
une lame 3 ou feuille dâor dont
lâapplication raffermit les Dents
chancelantes ; diverfes autres piڏ
ces pour réparer la perte des
Dents 3 celle des Mvéoles , &c
celle des Gencives ; une efpĂšce
de'Trépan perforatif pour ouvrir
une Dent ; trois nouveaux ObtuÂŹ
rateurs appliquables en certains
cas fort communs.
Je pourrois ajouter encore quelÂŹ
ques autres Angularités, comme
mes conjectures fur les fluxions
caufées par les Dents à tenon;
mes remarques fur les dépÎts qui
fe forment dans le flnus maxillaiÂŹ
re ; leur guérifon par le moyen
dâune nouvelle canule 3 &c. mais
en abrégeant ce détail 5 je puis
xv j AVERTISSEMENT.
affĂ»ter que tout ce quâil y a dans
mon Livre de Théorie & de Pra
tique, foit générale, foit particu
liĂšre, eft appuyĂ© dâObfervations
& de faits également véritables.
O N achevoit dâimprimer mon
Livre, lorfque dans le deuxiĂšme
volume du Journal des S ça vans
de DĂ©cembre dernier, jâai lu un
article oĂč il eft parlĂ© de lâopĂ©ration
que je pratique pour ĂŽter la douÂŹ
leur que caufe une Dent cariée,
en confervant la Dent mĂȘme.
Or, ceux qui prendront la peine
de lire dans le premier tome de
mes Recherches Chap. XI. §. IV.
p. 133. & fuivantes , tout ce qui
concerne la luxation des Dents,
verront que jâai rĂ©pondu dâavance
aux difficultés formées par le Jour-
nalifte. Ăinfi je puis me difpen-
fer de rien ajouter fur cette maÂŹ
tiĂšre , & jâefpere que le LeÂŁleur lç
plus prévenu me rendra juftice.
Approbation
P R 1 VIL EGE DU ROI.
L OUIS, parla GrĂące de DieĂŻt , RoĂź
de France et de Navarre : A nos
amés & féaux Confeillers les Gens tenant nos
Cours de Parlement, MaĂźtres des RequĂȘtes
jordinaires de notre HĂŽtel, Grand - Confeil ,
PrévÎt de Paris, Baillifs,Sénéchaux leurs
Lieutenans Civils v &autfĂ©s nos Jufticiers quâil
appartiendra ;Sà lut , Notre aßné le S r . Boup -
det ,.Nou* a fait expofer quâil dĂ©fĂźreroit faire
Imprimer & donner au Public un ouvrage qui
a pour titre : Recherches & Obfervations fur
soutes les parties de l'Art du Dtntijle , sâil nous
plaifoitlui accorder nos. Lettres de. PrivilĂšge
pour ce nĂ©eeffaires. A c i s c a c_sâ es, vouÂŹ
lant favorablement traiter lâexpofant. Nous lui
avons permiç &pérmettons par eespréfentes dé
faire imprimer ledit ouvrage autant de fois que
Bon lui. femblera , & de le faire vendre & dé
biter par tout notre Royaume pendant le tems
de fix années confécutives à compter du jour
de la datte des préfentes ; Faßsons diéfenfes
a tous Imprimeurs, Libraires-& autres perfon-
nes r de quelque qualitĂ© 8c condition quâelles
latent dâen introduire dâimpreffion Ă©trĂ iigere
dans aucup lieu -de. -notre obéifenoe -,*⹠ceqnme;
suffi dâimprimer ou faire imprimer , vendre ,
faire vendre, débiter-ni contrefaire ledit Ou
vrage , ni dâen faire aucun extrait fous quelque
prĂ©texte que ce puifle ĂȘtre fans la permiffioh
expreffé&par écrit dudk Expofant ou de ceux
qui auront droitde lui, Ă peine de confifca don
des Exemplaires contrefaits;, de trois mille liÂŹ
vres dâamende contre .chacun des contreve-
usas , dont un tiers Ă Nous, un tiers Ă iâHĂŽtel-
Dieu de Paris, #ç l'autre tiers audit Expofant
ou à celui qui aura droit de lui ,& -de tous dé
pens , dommages & intĂ©rĂȘts; a la charge
que ces préfontes feront enregiftrées tout au
long fur le Regiftre de la Communauté des
Imprimeurs & Libraires de Paris, dans trois
mois de la datte d'icelles que lâimpreffion auÂŹ
dit Ouvrage fera faite dans notre Royaume: &
non ailleurs , en bon papier & beaux carafte-
r,es conformément à la feuille imprimée atta
chée -pour modÚle fous le contre-fcel des.Pré-
fentĂ©s, que lâimpĂ©trant fe conformera en tout
aux reglemens de la Librairie, & notamment
Ă celui du io Avril 1715 , quâavant de lâexpo-
fer en vente le' Pvlanufcrit qui aura fervi de
copie Ă rimpreffion dudit Ouvrage, fera reÂŹ
rnis dans le mĂȘme Ă©tat ou lâApprobation y auÂŹ
ra .été donnée Ús mains de notre trÚs-cher &
féal Chevalier Chancelier de France le Sr.
Delamoignon, & quâil en fera enfuite remis
deux Exemplaires dans notre BibliothĂšque puÂŹ
blique, un dans, celle de notre ChĂąteau du
Louvre, un dans celle de notredit trĂšs-cher &
féal Chevalier Chancelier de France, le Sr.
Delamoignon , & un dans celle de notre trĂšs-
cher & féal. Chevalier. Gùrde des Sceaux de
France ie Sr. De Machauk,Commandeur de
nps ordres ; le tout.à peins dé nullité fies Pré
fentes; du contenu defquelles vous mandons
& enjoignons de faire jouir ledit Expofant &
tes ayans caufes pleinement & paifiblement
fans fouffrir quâil leur foit fait aucun trouble
ou empĂȘchement. Voulons que la copie des
pr.éfentes qui fera imprimée tout au long au
commencement ou Ă la fin dudit Ouvrage s
XX
foit tĂ©nue pouf duement lignifiĂ©e , & quâau»
copies collationnĂ©es par lâun de nos amĂ©s &
féaux Confeillers Sécrétaires, foi foit ajoutée
âą comme Ă lâoriginal. Commandons au preÂŹ
mier notre Huiffier ou Sergent fur ce requis, de
faire pour lâexĂ©cution dâicelles, tous aftes reÂŹ
quis & néceffaires, fans demander autre per-
million, & nonobftant clameur de Haro,
Charte Normande, & Lettres à ce contraires»
Car tel eft notre plaifir. Donneâ Ă Verfail-
les, le premier jour du mois de Décembre,:
lâan de grĂące mil fept cens cinquante-fix,
& de notre Régné le quarante - deuxiÚme»
Par le Roi en fon Confeil. LEBE GUE.
Regijßré enfemble la Ceffion ci-deffious fur le
Regijire XIV. de la Chambre Royale des Librai
res & Imprimeurs de Paris , numéro 125. fol.
121. conformément au Reglement de 1723. qui
fait dĂ©fenfe Article IV. Ă â toutes fer formes de
quelque qualitĂ© & condition quâelles foient auÂŹ
tres que les Libraires & Imprimeurs , de venÂŹ
dre , débiter & faire afficher aucuns livres four
les vendre en leurs noms , foit quils s'en difene
les Auteurs ou autrement , & Ă la charge de fourÂŹ
nir Ă la fufditĂš Chambre , neuf Exemplair espref
crĂ»s par l'Article 108. du mĂȘme reglement . A
Taris le 24. Décembre 1756.
P. G. LE MERCIER. Syndic;
Jâai cĂ©dĂ© & tranfportĂ© le prĂȘtent PrivilĂšge
à M. Jean-Thomas Hérissant , fuivantles
conventions faites entre nous. A Paris cefix
Décembre mil fept cens cinquante-fßx.
BOURDET.
RECHERCHES
RECHERCHES
ET OBSERVATIONS
SUR TOUTES LES PARTIES
DE
LâArt du Dentiste.
CHAPITRE PREMIER.
Phyfiologie des Dents. Moyens de
P Art y our en réparer les imper-
feffilons.
§. 'P R E M I E R.
Defcription des Dents & des Alvéoles.
o u s ceux qui ont traité des
Dents 3 en ont donné la divi-
fion & en ont décrit la figu
re; mais on ne sâefl: point at-*
taché à marquer toutes les différences qui
peuvent les faire exactement reconnoĂź-
Tome I. A
2 De lâArt du DentijĂźe.
tre hors de la bouche. Cette connoifc
ance mâa paru ne devoir pas ĂȘtre nĂ©gliÂŹ
gĂ©e , & lâapplication que jây ai donnĂ©e :
ne paroĂźtra pas inutile, quand on vouÂŹ
dra rĂ©flĂ©chir fur lâufage dont elle peut-
ĂȘtre en une infinitĂ© dâoccafions.
Les Dents qui garnirent les deux
mùchoires ont différentes'formes, fuivant
leurs différens ufages. Commençons par
examiner celles de la mùchoire fupé-
rieure.
Les premiĂšres Dents qui sâoflfent Ă
la vue , font les Incifives . Les grandes
font fituées à la partie antérieure de la
bouche immĂ©diatement Ă lâendroit qui
répond au nez. Les petites ou moyen
nes Incifives font fituées à cÎté des pré
cĂ©dentes , lâune Ă droite, & lâautre Ă gauÂŹ
che. Celles-ci diffĂšrent des premiĂšres ,
en ce quâelles font moins larges & moins
longues , ce qui a donné lieu à leur dif-
tinéfion.
Ces quatre Dents font tranchantes
à leur extrémité. Elles font difpoféesfur
une ligne circulaire. Leur face anté
rieure ou externe efl un peu convexe,
& la face interne ou poftérieure efl: un
j>§u concave. La partie latérale des
De VArt du DentifĂźe. $
'grandes Incifives- qui répond à la partie
latérale des petites, eft plus arrondie &
a moins de volume que la partie latéra
le oppofĂ© e oĂč ces deux Dents fe touÂŹ
chent. La mĂȘme chofe sâobferve encore
le long de la racine.
Le corps des grandes Incifives eft
beaucoup plus large & plus mince vers
fon extrémité que vers le collet : ces deux -
Dents nâont jamais quâune racine.
On trouve la mĂȘme chofĂš aux petiÂŹ
tes Incifives. La partie latérale du corps
& de la racine qui répond à la partie la
térale de la grande Incifive, eft plus ap-
platie & a plus de volume que le cÎté
oppofé, qui répond à la partie latérale
de la Canine;
Il y a deux Dents Canines Ă chaque
mùchoire , fçavoir : une de chaque cΏ
té , fituée immédiatement prÚs des pe
tites Incifives. Le corps de ces Dents
eft plus gros, plus long, & plus arronÂŹ
di que celui des petites Incifives j le cĂŽÂŹ
té de la racine & du corps qui répond
Ă la petite Incifive eft applati dans toute
là longueur, & celui qui répond à la pre
miĂšre petite Molaire eft arrondi dans
toute fon étendue. De plus on remarque
4' De VArt du DentijĂźe.
une petite Ă©minence vers le miltĂšĂč
corps de la Dent fur cette .partie-latérale
qui va fe terminer Ă 'lâextrĂ©mitĂ©- de la
Dent, par une-pointe-plus ou moins
rooulfe & plus inclinée du-cÎte oppo-
fĂ© que de celui-ci. LâĂ©mail-fe prolonge
moins fur les parties latérales du corps de
la Dent , quâĂ tout autre endroit oĂč
il forme prefque un V confonne, & il
eft plus apparent fur la partie latérale
antĂ©rieure quâĂ la poftĂ©rieure. La mĂȘme
chofe Ă peu prĂšs sâobferve Ă toutes les
Dents ; il nây a que du plus ou du moins.
. Le collet delĂ Dent commence oĂč fiÂŹ
nit lâĂ©mail. Câeft Ă ce collet que sâattaÂŹ
chent, quantitĂ© de petits vaiĂŒeaux dĂ©-
pendans de la gencive. LâadhĂ©rence de
tpus ces petits vailfeaux au collet de la
Dent ., la maintient ferme & folide. La
racine des Dents Canines efi: plus grolfe
de plus longue que celle des Incifives &
4es petites Molaires.
Les Molaires font la troifiéme clafle
des Dents. Elles font pour lâordinaire au
. nombre de dix Ă chaque mĂąchoire, &
Il y en a cinq de chaque cÎté. Elles oc
cupent la partie poftérieure de la mù
choire aprĂšs les Canines. Les plus antes
0e V Art du Dentifië V j*
rĂźeures font les petites Molaires dont
le corps .ell moins large dans fa* parÂŹ
tie latérale, mais plus épais que celui
des Canines. A fon extrémité font deux
pointes moufles, dont lâune rĂ©pond Ă
la langue , & lâau-tre Ă la joue* Il y a
un enfoncement entre les deux poinÂŹ
tes ; ce qui- fait que lâextrĂ©mitĂ© du
corps de la Dent eft fort large. Leurs
faces externe & interne ( lâune qui ré
pond Ă la levre, & lâautre Ă la lanÂŹ
gue ) font arrondies , & leur corps a
- plus de volume vers-leur-extrémité que
vers' leur racine. Les parties^-latérales
font applaties, & lâĂ©mail'quĂźies recou-
. vre eft aĂŒflĂź moins Ă©tendu ou moins proÂŹ
longé , afin que les vaifleaux de la gen
cive ( qui vient sây terminer en poin-
te.comme aux autres Dents ) purifient sây
attacher. Les deux petites Molaires font
- aflez femblables , aflez uniformes. La
: premiĂšre eft cependant dâordinaire un
peu moins greffe, & a la racine moins
longue que la fécondé. Ces deux Dents
nâont communĂ©ment quâune racine;mais
la fécondé en a fouvent deux & quelque
fois trois. Lorfquâil nây a quâune racineâ,
elle eft ap.platie &-en formel de- -com : on
A ĂŒj
ë De VArt du Dentifte «
y obferve une goutiere qui régné dans
toute fa longueur, & qui femble quelÂŹ
quefois partager la racine en deux ; ce
qui feroit croire que ces Dents feroient
munies de deux racines foudées enfem-
ble. Cette goutiere Ă la premiĂšre petite
Molaire, eft plus apparente dans fa parÂŹ
tie latérale qui répond à la fécondé pe
tite Molaire, que du cÎté de la Canine.
Sa racine eft aufli moins platte, & plus
ouverte du mĂȘme cĂŽtĂ©. Il en eft de mĂȘÂŹ
me de la fécondé petite Molaire. Quand
ces Dents fe trouvent avoir deux raciÂŹ
nes , Pune eft placée vers le palais 3 Sc
Pautre vers la joue.
Il y a dans les trois groffes Molaires
des différences remarquables. La pre
miÚre a plus de volume que la fécondé ,
& fes racines font aufli plus grofles, plus
longues 3 & plus écartées. Sa face anté
rieure qui forme Pinterftice avec la derÂŹ
niĂšre petite Molaire, eft plus large &
plus applatie que la poftérieure. Quant
aux furfaces latérales } Pinterne eft plus
ronde & moins large que lâexterne. La
féconde & la troifiéme grofle Molaires
ont entrâelles les mĂȘmes proportions,
diminuent refpeélivement de volume
8>R?
De V Art du Ventifie* 7
de largeur. La premiÚre & la fécondé
greffe Molaires , ont prefque toujours
trois racines; la troifiĂ©me nâen a fouvent
quâune courte & pointue , ou elle en a
deux ou trois jointes enfemble. A lâexÂŹ
trémité du corps ou du couronnement
de ces Dents, on trouve des éminen
ces & des cavités qui répondent à cel
les des Dents de la mùchoire oppofée*
La difpofßtion de ces éminences efl telle*
que celles de la mùchoire inférieure en
trent dans les enfoncemens de celles de
la fupérieure, Sr vice verfù ; ce qui efl fait
pour que les aiimens foient mieux écrafés»
moulus, & broyés. Ces cavités & ces
éminences manquent fouvent à la véri
té , principalement chez les vieillards
dont les Dents fe trouvent ufées pat
leur longfervice, & chez ceux qui grinÂŹ
cent les Dents pendant le fommeih
Mais on voit aufĂźi des perfonnes qui ont
Ă quarante ans les Molaires & les auÂŹ
tres Dents, Ă demi-ufees , & quelqueÂŹ
fois jufquâĂ ]a racine. Lorfque les MoÂŹ
laires de la mùchoire fupérieure ont trois
racines , il y en a deux fort rapproÂŹ
chĂ©es ou mĂȘme couplĂ©es du cĂŽtĂ© de la
joue, & lâantĂ©rieure efl plus greffe, plus
8 De T Art du Dentifle.
longue, & plus applatie que la pofté-
rieure. Lâautre plus greffe, plus longue ,
& plus ronde, efi: ifolée vers le palais,
Sc quelquefois fi éloignée des deux au
tres, quâon a beaucoup de peine Ă ĂŽter
ces fortes de Dents, fur-tout fi la racine
à fon extrémité fe renverfe & fait le
crochet. Il en efi quelquefois de mĂȘme
des autres, & en générallesracines cro-
'chues font affez communes.
Jâai vu, il nây a pas long-tems, une DaÂŹ
me qui a les deux dernieres Molaires de
la mùchoire inférieure unies enfemble
parla couronne. Jâai vu auffi deux granÂŹ
des Incifives jointes exactement dans
toute lâĂ©tendue de leur corps; mais la
' .jonction des racines efi; plus rare.
Le corps ou la couronne des Dents,
efi; toute leur partie émaillée-j cepémail
efi: plus Ă©pais aux Molaires quâaux Incifi-
.yes & aux Canines.
Paffons aux Dents de la mĂąchoire inÂŹ
férieure.
Il y a quatre Incifives én bas, comme
en haut, mais plus petites que les fupé-
rieures. Elles font toutes affez uniforÂŹ
mes, ou dâun volume Ă©gal, fi ce nâeft
guâaffez fouvent celles qui avoifinent les
De V Art du Dentifie»
Canines font un peu plus larges & plus
longues. On les didingue en médianes
8c en latérales. Les médianes font les
deux du milieu, 8c les latérales celles
⹠qui font contiguës aux Canines. Elles
peuvent encore fe diiHnguer comme les
Incifives 8c les Canines de la mĂąchoire
fopérieure , par leurs quatre faces, an
térieure, podérieure, & latérales. La
face antérieure ed convexe & arrondie,
étroite vers fa racine , plus large 8c
moins ronde en haut. La face podérieu
re ed concave vers fon extrémité fupé-
rieure, ronde & élevée vers la. racine.
Quant .aux faces latérales-, celles des
deux médianes font plus applaties 8c
plus perpendiculaires du cĂŽtĂ© oĂč elles
.fe touchent,..que de .celui qui touche
Ă la Dent voifine. Il en ed de mĂȘme
des deux autres Incifives. Ces quatre
Dents nâont jamais quâune racine fort
platte. Sur les faces latérales de. cette
racine, régné une goutiere plus mar
quée du coté le plus arrondi de la face
latérale du corps de là Dent, que du
cÎté oppofé qui ed plus applati.
Les Canines inférieures diffÚrent aufS
des fupĂ©riĂȘures en ce quâelles.font moins
pointues, que leur corps ed plus long;
f ĂŻO De VArt duDentiJĂźe.
& plus applati, & que la face tant du
corps que de la racine du cÎté de la pe
tite Incilive, eft beaucoup plus large &
plus applatie que la face oppofée du cÎté
de la Molaire. On trouv.e quelquefois
des Canines qui ont deux racines ; ce qui
arrive aufli, mais plus rarement, Ă celÂŹ
les de la mùchoire fupérieure. Les raci
nes de ces Dents dans toute la longueur
de leurs parties latérales, onrune gou-
tiere , ou une rainure plus marquée à la
face qui répond à la petite Molaire, que
de Fautre cÎté. Elles diffÚrent encore
des Incifives, en ce quâelles font plus
greffes par leur corps & par leur racine.
Les deux petites Molaires fituées im
médiatement à cÎté des Canines font
diffĂ©rentes de celles dâen haut, en ce
que iÂź. les deux pointes mouffes quâon
y remarque font moins confidérables 8c
moins écartées. 2 °. Que leur corps eft
plus rond, 8c que la partie latérale anté
rieure lâeft moins que la poftĂ©rieure. 3 0 .
Que leur racine qui eft unique & ronde ,
& qui comme le corps de la Dent, eft un
peu applatie antérieurement, eft com
munément plus longue que celle des pe
tites Molaires fupérieures. La premiÚre
petite Molaire dâen bas eft aufli pour
De VArt du Dentljle. i Ăź)
Pordinaire uft peu moins greffe que la
fécondé ou la derniere.
Les trois greffes Molaires inférieures
ont plufieurs chofes qui les diftinguent
des fupérieures. i°. Les deux premiڏ
res nâont que deux racines fort larges
& trÚs-plattes , au milieu defquelles ré
gné extérieurement une fciffure, ou une
goutiere qui divife fouvent en deux parÂŹ
ties leparées le cordon & le canal. 2 °.
Ces racines ont toutesune autre fituation
que celles de la mùchoire fupérieure tel
les font plantĂ©es dans lâalvĂ©ole, lâune en
avant, & lâautre derriĂšre, de façon que
le plat de ces racines fe trouve lâun anté
rieur, Fautre poftérieur. La premiÚre
greffe Molaire eft, comme Ă la macho!-'
re fupĂ©rieure, dâun plus gros volume
que les deux autres. La racine antérieu
re de cette Dent eft auflĂź plus greffe 8c
plus applatie que la poftĂ©rieure. La mĂȘÂŹ
me dĂ©gradation sâobferve dans la deuÂŹ
xiÚme & dans latroiféme. Les Molaires
appellées Dents' de fagejfe manquent
quelquefois; mais elles ont ordinaireÂŹ
ment la . couronne plus greffe que les
Dents fupĂ©rieures. Elles nâont commuÂŹ
nĂ©ment quâune racine fouvent crochue ?
'12. De VArt du Dentijlé .
ou elles en ont deux jointes enfemble;
Jâen ai vĂ» qui a voient jufquâĂ cinq raÂŹ
cines, & dâautres qui en avoient quatre;,
mais ces cas font affez rares. Ces Dents
font prĂšfque quarrĂ©es Ă lâextrĂ©mitĂ© de
leur couronne, & fort couvertes par les
gencives. Les Molaires inférieures ont ,
comme les fupĂ©rieures, des â Ă©minences
& des cayi'tés qui répondent exaélement
Ă celles dâen haut, pour lâufĂ ge que nous
avons expliqué.- En : général toutes les ,
Molaires ont la partie latérale antérieu
re tant du corps que des racines, plus
large déplus applùtie que la partie pofté-
rieure ; ce qui sâobferve encore aux GaÂŹ
min es & aux Incilives plus ou moins dif
'tinclement. A lâextrĂ©mitĂ© de chaque raÂŹ
cine , on trouve un ou plufieurs petits
trous fervant de paifage Ă trois vaii-
feaux diffĂ©rens qui vont. fprmer,çe quâon
-appeiie 5 le cordon des vaiffeaux DentaiÂŹ
res. Ce cordon,parcourt le canal qui'efl:
'creufĂ© dans lâintĂ©rieur des racinĂ©s-, St
qui fe perd dans le corps, dé la Dent?
pour y porter la nourriture-* convenable.
A mefure que ce cordon'approche du
corps de-la Dent, il efc groffi-parles
^ailfeaux de la membrane qui revĂȘt-la
De VArt duDentijĂŻe. ĂŻ j*
facĂźne, & ces vaiflfeaux font des artĂšres ,
des veines, â & des nerfs* Les artĂšres
viennent de la carotide externe ; les veiÂŹ
nes de la jugulaire, & les nerfs de la
branche maxillaire.
Ces différentes obfervations font né-
ceflaires pour diflinguer les Xncifives ,
les-Canines, les grolfes & petites MolaiÂŹ
res du cotĂ© droit, dâavec celles du cĂŽtĂ©
gauche ainfĂź que pour difcerner au
coup dâĆiflorfquelles font ĂŽtĂ©es,Ă quelÂŹ
le mĂąchoire elles appartiennent, & la
place. quâelles occupoient. De cette faÂŹ
çon on peut dĂ©mĂȘler toutes les Dents
dâune - mĂąchoire dĂ©placĂ©es & confonÂŹ
dues enfemble , reconnoĂźtre lâendroit
dâoĂč elles- font forties, & affigner leur
pofltion naturĂȘlle, fans avoir befoin de
les confronter avec les alvéoles. La né-
ceffitĂ© de pouvoir sâaffurer, Ă la feule inf
peĂ©liqn .dâune Dent ifolĂ©e & hors de la
bouche , de fa véritable pofition, le fait
fentir en bien des rencontres. Il y a de
petites Molaires fĂčpĂ©rieures prefque enÂŹ
tiĂšrement uniformes, de forte que lorf-;
quâil sâagit de remettre une de ces Dents
aprĂšs quâelle efl plombĂ©e, on pourroit
la changer de face, ce qui rendroit fa
iĂŻ 4 De VArt du DentijĂźe.
replantation trĂšs-difficile & quelquefois
impoffible. Un fait arrivé récemment va
prouver de quelle importance il efl de
bien connoĂźtre les Dents.
Un Malade fouffroit beaucoup dâune
petite Molaire fupérieure. Il alla trouver
un homme qui lui ayant caffé fa Dent,
pour lui faire croire que fon opération
. étoit bien faite , lui rendit une peti-
I te Molaire inférieure. Quelques jours
; aprĂšs, le Malade qui fouffroit toujours ,
me vint voir. Jâexaminai fa bouche, & je
â ~ nây trouvai aucune Dent gĂątĂ©e. Com-
I me celle qui lui manquoit étoit caffée
fort avant, la racine ne sâappercevoit
l plus. Je dis donc au Malade quil lui
| étoit furement refié quelque portion de
| racine.; il fbutint que non, & pour me
| convaincre, il me montra la Dent qu'il
j gardoit. Je reconnus au premier coup
| «rĆil, que cette Dent nâĂ©toit pas la fien-
% ne, mais une Dent de la mùchoire infé
rieure. Le Malade un peu furpris me
crut ; je lui Îtai les débris de fa raci
ne } &c il fut guéri.
Les foffes alvéolaires font féparées les
unes des autres par des lames ou des esÂŹ
pÚces de cloifons plus ou moins épaiffes.
De l' Art du Dentifle . ĂŻ$
fĂ©lon la nature des Dents qui sây logent.
Dans la jeuneffe,ces cloifons font plus po-
reufes, plus flexibles, & plus élaftiques ;
elles font arrofées par un fuc nourricier
qui les rend flexibles. Ces lames offeu-
fes, Ă un certain Ăąge , deviennent, comÂŹ
me tous les os, plus compares; ainfl les
cellules fe rétréciffent, & toutes ces par-,
ties ont par conféquent moins de reffort.
La figure de chaque alvéole eft toujours,
proportionnée à la forme de la racine'
quâil reçoit & qui femble lui fervir de-
moule. A mefure que la Dent -sâĂ©lĂšve ,
elle laiffe au-deffous dâelle un vuide con-
fidĂ©rable Ă lâendroit oĂč elle sâeft oflĂźfiĂ©e,
& ce vuide eff rempli en partie par les
racines, Ă mefure quâelles fe forment, ĂŽ%
sây ajufle pour fertir la Dent. Ces raciÂŹ
nes , en fe formant & en sâallongeant;
viennent plus ou moins droites & plus-
ou moins écartées, fuivant que la Dent
a fait plus ou moins de dilatation vers le
fond de lâalvĂ©ole, ou que les racines elÂŹ
les-mĂȘmes en Ă©cartent plus ou moins les
parois offeux. Elles font crochues Ă leurs
extrémités, difformes , inégales, lorf-
quâen sâallongeant elles ont trouvĂ© de la
rĂ©fiĂ»ance au fond de lâalvĂ©ole, ĂŽc que
'l 6 De V Art du DenĂčjle.
dâautre part lâalvĂ©ole ne sâouvre ou nĂ«
sâĂ©carte pas aifĂ©ment, pour ĂȘtre encore
trop comprimĂ© par lâextrĂ©mitĂ© du corps
de la Dent, dans letems mĂȘme quâelle
fe leve. Si alors le fuc offeux fe porte
abondamment dans lâintĂ©rieur de la raciÂŹ
ne pour la former, cette racine devient
ondée ou crochue, a fon extrémité plus
groffe & faite comme une efpĂšce de
bouton ; ce qui a donné lieu à quelques
Dentiftes de penfer, que câĂ©toit un nouÂŹ
veau germe qui, en voulant sâolĂźifier,
sâattachoit Ă lâextrĂ©mitĂ© de la racine. Il
efl aifĂ© de voir quâils fe trompent, puisÂŹ
quâon ne trouve pas plus de duretĂ© dans
cet endroit quâau relie de la racine, &
quâon nây remarque point non plus auÂŹ
cune trace dâĂ©mail. Ne feroĂźt-ce point
lâeffet du fuc nourricier qui fe porte vers '
lâextrĂ©mitĂ© de la racine pour la prolonÂŹ
ger , & qui trouve de la réfillance dans
le fond de lâalvĂ©ole dâune part, & de/
lâautre dans la rencontre des Dents de
la mùchoire oppofée f
Les Dents Molaires, dĂšs que leur
Corps qui efl dâun plus gros volume elf
formĂ©, font dans lâalvĂ©ole une dilataÂŹ
tion confidérable, qui donne aux raci
nes
De VArt du Bentijfe. , i 7 ,
fies la libertĂ© de sâĂ©carter & de sâĂ©ten- *
dre ; mais quand lâalvĂ©ole ne peut aifĂ©-
ment ĂȘtre ouvert par la couronne de Ăźa
Dent qui fort & lui réfifte trop, les
racines alors sâĂ©cartent, & lâon en trouÂŹ
ve quelquefois de plus écartées entre el-=
les que le corps de la Dent nâa de voluÂŹ
me. Si la Dent étant parvenue au ni
veau de fes voilines , efl comprimée
dans le ferrement des mĂąchoires par
quelque Dent oppoiee, celle-lĂ ne pouÂŹ
vant plus sâallonger, la racine, Ă mefur-e
quâelle sâaccroĂźt, fe replie, de vient croÂŹ
chue, fe grofĂźlt, &, comme on lâa dit 3 ,
il fe forme à fon extrémité une efpÚce de
bouton produit tant par lâabondance du
fuc offeux qui sây porte, que parla rĂ©fifo
tance de. lâalvĂ©ole &. des Dents oppc~.
fées. '
Le Périofle qui fe forme & fe prolon
ge avec les racines, eft commun Ă lâalÂŹ
véole., dont la contraction le compri
me. Il sâĂ©mincit , & quelquefois fe def-
- fĂ©che au.point.que les parois.deiâalvĂ©oâ
~ le. fo trouvent adhérans. à la racine ,.ce
: qui fait quâen Ătant la Dent, on enieve
quelque, portion de lâalvĂ©ole, qui fetrour-
..ve ainfß. fou. dé. avec la. racine». >
Tome I, B.
i8 De V Art du DentiJIe.
Les alvéoles de certaines Dents font
beaucoup plus épais que les autres. On
peut les diftinguer en alvéole interne &
en alvéole externe. Celui de la derniere
groffe Molaire dâen bas a trĂšs-fouvent
le plus dâĂ©paiffeur par rapport Ă lâapo-
phyfe coronoĂŻde ; ce qui rend quelqueÂŹ
fois cette Dent difficile Ă ĂŽter, parce
quâelle nâeft fortie quâĂ moitiĂ©, sâĂ©tant
trouvée génée par cette apophyfe & par
la Dent voiline, qui ont fait courber fes
racines, & incliner la Dent du cÎté de
la langue. LâalvĂ©ole externe de la deuÂŹ
xiÚme groffieM olaire eft auffi plus épais &
plus fort que celui de la premiĂšre greffe;
auffi prĂȘte-t-il moins quand il eft queftion
dâĂŽter laDent quâil enchaffie. LâalvĂ©ole
de la premiĂšre groffe Molaire eft commuÂŹ
nĂ©ment le moins Ă©pais des trois; ainft lâon
a moins dé peine à Îter cette Dent qui eft
â plantĂ©e dans le milieu du corps de la
mĂąchoire , fans ĂȘtre plus inclinĂ©e dâun
âą'cĂŽtĂ© que dâun autre. Les petites MolaiÂŹ
res sâĂŽtent encore plus facilement, parÂŹ
ce que leur alvéole eft encore plus min
ce vers la joue, & quâelles nâont jamais
quâune racine. Les alvĂ©oles des Canines
«nt plus dâĂ©paiffeur que ceux des petites
De l'Art du Dentifle. 10
Molaires ; la racine en efi: plus groflĂȘ , &
ordinairement plus longue , quelqueÂŹ
fois mĂȘme ces Dents en ont deux, ce
qui fait quâelles font plus difficiles Ă ĂŽter
à certains fujets. Enfin les alvéoles des
quatre Incifives font plus minces que
tous ceux des Dents précédentes. Aufli
ĂȘes Incifives font-elles plus fufceptibles
dâĂ©branlement, & par confĂ©quent plus
faciles à Îter. Voilà pour les alvéoles in
férieurs..
Les alvéolesSupérieurs ont aufli deux*
faces, une interne, St lâautre externe.:
LâalvĂ©ole externe de la premiĂšre grofle
Molaire eft plus épais que ceux des deux
autres grofles, & celui de la fécondé eft
aufli plus fort que lâalvĂ©ole de la dernie-
re Dent, qui eft ordinairement panché
vers la joue. Les petites Molaires ont
les alvéoles moins forts que ceux des
Canines ; & les plus foibles de tous font
les alvĂ©oles des Incifives. LâalvĂ©ole inÂŹ
terne de toutes ces Dents eft Ă peu prĂšs
dâĂ©gale Ă©paiffeur,. Ă moins quâune Dent
mal fĂźtuĂ©e ne fĂš porte plus dâun cĂŽtĂ© que
dâun autre ; car alors elle eft plus oĂč-
moins Ă©paifle fur quelquâune de fĂšs
deux faces. Ces petites ©bfervations
'HĂŽ De lâArt du Demi fie.
ne doivent pas ĂȘtre nĂ©gligĂ©es, lorfquâil
eft queftion dâĂŽter une Dent.
A mefure quâon perd des Dents, les
foffes alvéolaires s'effacent en trÚs-peu
de tems ; enforte quâil nâeft pas poffible
dâen reconnaĂźtre aucune trace > pourvu
nĂ©anmoins quâen ĂŽtant ces Dents on.
nâait pas autrefois fracturĂ© quelque porÂŹ
tion dâalvĂ©olĂ© : car dans ce cas , quoique
les foffes foient remplies & bien ofĂźiâ
fiées, la mùchoire eft moins épaiffe &
moins unie.
Lorfquâon a lâune des deux mĂąchoiÂŹ
res dégarnie de quelque Dent, la Dent
de la mùchoire oppofée qui répond pré-
cifément à la breche, ne trouvant plus
rien qui la borne, ne manque pas de sâai»
longer par la contraction de fbn alvéo
le. Or,Ăźe vuide que la racine laiife au
'fond de cet alvéole, fe trouve peu-à peu
rempli & oflifié.
Lorfquâon vient dâĂŽter une Dent bien
eonfolidĂ©e par lâalvĂ©ole, les bords ou les
extrĂ©mitĂ©s de ce vafe offeux, oĂč font
contenues les racines Sc celles des cloi-
fons intermédiaires, font fenfibles pen
dant quelques jours.. La gencive ne fe
réunit, que quand les afperités de tou-
De VArt du DentijĂźe. S -1
tes ces parties fe trouvent détruites, 8c
les parois fuffifamment rapprochés. On-
ne peut manger fur cette gencive , que
quand le'fond du. baffin eft entiĂšrement
rempli &. bien ofßßfié.
Dans les Vieillards - , & dans toutes
les perfonnes - dont' les Dents tombent
.par ébranlement, & par le défaut de
lâalvĂ©ole , la gencive eft rĂ©unie en moins
de C 24 heures , 8c la mĂąchoire eft aftĂ i C-
fĂ©e, mince, & prefque tranchante. Quâon
'examine une perfonne qui aura perdu
plufteurs Dents par ébranlement, & qui
pendant fa jeunelfe en aura fait ĂŽter quelÂŹ
ques autres, parcequâelles Ă©toient gù
tĂ©es, ou quâelles lui caufoient delĂ douÂŹ
leur, on trouvera, dans cet endroit, la
mùchoire plus épaifife & plus élevée,
.quâaux endroits oĂč les Dents nâĂŽnt Ă©tĂ©
détruites que par leur ébranlement fuc-
cefiif.
Un Ecrivain récent a cru, que les
Dents nâĂ©taient pas chaftees au-dehors
.parla contraction de lâalvĂ©ole. Pour le
prouver , il foutientquâon .nâa quâĂ pref
1er & appuyer fur la Dent qui fe trouve
, allongée, elle rentrera fur le champ &
.fe mettra au niveau de. fes voifines. Le
Ăą 2 De VAn du Dentifle ;
fait efl vrai:'mais cela nâarrive, quĂȘ
quand lâalvĂ©ole efl dĂ©truit par une fup--
puration qui fe fait aflez communément
dans la gencive, & autour de la raciÂŹ
ne. Car alors la Dent deftituĂ©e dâappui
ne tient plus quâĂ quelques filets de la
gencive, ou Ă une petite portion de
lâalvĂ©ole qui nâa pas encore Ă©tĂ© dĂ©truit
par la fuppuration, & cela par le moyen
de la membrane qui leur efl commune.
Cette Dent ayant trĂšs-peu de foutien,
sâallonge par fon propre poids, fi câeft
Ă la mĂąchoire fupĂ©rĂźeure, & fi câefl: Ă
lâinfĂ©rieure, par le gonflement & lâenÂŹ
gorgement de la membrane ou de la
gencive. Or il efl: aifé de comprendre,
que fi lâon appuie fur lâextrĂ©mitĂ© de la
Dent, elle rentrera dans fon trou &
fe trouvera à peu prÚs égale à fes voi 1 *
fines, fur tout fi la Dent oppofée fe ren
contre dire élément vis-à -vis ; mais dÚs
quâon celle dâappuyer fur cette Dent,â
elle sâallonge & dĂ©borde les autres. Ces
fortes de Dents en général font fort in
commodes , & on efl fouvent obligé de
les ĂŽter. Si on porte une fonde entre la
racine de la Dent & la gencive, on ne
trouve point ou lâon trouve peu dâal-
De l?Art du Ăentifte. 2$
\?éole. Toute la circonférence de la ra
cine jufqu à fon extrémité, en eft prei>
que totalement dénuée; cette racine efl
nue & nâa plus aucune adhĂ©rence avec
la gencive. Câefl: dans ce cas que la genÂŹ
cive en recouvre la plus grande partie »
mais fans sây adapter jamais. AinlllâexÂŹ
périence nous fait voir que les Dents:
sâallongent,fur-tout quand il nây en a pas:
à la mùchoire oppofée dont la réfiftan-
ce puilfe empĂȘcher leur prolongement»
DĂšs-lĂ donc il nâefl pas toujours polfiy
ble de faire rentrer une Dent dans fon
alvĂ©ole en prenant deflĂčs, & de la faire
revenir au niveau des autres. Au refte*
quoique les. Dents allongées excédent;:
les autres, lorfque cet allongement proÂŹ
vient de la contraction de lâalvĂ©ole, elles
ne lailfent pas que dâĂȘtre alfez fermes &
de durer aflfez long-tems, parce quâĂ me»
fure que lâalvĂ©ole chaffe une Dent, elle
en eft étroitement ferrée ; la figure py
ramidale de la racine & lâĂ©lafticitĂ© de
lâalvĂ©ole, contribuent beaucoup au refi=i
ferrement. Et nous le répétons encore a
Ă mefure que la racine fort de lâalvĂ©ole 9
le vuide quâelle lailfe dans le fond le
trouve rempli & oiĂźifiĂ© ? ce qui lâempĂȘ-j
'24 De VArt du DentijĂŻe.
che par confĂ©quent dây rentrer. ConfirÂŹ
mons ceci par une obfervation.
Il y a cinq ou fix ans que MademoĂź-
felle * * * demeurant Ă Paris ,- rue Saint
Thomas du Louvre, sâĂ©tcit fait racoĂŒr-
cir Ă Rouen j par un D en tille, deux In-
cilives de la mùchoire inférieure ,' qui
débordÎient beaucoup 'leurs"' vÎifines,
parce quâelle avoitâperdu depuis long-
tems lesdeux grandes InÚifivesde la mù
choire fupérieure. Au mois: de Novem
bre 175 " 3 ? je les lui limai de nouveau
de plus dâune demie ligne , pour les renÂŹ
dre égales aux autres. Or je puis alfûrer
quâon auroit eu beau appuyer fur ces
deux Dents , quâon ne les auroit pas
fait rentrer de lâĂ©paiffeur dâune feuille
du plus fin papier, car elles font trĂšs-
fermes & trĂšs - folides. Je confeillai Ă
cette perfonne de faire mettre deux
Dents pofliches Ă la place de celles qui
lui manquoient : elle ne voulut point
fuivre mon avis, & je lui pronolliquai
la perte des deux Dents limées-; ce- qui
ne manquera pas dâarriver par fuccefiion
detems, parceque cesdeux Dents sâalÂŹ
longeront toujours par les raifons que
|âai marquĂ©es. On voit tous les jours de
De VArt du Dentijle. Ăj*
Ă«es Dents allongĂ©es, & je nâai jamais
vu quâon pĂ»t les faire rentrer, en apÂŹ
puyant defiiis, que dans le cas oĂč lâal-
yéole efi détruit.
Quoique le nombre des Dents foit
pour lâordinaire fixĂ© Ă vingt-huit ou
trente-deux, il y a des perfonnes qui
en ont 3 6 . Jâai nettoyĂ© les Dents Ă un.
Prieur logeant alors rue Guerin-Boif-
-feau, chez Madame Bodajfe , lequel
avoir quatorze Molaires Ă la mĂąchoire
lupérieure, fçavoir , fept de de chaque
cÎté; de façon que la pénultiÚme & la
derniÚre étoient doublées vers la joue.
MademoifÚllé Dufort , de Lyon, vint
en 17)i Ă Paris, pour faire accommoÂŹ
der Ăc arranger fes Dents qui Ă©toient
doublées. Je lui Îtai deux Canines , 8c
â deux petites Incifives qui lui Ă©toient veÂŹ
nues de fiircroĂźt Ă lâĂąge de dix-huit ans
Ă la mĂąchoire fuperieure. Ces Dents
âąfurnumĂ©raires la dĂ©figuroient Ă un tel
point, quâelle nâofoit ouvrir les levres.
Auffi-tĂŽt que ces quatre Dents furent
retranchées, elle eut les Dents trÚs-bien
8 c mĂȘme fort jolies ; car il lui en relia
feize Ă chaque mĂąchoire.
On voit quelquefois Ă plufieurs per-
Tome L G
âh6 De VArt du DentijĂźe ;
fonnes dont toutes les Dents ont for*
ties, une Dent de furcroĂźt qui fe plaÂŹ
ce derriĂšre les deux grandes Incifives,
ou entrâelles, lorfquâelles font Ă©cartĂ©es.
Cette Incifive furnuméraire a peu de vo
lume ; elle eft ronde & pointue comme
une Canine. Quand elle caufe de la difÂŹ
formitĂ© ? ou quâelle gĂȘne la prononciaÂŹ
tion , il ne faut pas héfiter à la retran
cher»
§. IL
De la formation de Vaccroijfement
des Dents.
L Ă maniĂšre dont les Dents fe
forment & sâaccroilfent, eft une
merveille de la nature digne de toute
lâattention des Phyftciens. Il eft curieux
dâen confidĂ©rer les progrĂšs, depuis le
premier développement du germe 5 juf*
quâĂ ce que le corps de la Dent sâĂ©lĂšve
de lâalvĂ©ole, & forte au-dehors. Dans
la formation des Dents, la Nature fuit
un ordre particulier qui paroßt déroger
gux loix établies pour la plupart de fes
productions. Le corps de la Dent fe
forme avant fa bafe, appellée impropre
ment Racine ; il commence mĂȘme Ă fe
former par fa partie extérieure la plus
Ă©loignĂ©e de cette bafe, & dâabord il
prend tout le volume, ou toute la grof-
feur quâil doit avoir. A mefure que le
yolume extérieur de la Dent grofßit, il
eft recouvert par lâĂ©mail qui sâĂ©tend fur
toute fa furface en mĂȘme-tems que lâinÂŹ
térieur fe remplit. On fçait que toutes
les parties offeufes, avant leur offifica-
tion j commencent par ĂȘtre membraneĂč-
fĂšs : le germe des Dents fuit la mĂȘme
loi. Ce germe efi enveloppe par une
membrane véliculaire qui prend. naif-
fance de celles des gencives. En augÂŹ
mentant de volume, il écarte & dilate
la loge offeufe dans laquelle il efi; renÂŹ
fermĂ© ; & Ă mefiire quâil sâofime, fa memÂŹ
brane sâĂ©paifilt, sâĂ©tend , 8 c sâattache forÂŹ
tement tant'Ă fa bafe qĂŒâĂ la racine qui
fuccéde. Les couches de la Dent qui
fe forment & qui sâoflifient les premiڏ
res , font les couches extérieures du
corps fpongieux. Aufix-tĂŽt quâil y en a
deux ou trois lâune fur lâautre, il fe dĂ©-
pofe un fuc cffeux fur lâextĂ©rieur du
C ij
corps de la Dent, qui fuit Ă peu prĂšs le
mĂȘme ordre & les mĂȘmes progrĂšs dâof-
fification que ce corps fpongieux. Ce
fuc oflfeux qui eft contenu dans les celÂŹ
lules de la membrane dont le germe eft
environné, eft apporté par cette mem
brane: câeft de-lĂ , quâil vient couvrir
peu Ă peu le corps de la Dent, oĂč il fe
durcit Ă mefure que lâintĂ©rieur de cette
Dent fe remplit de. nouvelles couches.
Ainfi lorfque la Dent a pris fa confidenÂŹ
ce, toute fa furface eft revĂȘtue dâune
forte de croûte offeufe diftinguée tant
par fa dureté que par fa blancheur &
par fon poli, de tous les autres os du
corps. Cette croĂ»te folide eft LâEmail .
Le fuc dont il eft formé, avant fon ofßifi-
cation, nâa rien qui reffemble Ă une fubf-
tance membraneufe : mais il fe filtre peu
à peu par le tiffu des cellules, & fe ré
pand fur tout le corps fpongieux, à me»
fure que la Dent sâoffifie. La matiĂšre de
lâĂ©mail en fe formant, nâeft donc quâune
efpĂšce de pĂąte molle qui acquiert infen-
fiblement de la confidence, 8 c qui deÂŹ
vient enfin une vraie lame offeufe, fi
dure 8 c fi compadle, quâon lâa crue longÂŹ
eras incombuftible y vieille erreur quâun
De P Ar t du DerttijĂźe. 2.$>
peu dâattention a dĂ©truite.
Ceux qui voudront vérifier cette Phy*
fiologie de lâEmail, nâont quâĂ exami-
^ ner des mĂąchoires de jeunes BĆufs oĂ
- H relie des Dents de lait Ă tomber. Il
faut les prendre dans le tems que les
fécondés Dents ne font que commencer
Ă sâofiĂźfier; on reconnoĂźtra dans cetexa^
men lâopĂ©ration de la nature, & plus at*
fĂ©mentque fur des mĂąchoires aâEnfans.
Quand le corps de la Dent eft consÂŹ
truit , & quâelle a toutes fes proportions ,
fa bafe, ou, comme on dit, fes racines
fe forment de la mĂȘme maniĂšre. AinfĂź
la racine en fe formant, prend dâabord
le volume quâelle doit avoir, & Ă me-
fure quâelle fe fortifie, ou que fon inté
rieur fe remplit, elle sâallonge infenfi-
blement, jufquâĂ ce quâelle ait acquis la
longueur convenable» LâextrĂ©mitĂ© de
cette racine fe bouche alors en confer-
vant néanmoins un pafiage libre aux
vaiffeaux qui aboutiiToient au germe,
& qui vont maintenant occuper la caÂŹ
vité de la racine pour fe perdre dans
le corps de la Dent. Dâun autre cĂŽtĂ©, la
membrane de la Dent fe prolonge fur.
30 DeV'Art du Dentijle.
cette racine, lâenveloppe , & y devient -
adhérente.
Pendant que la racine sâallonge &
fe perfectionne au fond de lâalvĂ©ole, la
Dent sâĂ©lĂšve vers la gencive pour fortir
au-dehors. Elle commence par écarter
les parois de lâalvĂ©ole : parvenue au bord
de cette loge offeufe, la Dent, ouvre
dâabord la membrane dont elle efl enÂŹ
core envoloppée, puis celle qui bouche
-lâentrĂ©e dĂ© lâalvĂ©ole, & enfuite la genÂŹ
cive. Alors elle fe découvre peu à peu,
& fort tout-Ă -fait dehors, Ă mefure que
la racine en sâallongeant, la chalfe ou
la repouflfe. Mais que devient cette memÂŹ
brane dâoĂč la Dent sâeff dĂ©veloppéÚ en
la divifant ? Elle refie dans lâalvĂ©ole &
devient commune Ă cette partie & Ă la
racine. Il faut obferver ici quâĂ mefure
<jue la Dent sâavance vers la gencive ,
les parois de lâalvĂ©ole sâallongent & sâĂ©-
paiffiffent en mĂȘme-tems, pour recouÂŹ
vrir entiĂšrement la racine. La mĂȘme
oeconomie fe remarque pour les MoÂŹ
laires qui ont plufieurs racines. PenÂŹ
dant que ces racines fe forment, il fe faÂŹ
brique des cloifons & des cellules defti-
nées à les loger féparément. Les Dents
De VArt du Berttijßé* 3 ïß
qui nâont quâune feule racine, en fortant
de lâalvĂ©ole oĂč elles fe font formĂ©es >
y laiffentleur moule, câeft-Ă -dire, lâem-
preinte de la place quâelles occupoient.
Or ce moule sâefface en partie, & eii
refferrant fon volume, sâadapte Ă celui
de la racine pour la fertir &c la confo-
lider.
§. IIL
De la fortie des Dentsl
L es Dents percent ordĂŻnairerneftC
Ă cinq, Ă fix, ou Ă fept mois, quelÂŹ
quefois plutĂŽt, quelquefois plus tard 3
félon que les enfans font plus ou moins'
forts. On en voit à qui les Dents né
paroiffent quâĂ lâĂąge dâun an , ou de :
quinze mois, de rien ne varie plus que
le tems de leur fortie. Les Canines ne
percent alfez fouyent quâaptĂšs les MoÂŹ
laires , & plutÎt à la mùchoire fupérieu-
re quâĂ celle dâen bas ; mais pour lâordiÂŹ
naire la premiÚre Dent paroßt à la mù
choire inférieure & au-devant de 1 %
bouche, Ă fix ou Ă huit mois. Peu de jours
32 De VArt duDentifle.
aprĂšs lafortie de cette Dental en paroĂźf
une autre à cÎté, & ces deux premiÚres
Dents font appellées Incifives. Les deux
grandes Incifives fortent Ă la mĂąchoire
fupérieure, peu de tems aprÚs celles de
lamachoire inférieure, & à peu de jours
lâune de lâautre. Il perce enfuite Ă la mù
choire inférieure deux autres Incifives,
Ă . cĂŽtĂ© des premiĂšres, lâune Ă droite >
lâautre Ă gauche, & deux Ă la mĂąchoire
fupérieure, à cÎté des deux grandes In
cifives. Ces huit Incifives font difiin-
guées en quatre fupérieures , & en qua
tre infĂ©rieures. A lâĂąge dâonze mois ,ou
d'un an, les deux Canines commencent
à paroßtre à la mùchoire inférieure, &
percent toutes deux prefque dans le
mĂȘme tems. Trois femaines ou un mois
aprĂšs, paroiffent ( & dâordinaire enfem-
hle) les deux Canines de la mĂąchoire
dâen-haut. Ces derniĂšres > Ă leur fortie >
caufent prefque toujours plus de douÂŹ
leur & dâaccidens que les Dents qui ont
paru avant elles.
Il perce enfuite dâautres Dents plus
fortes, appellées Alolaires de lait. Les:
deux premiĂšres fortent Ă quatorze ou
quinze mois à la mùchoire inférieure »
TDeVArt du Dentifle. 33
chacune à cÎté de celles dont nous ve
nons de parler. Peu de jours aprĂšs, il en
perce encore deux femblables à la mù
choire iupĂ©rieure. A lâĂąge dâenviron
deux ans, il en paroĂźt quatre nouvelÂŹ
les, deux à la mùchoire inférieure, &
deux à la Iupérieure. Ces huit Dents font
appellĂ©es Molaires. LâEnfant parvenu Ă
cet Ăąge, a chaque mĂąchoire garnie de
dix Dents, que lâon appelle Dents de lait :
il relie dans cet état jufqu ? a cinq ou lix
fins. A cet Ăąge, il lui perce quatre nouÂŹ
velles Dents ; deux en haut & deux en
bas, & toutes rangées à cÎté de celles
qui ont paru les dernieres. Il en vient
quatre autres Ă lâĂąge de onze ou douze
ans , & quatre autres encore Ă dix-huit
pu vingt. Ces douze Dents font appelÂŹ
lées grojfes Molaires ; on nomme com
munément les quatre derniÚres, Dents
de fagejfe. Quelquefois ces mĂȘmes Dents
ne paroiffent quâĂ vingt-cinq ou trente
ans, quelquefois plus tard, & mĂȘme jaÂŹ
mais. Quand toutes les Dents font deÂŹ
hors, chaque mĂąchoire efl; garnie defei-
ze Dents, qui font le nombre de trente-
deux*
54 De VArt du DentijĂźe .
§. IV.
De j accidens qui précédent & qui accom\
pognent ĂŻofortie des Dents.
P endant que la Dent fe forme 8c
sâaccroĂźt ? que fon corps en grof-
fiflant Ă©carte les parois de lâalvĂ©ole ,
quâelle comprime & divife la membrane
du germe , & que la racine , en sâallonÂŹ
geant, lâoblige de'percer la gencive,
lâEnfant Ă©prouve des douleurs plus ou
moins vives qui caufent fouvent des acÂŹ
cidens trĂšs-dangereux. Lc-rfque la Dent
efl: parvenue Ă la membrane, qui ferme
lâalvĂ©olĂ©, cette membrane, ainfi que lĂ
gencive, efi cÎnfidérablement diflendue
par lâĂ©cartement de cet alvĂ©ole. La prĂ©-
fence de la Dent irrite les fibres nerveu-
fes qui sây diftribuent ; elle les picotte
& les dĂ©chire, jufquâĂ ce quâelle foit enÂŹ
tiÚrement à découvert.
Or les- accidens qui réfuftent de ces '
picottemens & déchiremens, font plus
©u moins confidérables, félon les Dents
qui les produifent & la conftitution de
FEnfant,. La fortie des Molaires 8c deç
De V Art du Dentifte.
Canines, eft communément fuivie de
beaucoup plus dâaccidens que celle des
Incifives. On voit des Enfans dont les
Dents germent, & sâoflifient prefque
toutes à la fois. Ainli le feul écartement
quâelles font aux parois des alvĂ©oles, &
la dilatation des membranes qui les enveÂŹ
loppent, occafionnent des accidens qui
deviennent quelquefois mortels. Toutes
les Dents, à la vérité, ne caufent pas les
mĂȘmes dĂ©fordres, foit en germant, foit
Ă leur fortie : mais on ne voit que trop
dâexemplĂšs des maux qui accompagnent
la fortie des Canines & des Molaires.
Ainli nous commencerons par examiner
la nailfance de ces deux fortes de Dents.
Les Dents Canines ont lâextrĂ©mitĂ© de
leurs corps terminée en pointe moufle »
le milieu efl: trois fois plus gros, & reÂŹ
préfente une efpÚce de cÎne. Lorfque
cette pointe moufle , aprÚs avoir divifé
la membrane qui lâenveloppe , efl parÂŹ
venue Ă celle qui ferme lâalvĂ©ole, comÂŹ
me elle ne fçauroit promptement percer
la derniere , elle la comprime & la dif
tendbeaucoup.De-lĂ lâinflammation qui
sây forme & qui caufe des douleurs trĂšs-
aigues. Ces douleurs fubfiflent aufE
5 6 De VArt du Dentijßë .
long-rems que la pointe moulfe des Cahfc
nés eft à divifer ces deux membranes ; ce
quelle fait prefque imperceptiblement,
en les amincilĂŻĂ nt peu Ă peu. Or lâouverÂŹ
ture que fait cette pointe, & qui sâag-
grandit Ă mefure que la Dent sâĂ©lĂšve,
nâeft jamais alfez large pour laiffer paffer
le corps dé la Dent, qui eft plus gros
que fa pointe: car cette ouverture eft
comme un bourrelet qui tient la gencive
tendue, & les déchiremens que le corps
de la Dent fait, Ă mefure quâelle sâĂ©lĂšve,
ne la relĂąchent point alfez pour calmer
les vives douleurs que lâirritation, le pi-'
cottement, & la compreffion caufont aux
fibres nerveufes qui sây diftribuent. Ces
défordres qui fubfiltent quelquefois juf-
quâĂ la fortie entiĂšre de la Dent Canine ,
ne font que les moindres accidens dont
elle peut ĂȘtre accompagnĂ©e. Il en fur-
vient quelquefois de li funeftes, quâils
font fuivis dâune prompte mort. ComÂŹ
bien en effet voit-on dâEnfans Ă qui ces
mĂȘmes Dents caufent des eonvullions
qui les emportent en peu de jours, ce
qui nâarrive pourtant quâaux PlĂ©thoriÂŹ
ques ! Combien dâautres Ă qui ces Dents
percent avec une telle lenteur, que leuç
DeVjirt ĂąuDentĂźfle. 37
jointe comprime long-tems la gencive,
fans pouvoir lâouvrir! Cette lenteur fait
que la gencive sâenflamme & fe gonfle
Ă meflxre que la Dent sâĂ©lĂšve, ce qui
caufe bien des maux Ă lâEnfant. Il fe forÂŹ
me quelquefois dans fa bouche quantité
dâAphtes ou de petits ulcĂšres qui fouvent
gagnent le gofier, lâoefophage, & la traÂŹ
chĂ©e-artĂšre ; les amygdales sâenflent enÂŹ
core au point que le gonflement dégé
néré en abfcÚs. Pendant tout ce défor-
dre , lâEnfant a une fiĂšvre trĂšs-violente
& des convulfions dont les fuites font
quelquefois mortelles. Pour prévenir ces
accidens, dĂšs que la pointe de la Dent
Canine à percé, il faut couper en deux
endroits la bride circulaire ou le bourreÂŹ
let que le corps de la Dent fait en Portant.
La mĂȘme opĂ©ration devient nĂ©ceflaire >
quand la pointe de cette Dent , avant
que de percer la membrane de lâalvĂ©ole
& la gencive, foit par fĂ lenteur Ă pouf
fer, foit par la plĂ©thore de lâEnfant, oc-
cafionne de pareils défordres; il faut
aufli dans ces circonftances découvrir
au plutĂŽt la pointe de la Dent par une
incifion cruciale.
Les Dents Molaires ordinairement
8 De VArt du'DentĂźJfe .
nâont pas tant de peine Ă percer que leĂȘ
Canines : mais pourtant, dans les preÂŹ
miers jours, elles caufent des douleurs
aigues & dâautres accidens, mĂȘme avant
que d^élever la gencive ; & voici pour
quoi. Comme elles font ordinairement
dâun gros volume, lâĂ©cartement de lâalÂŹ
véole & la tendon du période font en
proportion de leur groffeur, ce qui proÂŹ
duit beaucoup de mal. Mais auffi, pour
peu que ces Dents pouffent, comme elÂŹ
les font dâune forme quarrĂ©e & quâelÂŹ
les ont plulieurs éminences, la Dent
comprime la gencive & la diftend dans
tous les points, jufquâĂ ce quâelle lâait
entiĂšrement- rompue , & quâelle fe foit
ouvert un palfage qui fait bien-tĂŽt fuc-
cĂ©der le calme.Dâun autre cĂŽtĂ©, la forÂŹ
me & le volume de cette Dent abrĂšge
les douleurs; parce que lâamincilfement
& la didenlion, tant de la gencive que
de la membrane de lâalvĂ©ole, font que
la Dent, étant une fois arrivée là , a moins
dâefforts Ă faire pour les divifer,& quâain-
fi lâirritation dure moins. Le moyen de
faire ceflfer tous les accidens quâelle eau*
fe, e£l de débrider ces deux parties, ( le
De V Art lu Bentifle: 5 ^
|)érßofte & la gencive ) par quelques lé
gĂšres inciflons.
La fortie des Inciflves efl: la moin?
pénible de toutes : cependant comme
ces Dents fĂš terminent en une efpĂšce de
tranchant qui efl fouvent en forme de
fcie, quelquefois leur extrémité picotte
la gencive &c fait quelque mal. Mais la
douleur quâelle caufe efl; courte , parce
quâelle divife la membrane beaucoup
plus aifément que les autres Dents, &C
quâelle fait une ouverture affez grande
pour permettre Ă tout le corps de la
Dent de fortir fans rien déchirer, ni
produire dâinflammation. Quandla poinÂŹ
te des Inciflves caufe par hazard quelÂŹ
que accident, on y a bien-tÎt remédié
par une inciflon à la petite élévation
quâelle fait appercevoir en pouffant.
Pour prévenir les accidens qui ac
compagnent la fortie des Dents, il ne
sâagit que de trouver les moyens de les
faire percer le plus promptement quâil
efl; poflible, &c dâaider Ă propos la NaÂŹ
ture. Jâai obfervĂ© que lâufage du Hochet,
Ă©toit plus pernicieux quâutile aux En-
fans, 8 c que les Ă©molliens quâon employĂ©,
pour relĂącher les gencives, nâĂ©toient
ĂŻ|0 De l'Art da DentiJIe
pas fort nécelfaires.
Le Hochet quâon donne aux Enfans *
& que plufieurs Auteurs confeillent, a
des inconvéniens manifeftes. Lorfque
la Dent sâeft Ă©levĂ©e jufquâĂ comprimer
la gencive , elle y excite une forte dé-
mangeaifon. LâEnfant, pour fe foulager,
porte le hochet Ă fa bouche , le ferre, le
mord, & comprime ainfi la partie qui
produit la démangéaifon. Les compref
ilons rĂ©itĂ©rĂ©es que cet inftrument dâune
part, & la Dent. de lâautre, font Ă la
gencive, y occafionnent un gonflement,
& quelquefois une inflammation, fuivie
'de trÚs-grands déibrdres.
Le Hochet feroit dâun excellent ufa-
ge, fi lâEnfant en le ferrant & en le morÂŹ
dant, pouvoit contribuer Ă faire divifer
la gencive. Mais comme les extrémités
des Dents nâont pas toutes une figure
propre Ă faciliter cette divifion, le hoÂŹ
chet ne fert Ă©videmment quâĂ durcir la
.Gencive.
Les Dents Incifives, qui par leur exÂŹ
trémité tranchante, par Giflent le plus
accélérer la divifion de la gencive, lorfi
guâelle efl: ferrĂ©e & comprimĂ©e par le
hochet f
De V Art du Déntijße. 41'
feochec j ne font pas une divifion affez
nette ni affez exacte. Les fibres qui nâont
ĂĂ ĂȘtre dĂźvifĂ©es/ont autant de brides qui
sâenflamment par. la contufion que le hoÂŹ
chet y a faite, & qui font fubfifter la
douleur. Si lâufage du hochet.nuit plus
-quâil ne-fĂšrt Ă la fortie des Incifives, il
en provient, Ă plus forte raifon, dâautres
inconvéniens dans la fortie des Canines
dont-lâextrĂ©mitĂ© efl obtufe, St dans ceh
le des Molaires dont la furface eit large-
&.armée de plufßeurs pointes moufles.
Les Ă©molliens quâon employĂ©, pour
faciliter la divifion de la gencive, font
trĂšs-rarement efficaces. On ne fĂ uroit
difconvenir quâils ne foient propres Ă
relĂącher la membrane & quâils ne diÂŹ
minuent en effet les douleurs que cau-
fe fa tenfion : mais le peu de relĂącheÂŹ
ment quâils produifent, retarde la diviÂŹ
fion de la gencive, & la Dent sâĂ©levant
de jour en jour, Ă mefure que fa racine
sâallonge, efl: une caufe. toujours fub-
fiftante de lâengorgement des vaifleaux
dans toutes les parties quâelle compriÂŹ
me de plus en plus. La gencive, conti^
nue donc.de sâenflammer & de produis
je les mĂȘmes acçidens, fi on ne travailla
Tomé L D
'42 De VĂrt du DentijĂŻe.
a les détourner, par des moyens plus-
prompts & plus furs.
r â Le Remede qui mâa paru le plus proÂŹ
pre pour prévenir ces accidens, efl le
Jus de Citron . Cette liqueur, par fon aciÂŹ
dité & fa vertu aftringente , donne du.
reffort aux fibres de la gencive, fans y
caufer dâinflammation ; de façon que les
fibres qui la compofent fe caffent, Ă me-
fure que la Dent pouffe au-dehors. La
maniĂšre dâemployer le Citron, efl; de
tremper le doigt dans fon jus & dâen
frotter la gencive, aux endroits oĂč les
Dents paroiflent difpofées à percer, juf-
â quâĂ ce que la divifĂźon des chairs foit
faite. Il faut, pour cet effet, donner beauÂŹ
coup dâattention Ă la bouche des En-
fans , lorfque leurs Dents font en train
de percer. Les lignes qui le font con-
noĂźtre font, lorfque lâEnfant commenÂŹ
ce Ă baver, quâil fent un prurit ou une
dĂ©mangeaifbn Ă la bouche, quâenfin on
remarque à la gencive une élévation &
un point blanc, qui ne fubfiftent que par
la préfence de la Dent qui commen
ce Ă la comprimer. Câefl alors quâofi
a recours au jus de Citron que beauÂŹ
coup cLâexpĂ©riences mâont dĂ©montrĂ© ĂȘtre.
De VArt du Deniijle. 43
préférable à tous les autres remÚdes.
En effet , les émolliens relùchent la
gencive tendue, diminuent l 5 inflammaÂŹ
tion , &. calment les douleurs pour le
moment ; mais ils ne détruifent pas la
caufe de lâinflammation & de la tendon,
ou ne font quâen retarder les fuites. Que;
fait au contraire le jus de Citron? ComÂŹ
me câefl un bon rĂ©folutii> & quâen mĂȘÂŹ
me tems il efl: incifif (propriétés trÚs-
convenables dans un cas comme celui-
ci, oĂč le fluide efl; arrĂȘtĂ© par la double;
compreflĂźon de la Dent & de la memÂŹ
brane extérieure , fur les vaifleaux de la
gencive ), le jus de Citron, en pénétrant^
lĂ membrane qui par fit tenfion pourroitc
faire une efpĂšce dâĂ©tranglement Ă la gen-
cive quâelle recouvre , dĂ©truit bien-tĂŽt
cette membrane. Il agit enfuite efficace*-
ment fur la gencive mĂȘme , en facilitant :
la rupture de fies fibres.
Les hyperfà rcûfÚs ou fonguofités SÚ
les Aphtes ne tiennent pas long-tems
contre cet acide & lĂ gencive, par fort;
moyen, eftdivifée promptement ; ce;
qui fait cefler le mal. Ă fa fburce, &acâ
cĂ©lere lâapparition de la Dent. MM».
'44 De VArt du DentĂŻjĂŻe ;
Fauchard Sc Bunon confeillent,pourdfe
truire les aphtes ou petits ulcĂšres,lâĂŒfage
de plufieurs caufliques, tels, que Fefprit:
de vitriol, ceux de fel & de fouffre , &
dâautres du mĂȘme genre. On ne peut nier-
que-ces violens acides nâoperent puif~
famment cet effet; mais quoiquâon ne:
faffe quâen toucher lĂ©gĂšrement avec un
pinceau ces petits ulcĂšres, ne peut-il
pas sâen glifĂŻĂšr des particules dans lâeĂ-
tomach avec la fĂ live, fur-tout lorfq.uâil
y a de ces ulcÚres- à détruire, vers, le-
gofier ? Or , comme les Enfans avalent:
tout &nefçavent pas expectorer, quel
ravage nepeut pas faire dans, leur-effo-
mach un pareil acide ! -Lâavantage du
fus de..Citron, eflde nâĂȘtre pas moin's
efficace -, pour la guérifbn des ' aphtes ,
Tans faire craindre, aucun de ces incon-*'.
.vĂ©niens. Quelquefois les remĂšdes quâon
employé, pour faciliter ladivifßon de la*,
gencive- Sc calmer les accidens , font
fans effet, parce que la Dent nâagit en- ;
dore que fur fa propre membrane , 6 c.
quâelle nâeft pas parvenue au point dâac-
er-oiflĂšment nĂ©cefĂŻĂ ire pour pouvoir dĂźâ
vifer celle qui bouche iâoiiverture de
lâalvĂ©ole» AufĂźi fouvent il arrive quâune
De VArt du Dentifte* 45?
Dent y plus- de trois mois avant que de
paraĂźtre , caufe des convulfions dange-
renfes.Le moyen dây remĂ©dier prompteÂŹ
ment , efl de faire une incifion cruciale *
non-feulement Ă la gencive. & Ă la memÂŹ
brane qui ferme lâalvĂ©ole, mais encore
Ă celle qui enveloppe la Dent : câefl prinÂŹ
cipalement cette derniere quâil efl imÂŹ
portant de bien divifer, pour mettre:
Ă nud lâextrĂ©mitĂ© de laDeht. Il efl mĂȘÂŹ
me bon dâemporter les angles ou lamÂŹ
beaux de lĂ gencive , pour en empĂȘcher:
la réunion 8 c prévenir de nouvelles-
douleurs, quand la Dent lâouvrira une.
deuxiĂšme fois. Par ce moyen les con-
yulfions 8 c les autres accidens fe diffi-
peront promptement...
La mĂȘme opĂ©ration doit fe faire, quand
la Dent à percé fa propre membrane ,,
& quâelle irrite celle qui fe.trouve fous,
ĂŻa gencive, ou la gencive mĂȘme. Lorf-
quâil furvient des convulfions, quoique
la gencive ne foit pas encore bien.éle
vée. par la préfence de.la Dent,.il faut
fans hĂ©fxter lâouvrir, comme il vient dâĂȘÂŹ
tre dit , pour faire ceffer les accidens, &'
emporter de mĂȘme les angles, fĂź on juÂŹ
ge, que la gencive puiife fe réunir. Quand:
r <$6 De VArt du DentĂźfte.
ßa préfence de la Dent, en arrivant a 0
gencive, eaufe ainfi quelque défordre^
il ne faut point attendre quâelle divifes
©u quâelle irrite davantage ces parties-;
fĂšnfibles, mais aller dâabord Ă lâopĂ©ra^
don, & mettre la Dent à découvert.
Les Dents', Ă certains Ănfans , font;
quelquefois trĂšs - long - tems' Ă sâĂ©lever
Hors de lâalvĂ©ole, ce qui peut occafion-
n'er la réunion de la gencive, & faire re
venir les mĂȘmes accidens. Dans ce cas,-
je crois quâil vaut mieux emporter la-
gencive, pour dĂ©couvrir lâextrĂ©mitĂ© de:
lĂ Dent; & lâon nâa pas Ă craindre que;
les lambeaux reproduifent de nouveau-;
les mĂȘmes douleurs quâauparavant, fur-
tout lorfque la Dent pouffe lentement.!
AprÚs cette petite opération, il con
vient dâemployer les Ă©molliens & de les
appliquer for les parties divifées : le jus
de Citron nâeft pas propre alors.
Il arrive, encore quelquefois que les
Dents des Enfan s forts & robufies p oui? -
fent prefque toutes Ă la fois , 8 c que
leur accroiffement eft fi prompt, quâil
produit plufieurs accidens. Lorfque ces
Dents qui percent en foule font parveÂŹ
nues au point de divifer, ou les mena#
De ĂAn du DenrifĂźed 'qf
Bran es ou- la gencive, Ă mefure que les:
Dents sâĂ©lĂšvent, lâEnfant a fouvent des:
convulfions violentes qui le font- périr
en peu de jours, ÂŁ lâon nây apporte le
plus prompt remede. ; eâeft-Ă -dire, ÂŁ
lâon ne fait, comme on a dit, une in-*-
cifion cruciale fur la gencive, pour metÂŹ
tre la Dent à découvert. Il eft impor
tant fur-tout de bien divifer les parties'
membraneufes.
Quand les incifions font faites, &quë
les parties font bien dĂ©bridĂ©es, câeft enÂŹ
core le cas dâemployer les Ă©molliens 3
6 c non le jus de Citron. Il eft bon alors
de frotter légÚrement les gencives de
lâEnfant avec du miel de Narbonne: on
trempe pour cet effet le doigt dans le
miel, & de quart dâheure en quart dâheuÂŹ
re, on le porte fur la gencive malade. Si
lâEnfant Ă©toit replet & avoir la fiĂšvre un
peu fort , il faudrait lui tirer du bras
une demie palette de fang. Quand il a le
ventre dur & tendu, il faut lui donner
des lavemens Ă©molliens & anodins quâon
rendra , sâil eft nĂ©ceffaire , purgatifs
avec le miel mercuriel.
Comme fes Dents pouffont rapide-
ment,en peu de jours, elles fe trouveront
par cette conduite, toutes découvertes $
De VArt du Dentijte. .
fans donner aux gencives divifees ll
tems de fe réunir, quoique les lambeaux
mâayent pas Ă©tĂ© emportĂ©s.
Tous les accidens qui viennent dâĂȘtre
détaillés font plus ou moins graves, i°.
Suivant la complĂ©xion de lâEnfant. 2°.
Selon que la fortie des Dents eft ou
prompte oulente. 3 Suivantque le lait
de la Nourrice eft doux, ou sâaltĂ©rĂ©
dans la bouche Ă©chauffĂ©e de lâEnfant..
4^°. Suivant le. régime que la Nourrice
lui fait ĂŽbferver.
On conçoit, par ce que jâai dit,, qĂŒa
les Dents, avant que dâĂȘtre parvenues
Ă la-gencive, peuvent produire bien des
maux & mĂȘme faire p'Ă©rir lâEnfant. Il
faut fur-tout bien de lâattention pour
les. Dents Molaires : car comme ces
Dents font une fois plus groffes que celÂŹ
les .qui les remplacent à un certain ùge»
Ă mefure quâelles sâofĂźlfient, leur valu-,
me fait Ă©carter confidĂ©rablement lâalÂŹ
véole. De plus, lorfque. la racine à fon
tour fe forme Sc sâallonge, ce qui fait
Ă©lever la Dent, lâalvĂ©ole sâĂ©largit peu Ă
peu du cÎté de la,gencive.; ainfi. la memfe
brané qui couvre la Dent, fe trouve-
confidérablement diftendue & compri-
De lâArt duDentifle.
fnĂ©e par lâĂ©cartement de lâalvĂ©ole dâune
part, & dâun autre cĂŽtĂ©, par lâextrĂ©miÂŹ
té de la Dent qui la divifÚ. Or tout ce
ci ne le fait point fans occafionner beauÂŹ
coup de douleur, & mĂȘme fans entraߏ
ner plufieurs accidens, for-tout aux En-
fans pléthoriques. Ce font toutes ces cir-
confiances qui, comme on a dĂźt, caufent
quelquefois, plus de trois mois avant que
les Dents percent, des convulfions dan-
gereufes, ou du moins le dévoyement ;
ce qui fait dire aux Nourrices,lorfquâel-
les trouvent du lait grumelé dans les ex-
crĂ©mens de lâEnfant, que [es Dents gerÂŹ
ment. Câeft donc ici le cas de prefcrire
à la Nourrice la façon dont elle doit gou
verner lâEnfant. Ce rĂ©gime confifte prinÂŹ
cipalement Ă ne point le furcharger de
lait, câeft-Ă -dire, Ă lâallaiter moins fou-
vent , 8 c Ă lui donner moins de bouillie.
Si lâEnfant eft trop rĂ©plet, il faut purger
la Nourrice, & teni/TĂš ventre libre Ă
lâEnfant, en lui donnant tous les jours
de légers lavemens adouciffans.
On remarquera que les Enfans déli-*
cats, dont les Dents ont moins de voluÂŹ
me & pouffent lentement, font moins
fojets à ces accidens, mais que chez euç
Ăoms h E
!$6 Ve V Art du Dentijle.
les mĂȘmes Dents Ă©tant parvenues aux
gencives, en amĂšnent dâautres que nous
avons déjà décrits» -
- §. v.
'De la Chute des Dents de lait, & de leur
remplacement.
A lâA ge de fix ou fept ans, les
ĂŻncifives, les Canines, 6c les MoÂŹ
laires de lait, tombent Ă peu prĂšs dans
le mĂȘme ordre quâelles font venues, &
font remplacĂ©es par le mĂȘme nombre
de Dents plus fortes 6c plus belles.
Tant que ces Dents ne font pas ébran
lées 6c prÚs de leur chute , elles ont des
racines prefque auffi fortes 6c aufiĂź dures
que les fĂ©condĂ©s ; mais lorfquâelles font
vacillantes, en les ĂŽtant, on les trouve
£à ns racines, 6c les fécondes ordinaire
ment ne- tardent guĂšres Ă paroĂźtre. Les
fentimens font partagés fur 1a; caufo qujt
peut détruire ces racines.
M, Bunon , dans fon EJfai fur les. Ma «
ladies des Dents 6c dans les ObfervarÂŹ
iions qui font fußvi> établit, comme un
Ve V Art iu Dentifte* -yf
fait ßnconteftable, une hypothÚfe ingé-
nieufe fur les racines des Dents de lait.
Il prĂ©tend quâelles font dĂ©truites par
lâextrĂ©mitĂ© du corps de la Dent nouÂŹ
velle , dont le frottement ufe & détruit
la premiĂšre. Il eft vrai quâau premier
coup dâĆil on croit toucher la chofe au
doigt, & quâon eft tentĂ© dâadopter un
lyftĂšme affez vraifemblable. Mais, pour
sâen dĂ©tacher bien-tĂŽt, il ne faut quâexaÂŹ
miner fans prévention différentes mù
choires fraĂźches oĂč les fĂ©condĂ©s Dents
commençqient Ă sâoffifier , & oĂč les
Dents de lait fubfiftent, foit dans leur
état defolidité, foit ébranlées déjà plus
ou moins_par celles qui dévoient leur
fuecéder. On verra que la féconde Dent,
Ă mefure quâelle sâĂ©lĂšve, refte envelopÂŹ
pĂ©e dans fa membrane, jufquâa ce quâelÂŹ
le foit prĂȘte Ă for tir de fon alvĂ©ole ; en-
forte que cette membrane eft entre elle
Sc la racine de la premiĂšre Dent. Cette
racine cependant le trouve détruite , &
ne donne pas à la fécondé le tems de
lâatteindre. De plus, on apperçoit enÂŹ
tre la premiĂšre & lâextrĂ©mitĂ© de la
Dent nouvelle, une petite diftance, qui
fait voir clairement que cette racine eft
y 2 De VArt du DentifĂźe
détruite par quelque autre caufe , qué
par le frottement dâune autre Dent. On
remarque mĂȘme aux environs de lâenÂŹ
droit oĂč cette racine fe confume des parÂŹ
ties molles 8c charnues qui la rongent;
ce qui me fait conjeéfurer que ces par
ties contiennent alors des fucs Ăącres qui
produifent cet effet. Mais, foit quâil ait
quelque autre caufe , foit que lâaccroit
fement de la nouvelle Dent fuffife pour
la deftruĂ©lion de ces racines, lâeffet eft
certain, 8c je lâai obfervĂ© bien des fois.
Jâai encore trouvĂ© que,quand la fĂ©condĂ©
Dent prend une mauvaife direélion , 8c
ne rencontre pas la racine de la Dent de
lait, cette racine ne fe détruit pas moins!;
de forte quâen ĂŽtant la Dent de lait pour
faire place Ă la nouvelle ., la premiĂšre eft
prefque fans racine, ou la portion qui
en refte eft remplie de pointes 8c dâiÂŹ
nĂ©galitĂ©s , au lieu dâĂȘtre liffe 8c polie ,
comme elle devroit lâĂȘtre, fi elle Ă©toit
dĂ©truite par le frottement 8c par la prĂȘt
fion de la Dent» Un fait récent va com?
firmer cette obfervation.
Une Demoifelle dâenviron 16 ans
vint me confulter il y a quelques jours,
gu fujet dâune Peut Ăanine .fupĂ©rieure
De lArt du DentijlĂȘ. yf
«qui perçoit depuis fix femaines, au haut
de la gencive. Je fus dâavis quâil falloit
lui ĂŽter la Canine de lait qui branloit dĂ©jĂ
beaucoup. Cette Dent Îtée > elle fe trou
va prefque (ans racine ; & Ă la trĂšs-petite
portion qui en reftoit, il y avoir plufieurs
pointes ou afpérités qui faifoient dire à la
perfonne, dont elleétoit accompagnée ,
que la racine y étoit encore, enforte que
jâeus de la peine Ă lui perfuader le conÂŹ
traire. '
Il ne faut donc point attribuer la
deflruction des racines dont les Dents de
lait font dépouillées 3 au mécanifme ima
giné par M. Bunon ; & quelle que puifc
le ĂȘtre la caule dâun effet quâon ne peut
révoquer en doute, il eft certain que
lâexpĂ©rience eĂŒ contraire Ă ce mĂ©canifÂŹ
me. On voit quelquefois des Dents de
lait, tomber dâelles-mĂȘmes fans racines,,
quoiquâelles ne foient jamais remplacĂ©es
par dâautres Dents, ou que les fĂ©condĂ©s
Dents ne viennent que bien des années
aprĂšs la chiite des premiĂšres. Combien
aulßi de Dents de lait fubfifïenr ébran
lĂ©es plus ou moins jufquâĂ un certain Ăągel
Or quand ces Dents de lait viennent Ă
tomber , quoiquâelles ne foiĂ©nt poing
5*4 DĂŠ V 4 rt du JDenĂźijle.
remplacées par de fécondés Dents, on '
ne leur trouve point de racines ; elles
ont donc été détruites par toute autre
caufe que par le frottement. Si les nouÂŹ
velles Dents contribuent Ă leur deftruc-
tion oĂč lâaccĂ©lĂ©rĂ© nt , câeft peut-ĂȘtre,
comme je lâai dĂ©jĂ dit, que par leur ac-
croiifement les fucs qui engorgent,
ou qui environnent ces mĂȘmes racines,
acquiérent une ùcreté allez forte pour
les confumer.
Quand les Dents de lait ne font point
remplacées par les fécondés Dents, elles
fubfĂźftent plufieurs annĂ©es, fĂčivant les
difpcfitions de lâhumeur qui agit fur les
racines. On voit mĂȘme des perfonnes de
40 & de yo ans, avoir encore des Dents
de lait. Il y a donc bien de lâapparence,
que câeft une humeur quelconque qui
en détruit les racines ; puifque celles des
Dents renouvellées, qui font beaucoup
plus dures & plus compactes, fe trouÂŹ
vent fbuvent détruites & rongées elles-
mĂȘmes : ce qui arrive principalement aux
Dents ébranlées.
De V Art du DentijĂźe . Ăżj*
§. VI.
Des marques qui font dijlinguer tes Dents
de lait, ÂŁ avec celles qui font renou -
vellées ; £r des précautions quil faut
prendre, quand on Újl obligé dé Îter les
premiÚres, pour ménager Vemplace*
ment des fécondés,
O N sçait que les Dents de lait
commencent Ă fe renouveler Ă fĂźx
ou fept ans, & que ce renouvellement:
eft accompli Ă lâĂąge dâenviron 14 ou 15*;
ans. Il y a cependant des perfonnes qui
eonfervent quelques-unes de ces Dents *
jufquâĂ un Ăąge plus avancĂ©. Pluiieurs
chĂŽfes les font diftinguer parfaitement
dâavec les autres. i°. Elles font plus lif-
fĂšs & plus polies, mais moins blanches,
ou dâun blanc bleuĂątre, & elles font
toujours moins longues que celles qui
les remplacent. Lés premiÚres Canines y
font moins greffes & moins pointues que
les fécondés. Les premiÚres Molaires
font au contraire plus greffes & moins
longues que celles qui leur foccédent.
r <6 De VĂrt du DentifĂźe.
LâextrĂ©mitĂ© de celles de lait efl encoÂŹ
re plus Me & plus rafe que les fécon
dés , qui font garnies de deux pointes.
2 °. Plus on avance en ùge, plus les
Dents de lait perdent de leur folidité Îc
de leur blancheur ; parce que leurs raciÂŹ
nes diminuant chaque jour de volume,
le corps de la Dent sâaltĂšre de mĂȘme.
On nâa que trop dâexemples des in-
â convĂ©niens arrivĂ©s par de funeftes me*
prifes qui ont fait facrifier des fécondés
Dents, pour des Dents de lait.
Le fils de Madame Dupuis , MarÂŹ
chande de Modes, rue Saint Honoré,
étant en penfion en campagne, avoir
les deux grandes Inciftves renouvellées
depuis peu de tems. Un Chirurgien de
lâendroit, Ă qui ces Dents parurent trop
larges, & qui les croyoit Dents de lait,
confeilla aux perfonnes chargées de la
conduite de cet Enfant, de les faire ĂŽter,
faute de fçavoir que les fécondés Dents
font beaucoup plus larges que les preÂŹ
miĂšres. Il fut malheureufement fi bien
Ă©coutĂ©, quâon le laiffa le maĂźtre de faire
tout ce quâil jugeroit Ă propos. Lâopé
ration fuivit de prĂšs le confeil : les Incifr-
.yes furent Îtées, & depuis le jeune hom~
De V Art du DenĂŒ/ĂźeĂš 57
frie efl privé des deux Dents les plus
apparentes , fans nulle efpérance que la
nature répare cette perte.
Une Demoifelle de ma connoiffancé
a perdu de mĂȘme les deux grandes In-
cifßves qui étoient renouvellées depuis
peu, par lâignorance dâun Dentifle qui
ne fçavoit pas diftinguer les Dents de
lait dâavec les Dents fecondaires. Ce
Dentifle fçut perfuader auxparens quâil
falloit ĂŽter ces Incifives que leur largeur
rendoit difformes , pour les faire remÂŹ
placer par de plus belles, & ils confen-
tirent Ă lâextra&ion. La Demoifelle nâa-
voit alors que huit ans & demi ç mais
comme, au lieu de Dents de lait, câĂ©-
toient des Dents renouvellées, elle en
efl privée pour jamais, & elle a recours
aux artificielles. Il faut avouer cepenÂŹ
dant quâil y a des exemples de fĂ©condes
Dents renouvellĂ©es. Jâai vu, entre auÂŹ
tres , une Canine fe renouveller jufquâĂ
trois fois, & voici un fait récent dont je
fuis témoin.
Un Clerc de M. le Doyenâ Notaire i
voulut fe faire ĂŽter une Dent.qui le fai-
fok beaucoup foufïrir. Ilavoit déjà per
du trois Molaires du mĂȘme cĂŽtĂ©, 6 c i|
y S Ve VArt du DentijĂŻe.
ne reçoit plus par conféquent à cettÚ
mĂąchoire que la premiĂšre petite MoÂŹ
laire , avec la troiißéme & derniere des
groffes, appelléÚs Dents de fagejfe. Le
Malade, ĂągĂ© dâenviron trente-cinq ans*
foutenoit que câĂ©toit cette derniere qui
lui caufoit toute la douleur. Je lâexamiÂŹ
nai , & en la fondant je reconnus quâelÂŹ
le nâĂ©toit point cariĂ©e ; mais je la trouÂŹ
vai branlante. JâĂŽtai cette Dent, & il en
parut deffous une féconde. Il y a quel
ques autres exemples de fécondés Denté
fenoĂŒvellĂ©es : mais ce font des cas quâon
peut regarder comme une forte de phé
nomĂšne j & il ne faut jamais sây attendre»
Quand une fois les Incilives, les CaÂŹ
nines , & les petites Molaires font re-
nouvellées , ainli que quand on a palfé
lâĂąge du renouvellement, sâil relie quelÂŹ
ques Dents de lait en bel ordre > pourvu
que les autres Dents foient de mĂȘme?
il ne faut jamais ĂŽtĂ©r les premiĂšres â parÂŹ
ce quâelles nâempĂȘchent point les fĂ©conÂŹ
des de venir & de fortir dans leur te ms»
En un mot, il ne faut ĂŽter ni les Dents
de lait, ni celles qui fe font renouvel-
ßées , ni les groffes Molaires qui ne vien
nent quâune fois >; & qui ne fe renouf
De VArt du Dentifte. g g
Vellent guĂšres que dans des cas affez raÂŹ
res, parce quâil ne faut point compte?
fur des faveurs dont la nature eft ordiÂŹ
nairement fort avare.
Lorfquâil sâagit dâĂŽter une Dent de
lait qui ne branle pas, & dont la raciÂŹ
ne nâeft point encore dĂ©truite, on ne
fçauroit apporter trop de précaution,
pour ménager le vaiflfeau ou la boete
olfeulÚ dans laquelle eft enchaflfée la ra
cine, parce quelle doit encore fervir Ă
envelopper la racine de la Dent qui
remplace la premiÚre. Cette précaution
eft dâautant plus nĂ©ceflaire, que fi on
emporte quelque portion de lâalvĂ©ole»
il nâeft pas poflible que la D enrnouvelÂŹ
le qui fuccéde à celle de lait, ( fur-
tout fi elle nâa quâune racine ) foit aufli
folide quâelle devroit lâĂȘtre. Car comme
toute déperdition de fubfiance un peu
confidérable ne fe répare jamais bien »
Ăźl arrive quâen dĂ©labrant lâalvĂ©ole, la
Dent quâil renferme eft plus iujette Ă sâé
branler ; & comme dâailleurs elle nâeft
point exactement enveloppée par le con
tour de lâalvĂ©ole, elle eft dĂźfpofĂ©e Ă per*
cer par lâendroit du dĂ©chirement qui fa%
le moins de réfiftance.
tfo De Dentifte.
Lorfquâon ĂŽte une Dent de lait qui
Ăźiâeft point Ă©branlĂ©e, le moyen de ne
point déchirer ni emporter la moin
dre portion de lâalvĂ©ole, câeft de faiÂŹ
re lâextraĂ©tion avec des pinces droites.
Quand Tinftrument a pincé la Dent, il
faut faire plufieurs mouvemens de droite
à gauche, pour défunir par ces ébran-
lemens rĂ©itĂ©rĂ©s les portions dâalvĂ©ole
qui pourroient ĂȘtre adhĂ©rantes Ă la raÂŹ
cine de la Dent. Avec cette précaution
on vient facilement Ă bout dâĂŽter les
Dents de lait, fans que lâalvĂ©ole ni la
membrane qui renferme la deuxiĂšme
Dent, en foufirent aucune atteinte.
Quand les Dents de lait tombent
dâelfes - mĂȘmes , ou lorfquâĂ©tant Ă©branÂŹ
lées & vacillantes on les Îte avec les
doigts ou avec lâinftrument , on les
trouve dĂ©pourvĂ»es de racines, ou nâen
ayant prefque plus, & on ne doit pas
craindre alors de dĂ©truire lâalvĂ©oĂźe.Mai?
combien de cas oĂč il efl: indifpenfable
dâĂŽter certaines Dents de lait qui nĂ©
-font point ébranlées ! comme, par exem
ple, lorfquâil sâagit de faire place Ă une
nouvelle Dent qui vient à cÎté de la
Dent de lait & tout Ă fait hors de rang *
De VArt du DentijĂŻe. Si
faute dâun affez grand efpace ; ou bien
parce que les Dents de lait caufent de
la douleur, quâelles font gĂątĂ©es, ou donÂŹ
nent lieu de craindre quâelles nâaltĂ©rent
les Dents voifines qui fe renouvellent.
Dans tous ces cas, lâextraĂ©iion des Dents
de lait eft abfolument nĂ©celfaire, & câefl:
alors quâil faut fĂ© fervir des prĂ©cautions
que je recommande. Cependant, fi aprĂšs
des mouvemens bien dirigés de gau
che à droite, on avoir emporté quelque
portion de lâalvĂ©ole, cette dĂ©perdition
nâempĂȘcheroit point la fĂ©conde Dent de
paroßtre, parce que fon germe étant fé-
paré par une petite cloifon ou une lame
offeufe de lĂ racine de la Dent quâon a
extirpée, & ayant des vaiffeaux parti
culiers deflinés à lui porter la nourritu
re convenable, la Dent ne sâen forme
pas moins. Mais par ce qui vient dâĂȘtre
remarquĂ©, on ne doit pas ĂȘtre furpris
de ce quâelle nâefĂź: janaais aufĂźi ferme
ni aufĂźi droite que quand lâalvĂ©ole nâa
point Ă©tĂ© endommagĂ©. Câefl encore une
nĂ©ceffitĂ© dâoter les Dents de lait gĂątĂ©es ,
parce quâelles pourroient intĂ©reffer le
germe des fécondés Dents,par les mala
dies quâelles oçcafipnnent Ă lâalvĂ©ole^
%>2 De VArt du Dehtijle.
ou Ă la gencive, & par les fluxions ou
autres accidens qui peuvent sâenfuivre;
il ne faudroit donc pas attendre quâelles
fuflent ébranlées.
Je fuis fort éloigné de croire ce que
dit M. Fauchard : Q_uen ĂŽtant une Dent
de lait, on peut endommager le germe de
la fĂ©condĂ© Dent . La thĂ©orie & lâexpé
rience mâont au contraire convaincu,
que lâextraĂ©lion dâune premiĂšre Dent
qui a encore toute fa racine,. ( quand on
emporteroit mĂȘme une portion de lâalÂŹ
véole , ) ne fait aucun tort à la fécondé
Dent, & ne peut lâempĂȘcher de paroĂź-
tre. En effet, lâalvĂ©ole de la Dent de
lait, quoique devant fervir à la fécondé
Dent, nâa encore rien de commun avec
elle, non plus que les vaiifeaux de la
premiÚre Dent, dont la racine eftfépa-
rée de celle qui naßt par une cloifon of-
feufĂš. De plus, dĂšs lâĂąge de quatre ans,
le corps des Dents fĂšeondaires, & fur-
toĂŒr celui des Incifives ( quoiqu/elĂźes ne
paroiffent guĂšres avant fix ans) eff presÂŹ
que entiĂšrement oflĂźfiĂ©; Ainfi, lorfquâon
a ĂtĂ© une Dent de lait, sâil nâen vient
pas une fĂ©conde, câeft que le germe de
celle-ci a été détruit par une maladie
De VArt du Dmtiflel 6ÂŁ
étrangÚre à la premiÚre Dent, quelle
quâelle foit, ou que la nature, quelqueÂŹ
fois pr 9 digue de germes., nâaura produit
que le premier. Quand la fécondé Dent
eû tellement formée que fa racine com
mence Ă sâallonger , elle nâa vifible-
ment rien Ă craindre de lâextraction de
la Dent de lait. On peut donc en touÂŹ
tes circonflances ĂŽter de ces premiĂšres
Dents, lors mĂȘme quâelles ne font point
ébranlées,. fans que cette opération puifi
fe nuire Ă lâavĂ©nement des fĂ©condes. CeÂŹ
pendant, pour ĂŽter des Dents de lait , il
faut avoir des raifons valables : car quand
on en ĂŽte plufieurs de fuite, fans atten-,
dre quâelles foient Ă©branlĂ©es, les fecon^
desne sâarrangent pas fi bien,parce quâelÂŹ
les trouvent plus de place quâil ne leur
en faut; ce qui nâarrive point, quand on
les ĂŽte Ă mefure quâelles fe renouvel--
lent, ou quâelles gĂȘnent les Dents voi-.
fines & les empĂȘchent de fe bien plaÂŹ
cer, parce quâalors elles ne prennent
exaĂ©lĂ©ment que la place quâelles doivent
occuper.
$4 De Vjért du Dent [fie.
§. VII.
Du défbrdre y ou dérangement des Dents j
de* moyens de le prévenir , ou de le
réparer dans Venfance.
O N v o i T tous les jours des per*
formes dont les Dents dâailleurs
alfez belles , font li mal en ordre ,
quâelles les dĂ©figurent, & quâelles ne
peuvent ouvrir la bouche fans faire
appercevoir cette difformité. Ces Dents
ibnt toutes les unes fur les autres; les
extrémités de celles-ci font tournées
vers le palais , & les extrémités des
autres vers la levre quâelles repouffent
en dehors. Outre le défagrement qui
réfußte de ce. défordre quand on parle
ou quâon rit, la prononciation nâefi:
point libre , la langue efl: gĂȘnĂ©e, & la
maftication difficile. De plus, ces Dents
trop ramaffées ou trop ferrées fe gù
tent aifĂ©ment & sâĂ©branlent de mĂȘme»
parce quâelles ne font point plantĂ©es
allez profondĂ©ment dans lâĂ©pailfeur de
la mùchoire ; ce qui dégarnit les al
véoles
D e V Ar t du DentijĂźe. 6f
GeĂŽles du cĂŽtĂ© oĂč la Dent fe porte , &.
fait quâon a beaucoup de-peine Ă les
nétoyer. Ce défordre provient. tou
jours du peu dâĂ©tendue de la mù
choire, dont le contour ne fe trouve;
point proportionné au volume des fé
condĂ©s Dents. Jâai dĂ©jĂ remarquĂ© } ce;
me fémble, que parmi les Dents re~
nouvelléesi les grandes & les petites In-'
ciiivesainfĂź que les Canines, font touÂŹ
jours plus larges que celles de lait : il
nây a donc que les. Molaires qui vien--
nent remplacer celles-ci qui font dâun;
tiers environ moins larges. Cette difâ
proportion entre les premiĂšres & les;
fécondes Dents , fait, que les nouvelles*
Incifives fe trouvent gĂȘnĂ©es par celles:
de lait qui ne font point encore ébran
lĂ©es, & quâelles chevauchent lâune furâ
lâautre , mĂȘme en sâoflĂźfiant au fond de.
lâalvĂ©ole : ainfĂź elleafe trouvent preffĂ©es;
& ferrées, comme nous venons de le:
,dire. La différence du volume de ces*
deux fortes de Dents, produit un autre-
effet aifé à comprendre. Les fécondés;
Dents étant offifßées, & leurs racines-;
s ? allongeaht ,- leur fortie: fe. fait fans',
quâelles rencontrent, les racines des-;
Tome. L F
r 66 De V Art du Demi fie:
Dents de lait , parce quâelles rie le
trouvent point vis-Ă -vis de ces racines ;
elles font donc obligĂ©es de percer Ă
cÎté des premiÚres Dents foit en de
dans foit en dehors. Câeft-lĂ probaÂŹ
blement la vraie caufe de leur mauvais
arrangement, que quelques Auteurs
attribuent trĂšs mal-Ă -propos, ce me
femble, aux racines des Dents de lait,
dont laréfiftance & la dureté font , fé
lon eux, déjetter les fécondés Dents.Le
remede à cet inconvénient qui eft h
commun, eft donc dâĂŽter non-feuleÂŹ
ment toutes les Dents de lait qui gĂȘnent
de embarralfent celles - lĂ , mais encoÂŹ
re de chaque cÎté la premiÚre petite
Molaire.'Les nouvelles Dents par ce
moyen fe placeront convenablement,
Scfe rangeront dâelles mĂȘmes au niveau
.des autres.
Il eft évident que la mùchoire croßt
dt augmente de volume jufquâĂ un
certain Ăąge, comme toutes les autres
parties du corps. Mais lorfque les Dents
£bnt toutes olßifiées , elles ne peuvent
croĂźtre que par les racines ; ainfi elles
trouvent plus dâelpace & sâarrangent
naturellement. Cependant on eft oblit
Jje VArt du Dentijle. 67
gé quelquefois , pour faire place à une
Canine qui prend une mĂŒuvaife direcÂŹ
tion & pour la mettre en libertĂ©, dâĂŽ-
ter,- comme jâai dit, la petite Molaire qui
lâavoifine ; & il faut toujours ĂŽter cette
petite Molaire préférablement à la Cani
ne, Ă moins quâon nâait de fortes raifons'
pour faire autrement. On en a plu-
fieurs pour conferver la derniere. i°J>
En ménageant la Canine, elle fe met
tra dâelle-mĂȘme en bel ordre , & bouÂŹ
cher ap arfĂ ite ment la- brĂȘcne.2 0 . Elle;
efl dâun plus grand ornement que la
petite Molaire , & d ; ailleurs étant trÚs-
forte elle devient un appui pour les
IncĂźilves , pendant le mouvement des-
ßßiachbires & dans la mafiication* 5V
Eâabfence de -cette Dent fait un effet
dĂ©fagrĂ©abĂźe, fur-tout lorfquâon voit Ă V
fa place une petite Molaire dont le
corps efl épais & garni de deux poin-7
tes ; au lieu que la-Canine qui a le corps
plus long & une- feule pointe, quadre
beaucoup mieux avec lâIncifive fa voi-r
fine. Enfin les petites Molaires font plus*
Sujettes Ă fĂš gĂąter que les Canines.-VoiÂŹ
la plus de raifons quâil nâen faut, pour
ça pas ĂŽter la Canine auffi-tĂšt qu-âelfo*
68 De VArt du Dentifte ;
eft dĂ©rangĂ©e , comme elle lâeft afĂŻeSĂ
fouvent, pour laifiĂšr fubfifier la petite
Molaire. Il eft au relie fort aifé de ré
tablir cette Canine, dans lâordre oĂč elle
doit ĂȘtre , foit pour Fagr-Ă©ment , foit
pour la nécéflßté de fes fonctions. La,
direĂ©lion dâun fimple fil lui fait remplir,
la place de la petite Molaire , fans laifi ,
fer appercevoir aucun vuide..
Les Dents viennent encore mal ranÂŹ
gĂ©es , parce quâon nĂ©glige de leur;
donner la place convenable, Ă mefare
quâelles fortent , en ĂŽtant celles de
lait qui les gĂȘnent.. En effet, lorfquâĂ -.
mefĂčre que les Incifives fe. renouvelÂŹ
lent , on a foin dâĂŽter celles de laie
qui ne font que les embarraffer & ocÂŹ
cuper une place inutile,, ces Incifives;
en sâallongeant sâarrangent dâelles mĂȘÂŹ
mes , & r,empliflfent Ă la fin le vuide-,
quâont laiffĂ© les Dents de lait qui en,
font Îtées., Si une. Canine fe renouvelle,
avant une. petite Molaire, celle-lĂ ne.
trouve plus de place, Ă moins quâon:
nâĂŽte la Molaire ; ainfi elle percera hors*
de rang : mais fi on la met Ă fon aife y
en facrifiant celle-ci , elle fe placera
dâeUe-mĂȘme^ en occupant Ă la.vĂ©ritĂ© une
De V An du Denriftez " 6 $
partie de la place quâa laiffĂ©e fa vĂŽifine.-
Quand la petite Malaire le renouvelle
fi elle nâa point affez de terrein, il faut,
ĂŽter la derniere Molaire de: lait , &
alors elle trouve Ă fe bien placer. Lorf-
que cette derniere Ă fon tour vient aufli
Ă fe renouveller , comme elle eft beauÂŹ
coup plus étroite que fa devanciÚre, &
que dâun autre cĂŽtĂ© la mĂąchoire ne
laiffe pas que de sâĂ©tendre pendant tout
ce renouvellement ,' elle trouve ordiÂŹ
nairement allez de. place.;, mais fi elle-.
nâen avoit pas fiiffifamment, & que la:
premiĂšre groffe Molaire, venue depuis;
lâĂąge de fix oufept ans fe trouvĂąt gĂątĂ©e
il faudroit lâĂŽter, fans attendre mĂȘme-
que les - petites Molaires fuffent renou-
vellées. Si cette premiÚre groffe Mo
laire nâĂ©toit point gĂątĂ©e, & que la
fĂ©condĂ© qui vient Ă lâĂąge dâenviron 13
ans,, fe gĂątĂąt peu de tenus aprĂšs ĂȘtre
percée , comme cela peut arriver, il
faudroit Îter cette fécondé. Molaire ,
Sc la petite.Molaire, en fe plaçant bien ,
pouf&roit dans la brĂšche la premier^,
groffe Molaire. Enfin fi aucune des
groffes Molaires ne fe trouvoit gùtée ,
Sc que les petites Molaires sâĂ©tant r.eâ
7<3 De VArt du DentijĂźe;
nouvelles avant les Canines, comme
le cas arrive fouvent, la Canine la plus,
proche nâeĂ»t pas affez de place, il fauÂŹ
drait lui en procurer, en ĂŽtant la preÂŹ
miĂšre petite Molaire.
Ainfi , pour procurer un bel ordre
aux Dents , il fuffiroit que le Dentifte ;
chargĂ© de gouverner la bouche dâun
Enfant, le prĂźt dĂšs lâĂąge de fept ans ,
(câeft le tems oĂč les Dents commenÂŹ
cent Ă fe renouveller ) jufquâĂ 14 oit
TJ ans, & quâil eĂ»t foin de la viiiter
feulement tous les trois mois. En ob^-
fervant ce que jâai marquĂ© il feroit
en état de donner un bel arrangement
aux Dents , Sc lâon Ă©viterait dâenv-t
ployer les fils , les plaques & les au-,
trĂšs inftrumens qui fervent Ă les re-
drelfer: moyens bien plus douloureux
& plus fatiguans que- la {Impie extracÂŹ
tion des Dents qui nuifent Ă lâarrange- ;
ment des autres. Les Dents une fois
bien arrangées & mifes à leur aife , ne
fe gĂąteraient pas dans leurs interflices,
comme elles font fouvent IbrfquâĂ©lles
font trop ferrées les unes contre les
autres. Car il faut obferver que , pen--
dant le ferrement des deux MĂąchoires f
De V Art du Dentifle* âj t\
les Dents trop rapprochées fe frottent
& fe preffent Ă un tel point, que par
iâaffaiflfement des fibres offeufes , le fluiÂŹ
de efl arrĂȘtĂ© dans leurs interflices s fur-
tout à la mùchoire fupérieure ou le
retour du fang fe fait moins aifement
quâĂ la mĂąchoire infĂ©rieure, parce que
les Dents de celles-ci, ont leurs raciÂŹ
nes dans un fens oppofe. Ajoutons Ă
cet inconvénient les dßverfes impref-
fions de lâair 5 & celles des alimens:
froids ou chauds qui frappent diver-
fement ces petits corps offeux déjà trÚs-
fenflbles, & y caufent des obftruélions»
On peut remarquer Ă cette occafioiĂŻ
que les Incifives de la mùchoire infé
rieure 3 quoique ordinairement plus
ferrées que celles de la mùchoire fupé
rieure , ne fe gĂątent que rarement ĂC
feulement quand la falive efl viciée, ou
quand if sây attache un limon acide qui
les mine infĂšnfiblement ; ce qui prouve
que iâaclion de lâair & celle des alime'ns
contribue beaucoup Ă la * carie des Inâ
cifives dâen-haut qui fe trouvent trop
preffées. En effet tous les Praticiens
peuvent remarquer, que de trois per-
fonnes dont les Incifives fupérieuref
*72 De VĂrt du DentiflĂ©.
fofit trop ferrĂ©es Ă» on nây remĂ©die f
propos , il- y en aura du moins une
'qui perdra par la carie une partie de
ces quatre Dents au lieu que fur cent
perfonnes Ă peine en verra-t-on une
feule dont l'es Incilives inférieures, quoi
quâencore plus prelfĂ©es que celles.dâen-
iiaut, fe gĂątent par cette caufe. Les
impreffions de lâair & des. alimens fur
les fncilives fe manifeftent au premier .
coup dâĆil, lorfquâon leur a laifle faire
âądes progrĂšs. Toutes les perfonnes dont
ia levre fupérieure effc fort élevée, &
qui en ouvrant tant foit peu la bouche
mettent leurs Tncifives à découvert,
les ont quelquefois gùtées à leur fur-
face antérieure , mais plus rarement
quâĂ leurs parties latĂ©rales. . On voit aufli
les jeunes gens bien plus fujets" ; Ă la
carie jufquâĂ un certain Ăąge ; mais il y
en a plus dâune raifon. Leurs Dents font
creufes en-dedans, le cordon en eĂ
fort gros , & le fĂąng y afflue fi abonÂŹ
damment, que quand il fe trouve ral-
lenti ou coagulé par lÚs impreffions de
Pair & lĂȘ lĂ©jour des alimens, il sâarrĂȘÂŹ
te dans lâĂ«ndroit de la Dent oĂč lesfibres
Îffleufesr font le plus affailfées. : Son fé-
jouç
De VArt du DentifĂźe. â 73
pur produit alors la carie : elle fait
plus ou moins de progrÚs, félon le vice
des liqueurs , luivant que la falive efr
ùcre & chargée de Tels corrofifs, ou
fuivant que le limon qui fie dépofe dans
la carie ^ plus ou moins dâaciditĂ© , &
le dégré de corruption des alimens qui
ont féjourné dans les interftices ou
dans les cavités'des Dents.
De toutes les Dents en général, les
greffes Molaires ordinairement font les
plus fujettes Ă la carie ,'parce quâelles
ont plus de volume, parce quâĂ proÂŹ
portion- le fang sây porte avec plus
dâabondance & sây embarraffe aifĂ©ment,
parce que dâailleurs elles ne font pas
entiĂšrement Ă lâabri des impreffions du
froid & du chaud, enfin Ă eaufe des-ef-
forts quâelles font obligĂ©es de faire,pour
moudre & pour broyer les folides qui
réfiflent aux autres Dents. Cependant,
Ă un certain Ăąge, les Molaires font moins
fufceptrbles de carie, parce que leur caÂŹ
nal & leurs vaiffeaux fe rétréciffent alors
peu à peu, & que dans la piûp2rt des
yieillards ils font totalement offifßés.
Plaçons ici une réflexion, que nous
Ăźiâaurons peut-ĂȘtre pas lieu de mettre ailâ
Tome L jG:
74 De VArt du DentifĂźe,
leurs dans le mĂȘme jour. LâĂ©mail dont
Ăźa natĂŒre sâeftplûà munir & Ă orner les
Dents, fertĂ les fortifier fans doute, &
les rend par confĂ©quent plus propres Ă
Ăźa maftication; mais il nâempĂȘche point
que les Dents ne foient, de tous les os du
corps humain, les plus fujets a fe corÂŹ
rompre. Il ne les garantit point dâabord
des impreflions du froid & du chaud,
auffi fenfibles quâinĂ©vitables. Or,puifque
tous les os étant découverts & dénués
de leur pĂ©riode , fe delfĂ©chent & sâex-.
folient en trĂšs-peu de tems, doit-on
ĂȘtre furpris que les Dents qui> quoique
revĂȘtues dâĂ©mail, font continuellement
expofĂ©es Ă lâavion de lâair & des ali-
mens, foient fi fufceptibles de carie.'
Je reviens aux principes, & je dis ,
que rien nâefl: moins Ă nĂ©gliger en tout
état que la bouche des Enfans. Veut-on
leur conferver les Dents faines & dans
un bel ordre ? Il faut quâun habile Den-
Ăźifte examine attentivement les progrĂšs
de la Dentition, & quâil la conduife. Il
reconnoĂźtra la difpofition des mĂąchoires,
dans le tems que les Dents fe renouvelÂŹ
lent. Par lâĂ©tendue des mĂąchoires, & par
le volume des Dents, il jugera de Paça
De l'Art du Dentifle. y f
rangement que celles-ci peuvent prenÂŹ
dre , &il dirigera cet arrangement , foit
en ĂŽtant les Dents de lait, qui pourÂŹ
voient nuire aux fĂ©condĂ©s Dents,foit mĂȘÂŹ
me en ĂŽtant, sâil le faut, quelquâune des
Dents renouvellĂ©es. Sâil paroĂźt que les
nouvelles Dents ayent une place conve-
nable,le Dentifle alors ne touchera point
Ă la bouche : parceque les Dents de lait
tomberont dâelles-mĂȘmes, ou,lorfquâel-
les feront fuffifamment ébranlées , la
moindre perfonne & lâEnfant-lui-mĂȘÂŹ
me pourront les ĂŽter avec un fil, fans
avoir befoin du Dentifle. Cependant il
ne fera pas moins néceffaire que de tems
en tems celui-ci vifite la bouche du jeuÂŹ
ne homme, pour sâaffurer de ce qui sây
paffera, & quâil faive tous les change-
mens qui sây feront, pour remĂ©dier aux
petits défordres qui pourroient arriver
dans le renouvellement.
Bien des gens, pour fe difpenfer de
ces foins, allĂšguent lâexemple de quelÂŹ
ques perfonnes dont les Dents font trĂšs-
bien arrangées, fans que jamais dans
leur enfance on y ait fait la moindre atÂŹ
tention.
Nous convenons que routes les fbiij
G ij
*j 6 ,De VArt du DefitijĂźe ;
que la mĂąchoire dâun Enfant aura une
étendue fuffifante,& que les Dents de lait
âą ne nuiront point Ă celles qui viennent les
remplacer, on pourra jouir du mĂȘme t
avantage. Mais pour un petit nombre
de perfonnes , chez qui la nature a tout
fait, combien nâen voit-on pas dâautres
qui, pour avoir négligé les foins du Dem
tifte, ont les Dents li difformes ĂŽc Ă»
mal en ordre, quâelles nâofent.rire ouÂŹ
vertement , ni prefque parier en com->-
pagnie Ăź AprĂšs tout, le mal nâeft pas
fans remede, comme on le verra par la,
fuite.
De F Art du DentijĂźe*
n
CHAPITRE SECOND,
Des différentes Maladies qui attaquent
& détruifent la fubflance des Dents «
De leurs caufes internes &* externes*
Des moyens de les prévenir. Des re~
medes généraux £r particuliers*
L es Dents font attaquées de
différentes maiadies qui entraßnent
leur deftruĂ©lion, fi lâon nây apporte de
prompts remedes. Les principales font ,
i°. VErojßon qui les rend difformes, &
qui les affeĂ©te foulent dans le tems quâelÂŹ
les sâoffifient, ou quâelles font nouvel-»,
lementoffifiées. On peut regarder celle-
ci comme la-premiÚre. 2°. La Carie,
fléau beliruéleur, qui attaque .principa
lement les Dents que lâĂ©rofion a dĂ©jĂ
maltraitées. Cette maladie mine, ronge
& confumeles meilleures Dents,de telle
forte quâelles tombent par petits morÂŹ
ceaux toutes pourries, ou en maffe plus
confidĂ©rable. Souvent lorfquâon. y pen-
G xi]
7§ ĂĂeVdrt duDentifle*
fe Ăźe moins, Ăźe plus petit effort fuffit
pour brifer une Dent cariée. 3 0 . Les
Dents font encore fujettes à fe fraéfurer,
lorfquâelles sâufent & fe dĂ©truifent les
unes les autres par leur frottement dans
la rencontre des deux mĂąchoires , ce
qui fait une déperdition ' de fubflance
abfolument irrĂ©parable. Elles sâagacent
aufii plus ou moins, fuivant quâelles font
ufĂ©es & dĂ©nuĂ©es dâĂ©mail, ou que cet
émail étant trop mince, lailfe pénétrer
dans la fubflance de la Dent les fucs des
alimens acides qui agilfent fur les nerfs
Dentaires. Dâautres caufĂšs encore les
agacent, comme une lymphe acide, cerÂŹ
tains corps durs ou pierreux qui fe glif-
lent quelquefois fous les Dents parmi
les alimens quâelles broyent ck qui les
font luxer, fĂȘler, Ă©clater, & les coups 3
les chĂ»tes , les efforts, ou dâautres acci-
dens. Il faut ajouter à ces caufes qui éxi-
gent de prompts remedes, lâengorgeÂŹ
ment du cordon des vaiffeaux, & celui
du pĂ©riode interne ou externe, dâoĂč
fenfuit prefque toujours un phlegmon ,
qui fe termine par fuppuration, oĂč par
réfolution, quand le malade ne fait pas
©ter fa Dent. Il y a plufieurs autres
De VJrt Ăąu DeiitĂźjie*
maladies qui nâintĂ©reffent que la blan-*
cheur des Dents, mais qui ne doivent
point ĂȘtre nĂ©gligĂ©es : nous en traiterons
dans la fuite. Lâordre naturel nous pref-
c'rit de commencer par lâexamen des
maladies qui les détruifent, & chacune
fera lâobjet dâun article particulier»
S- ĂŻ-
De lâErofion, de la difformitĂ© des Dents *
Gr des maladies qui laproduifent .
T es Maladies qui font fur les
JLu Dents lâeffet quâon appelle ErojĂŻon 9
parce quâelles femblent ĂȘtre rongĂ©es &
comme piquées par les vers, & qui cùu»
fent leur difformité, font le Rakitis , le
fcorbut } les fiĂšvres malignes,la rougeole,
la petite vérole, & en général toute ma
ladie oĂč la qualitĂ© des fluides efl: vidĂ©e»
Toutes ces maladies qui peut-ĂȘtre diffeÂŹ
rent plus par le nom que par la caufe
6 c par les effets, font plus ou moins
dâimprefĂźion fur les Dents, fuivant quâelÂŹ
les font plus ou moins avancées ; ce qui.
veut dire, que plus elles font tendres i
Q iv
'SĂŽ De lAr , du DentĂŻfke*
à ßlus elles en font fufceptibles. Lorfqué
es Dents ont pris une certaine confif-
tence , elles font exemtes de ces impref-
jfions ; mais quand elles font peu formées.
6c tendres, elles sâen reflfentent telleÂŹ
ment , quâelles font dâordinaire inĂ©gaÂŹ
les , raboteufes, jaunes, livides ou noiÂŹ
res. Les Molaires ont leur extrémité
toute couverte dâafpĂ©ritĂ©s ; les Canines
lâont fort pointue; les Incilives lâont
trÚs-mince, & compofée de plufieurs
pointes en forme de fcie. Or,, quand les
Dents commencent Ă sâĂ©lever & Ă for-
tir de lâalvĂ©ole, ou quâelles atteignent
la gencive, la partie la premiÚre formée
6c la plus dure nâefl point fujette, ou
lâeft peu Ă toutes ces altĂ©rations^ ainfi
lâĂ©rolion nâattaque que les Dents qui
font nouvellement offifßées, < 3 c qui nâont
pas la duretĂ© nĂ©cefĂźaire pour rĂ©liller Ă
lĂšs impreiĂŻions. Lorfque la maladie, fur-
yient dans le tems mĂȘme que la Dent
achevĂ© de sâofllfier & de fe former , Ta
portion qui nâa pas acquis toute fa con-ĂŻ
iiftence , en efl encore plus mal-traitée,
& manque dâĂ©mail. Si la maladie celfe
alors & que les fluides deviennent dâurne
bonne qualité, le relie delà Dent quife
JDt VArt du Dentifle. ĂŻĂŻ f
forme aprÚs la maladie, eft dans fon état
naturel; lâĂ©mail en eft blanc & poli vers
â la racine/tandis que lâextrĂ©mitĂ© fupĂ©-
rieure eft prefque toujours dĂ©nuĂ©e dâé
mail , ou que fon émail eft livide, &
criblé de petits trous jaunes & noirs qui
font paroĂźtre la Dent de'deux couleurs
différentes. *
Le Rakitis , & la langueur, dans le
tems que les germes des Dents fe dé
veloppent & sâoflifient, font quâelles
fe forment & pouffent trĂšs-lentement,
quâelles font encore trĂšs - contrefaites
& prefque entiĂšrement dĂ©nuĂ©es dâé
mail. Quand les afreétions fcorbutiques
furviennent, avant que les Dents foient
tout-à -fait offifiées , ou dans le tems
quâelles font encore enveloppĂ©es dans
leur fà c qui contient une humeur écu-
meufĂš, les Dents en font fort maltraiÂŹ
tĂ©es. LâĂ©mail qui fe /orme alors & qui
nâa point encore acquis Ă beaucoup prĂšs
fa confiftence, eft fouvent détruit ou
fort altérés.
Les Enfans affligés du Rakitis , ou
comme le peuple les appelle, les Enfans
noués , dont les Dents fÚ forment pen
dant cette maladie, ont les racines des
<52 De VArt du DentijĂźe.
Dents moins perfeétionnées, plus cours
tes, inégales & boffuées ; mais il faut
obferver quâelles ne font jamais Ă©rofĂ©es
ni picquetĂ©es dâaucun trou. Il arrive le
plus fouvent néanmoins que les germes
de leurs Dents ne parviennent point Ă
maturitĂ©, câeĂźt-Ă -dire, que leurs Dents
viennent trĂšs-courtes, parce que les raÂŹ
cines ne sâallongent pas allez pour en
bien faire fortir le corps. Il arrive aufli
dans les affections fcorbutiques qui font
portées à un certain dégré, que plu
sieurs germes en font détruits ; ce qui
fait que certaines Dents ne fe renouvelÂŹ
lent point. Ces affeétions produifent en
core quelquefois la carie dans les alÂŹ
véoles.
M. Tenon , Chirurgien gagnant mar-
fcrife Ă lâHĂŽpital GĂ©nĂ©ral, mâa fait voir
plulieurs mĂąchoires dâEnfans,oĂč les gerÂŹ
mes étoient détruits, & les alvéoles ca
riĂ©s. Jâai de plus remarquĂ© dans un grand
nombre dâautres mĂąchoires quâil mâa
montrĂ©es , que lâĂ©rofion nâaffeĂ©toit la
Dent, que quand elle sâoflifioit pendant
la maladie, ou lorfquâelle Ă©toit encore
molle, lâĂ©mail nâayant pas eu le tems de
prendre la confidence né ceffaire^ce qui
De lArt du Dentijle.
arrive quand la Dent eft: encore dans
fon enveloppe ; car plus elle eft prĂȘte Ă
fortir, moins elle eft fujette Ă iâĂ©rofion.
Telles font les obfervations que M. TeÂŹ
non & moi avons faites fur différentes
mĂąchoires dâEnfans morts du fcorbut,ou
du rakitis. Nous avons trouvé dans plu-
fïeurs des Dents qui commençoient à fÚ
former , fort maltraitĂ©es par lâĂ©rofion.
La Dent la moins avancée étoit fi con
trefaite, quâelle nâavoit prefque pas figuÂŹ
re de Dent. Celles quilâĂ©toient dâavanÂŹ
tage , Ă©toient moins marquĂ©es dâĂ©rofion
vers leurs extrémités, mais beaucoup
plus vers le collet qui nâĂ©toit pas encoÂŹ
re formé. Enfin les Dents dont le corps
étoit parvenu au bord des alvéoles, 8c
dont les racines étoient un peu longues P
nâen Ă©toient prefque point affeĂ©lĂ©es, fi
ce nâeft un peu vers le collet & Ă la raÂŹ
cine qui avoit déjà quelques inégalités»
Dans les fiĂšvres malignes, dans la
rougeole, dans la petite vérole , & au
tres maladies de lâEnfance, oĂč il y a de
la malignitĂ©, lâĂ©rofion nâaffecfe ordinaiÂŹ
rement que la portion de la Dent qui eft
nouvellement oilifiĂ©e, & qui nâeft pas
encore en état de réfifter à fÚs impref-
^4 Eg VAtt du DentiJIĂȘ.
lions. Si le corps de la Dent eft entié-J
rement ofĂźifiĂ©, fans quâil y ait mĂȘme un
commencement de racine, lâextrĂ©mitĂ©
de la Dent nâeft point, ou nâeft que trĂšs-
peu affeété, tandis que vers la racine
elle eft tout-à -fait érofée. Quand la ra
cine commence Ă fe former, & lâextré
mité de la Dent à fortin cette extrémité
eft garantie dâĂ©rofion, tandis que vers
la racine la mĂȘme Dent en eft marquĂ©e
plus ou moins,fuivant la force de la maÂŹ
ladie. Si le corps de la Dent eft prefque
hors de Falvéole, & que Ion extrémité
commence Ă paroĂźtre., la Dent alors nâa
que de légÚres taches vers le collet ou
vers la racine, fans ĂȘtre Ă©rofĂ©e. FeuM,
Bunon , qui, dans fon Ejfai fur Us Ma -
ladies des Dents sâeft fort Ă©tendu fur
YEroJĂźon, eft dâun fentiment diffĂ©rent
du mien, mais que je ne puis adopter.
Au moins eft-il contraire Ă lâexpĂ©rienÂŹ
ce , quoique ce foit fur lâexpĂ©rience que
lâAuteur veuille sâappuyer, parce quâap-
paremment il nâa pas fait affez attention
Ă certaines chofes. Dâailleurs, il y a dans
fon Livre quelques contradictions fur
çette matiÚre. On en jugera par le Tex
te que je vais fidĂšlement rapporter* 4
T)& VArt du Dentijle .'
âm Les Dents ou lâĂ©roflon sâattache le
» plus, Hit M. Bunort , font les quatre .
» premiÚres groffes Molaires, & les In-;
* cifives tant de lâune que de lâautre ma-
» choire. Les Canines & les autres grof
» fes Molaires nâen -font guĂšres atteint-
» tes j que quand les maladies qui la pro-
» duifent furviennent peu detems avant
» leur fortie ; & en ce cas , elles en font
» feules atteintes, ce qui eft aflfez rare,
» Les petites Molaires en font aufßi ra-
» rement atteintes, ou bien plus légÚre-,
» ment, parce que lâhumeur nây fait que
» trĂšs-peu dâimpreffĂźon ; cela fe dĂ©mon-
Âź tre par lâĂ©tat oĂč fe trouvent les Dents
» dans leurs alvéoles & dans leurs di-
» vers açcroiffemens, avant leur fortie
» hors des gencives. Jâai toujours re-
ss marqué que les moins avancées étant
» plus enfoncées dans leurs alvéoles qui
» fe trouvent remplis par lesracnnes des
âąÂ» Dents de lait, cette difpofltion empĂȘ-
» choit lâhumeur dâatteindre la fĂ©condĂ©
sĂź Dent. Il nâen efl: pas de mĂȘme des
» Dents qui font plus avancĂ©es & prĂȘtes
a* Ă paroĂźtre: lorfque celles de lait nâont
» bien-tÎt plus de racine, la couronne
Ă© de la nouvelle Dent qui efl: plus
26 De V Art du Dentifle «
» vĂ©e, & plus Ă la portĂ©e de lâhumeur,'
v> fe découvre en partie, fuivant que les
» racines des premiÚres Dents font plei-
» nĂ©s ou ufĂ©es, & que FĂącretĂ© de lâhu-
â r> meur a lieu de sâinfinuer & dâattein-
» dre cette nouvelle Dent par la partie
*> émaillée ;ce qui fe fait toujours à pro-
^ portion de la force & de la folidité de
» cette mĂȘme portion de la Dent. Mais
» les racines nâen font jamais atteintes ;
» ce qui prouve, Ă ce quâil me femble,
que lâhumeur qui produit lâĂ©rofionne
» pĂ©nĂ©tre pas jufquâaux alvĂ©oles, s
Ainfi sâexprime M. Bunon Ă la page
pp. & fuivantes. Voici maintenant une
contradiction bien marquée que je ren
contre à la page 66. « Si par exemple
Âź ces maladies > continue lâAuteur >
» fonderaient à trois ou quatre ans y
9 â les IncifĂźves & les premiĂšres greffes
» MelaiPss font fortement atteintes dâĂ©-
» rofion j les Canines beaucoup moins
» & les petites Molaires fort rarement.
» Si la maladie au contraire furvient
» entre 4 . p. & 6. ans, les Incifßves >
» les Canines, & les premiÚres groffes
» Molaires font Ă©galement frappĂ©es dâĂ©-
9 rofßon | mais elle les pénétré moins 9
De lâArt du Dentifie. S^j
b & n 5 en dĂ©truit pas tant lâĂ©mail, quâel-;
» le fait dâordinaire dans le premier:
» ùge. »
On fçait quâĂ lâĂąge de trois ou quaÂŹ
tre ans, les fécondés Dents font bien
éloignées de paroßtre 5 & de fortir de
leurs alvéoles, ainli que les premiÚres
groffes Molaires. Câeft donc certaineÂŹ
ment Ă cet Ăąge que les Dents font ,
comme je lâai dĂźt, encore affez tendres
pour ĂȘtre frappĂ©es dâĂ©rofion ; voilĂ ce
que dit auffi M. Bunon. Mais il fe conÂŹ
tredit manuellement, lorfquâil ajoute :
que lâhumeur nâaffecle les Dents, quâau-
tant quâelles font prĂȘtes Ă paroĂźtre , &
quâelle ne doit pas pĂ©nĂ©trer dans lâalÂŹ
vĂ©ole. A lâĂąge de trois ou quatre ans ,
les fécondés Dents ne font point en
core forties , pour ainfĂź dire , de leur
coque ; la cloifon olfeufe qui fépare la
racine de la premiĂšre Dent dâavec le
corps de la fĂ©condĂ©. nâell mĂȘme pas
encore détruite : à plus forte raifon la
racine de cette fécondé Dent fublifle-
tâelle. Cependant câefl: Ă cet Ăąge-lĂ que
ces Dents font plus communément
maltraitĂ©es par lâĂ©rolĂźon, quâĂ celui de
ĂŒx ou fept ans, comme il en convient.
SS De VArt du Dentifle.
lui mĂȘme. Quand cette maladie arrive
Ă trois ou quatre ans , les petites MoÂŹ
laires qui ne paroiffent dâordinaire quâĂ
douze ou Ă quatorze , font dans le jnĂȘ-
me cas que les fécondés greffes Mo
laires qui paroiffent auffi Ă peu prĂšs
dans le mĂȘme tems ; lâĂ©rofion ne les
affecte point, parce quâelles nâont pas
encore commencĂ© Ă sâoffifier. Mais fi
lâextrĂ©mitĂ© de leur couronne eft offfiĂ©e
en partie, comme elle lâeft Ă cinq ou
fix ans, cette partie aura certainement
de fortes marques dâĂ©rofion , tandis
que le relie de la Dent formé depuis la
maladie en fera exempt. Par la* mĂȘme
raifon, fi la maladie furvient quelque
tems avant leur fortie , elles nâen feront
point affrétées , comme le prétend M.
Bunon. A lâĂ©gard des racines quâil dit
nâĂȘtre jamais atteintes dâĂ©roiion , je
conviens quâelles ne font point picoÂŹ
tées comme le corps des Dents , mais
on les trouve fouvent contrefaites &
toutes tortues, ce qui certainement eft
lâeffet de FĂ©rĂŽfiĂŽn ; & ce qui prouve
que quand les racines viennent Ă fe
former pendant les maladies qui la
caufent, elles en font plus ou moins malÂŹ
traitées ?
De V Art du Ăentijfe. §9
traitĂ©es, fuivant que lâhumeur eft acide.
. Dans le rakiris , & dans les fortes
affections fcorbutiques , les alvéoles
font beaucoup plus délicats & plus
fpongieux quâils ne le font naturelleÂŹ
ment ; ils fe carient mĂȘme dans les
fcorbutiques. Ainft M. Bunon pareĂźt fe
.tromper , lorfquâil croit que lâhumeur
ne pĂ©nĂ©tre point dans les alvĂ©oles. OĂč
la faifoit-il donc rĂ©fider ? CâĂ©toit appaÂŹ
remment dans les gencives j & non pas
dans le période qui rapide les alvéoles^
car ils nâauroient pu sâen garantir. Or
comment concevoir quâune Dent puiffe
. ĂȘtre affeĂ©tĂ©e dâĂ©rofton: vers fon extrĂ©â
.mité,-quand elle a, fuivant fe s prin
cipes , prefque détruit la racine- de la
premiĂšre Dent:.,. fans que le relie de;
cette racine, dont, la Dent eft prĂȘte Ă
tomber, & lâalvĂ©ole mĂȘme nâen foient
pas atteints plutÎt, que la fécondé Dent ?
Concluons de. tout ceci, que les racines,';
&les alvĂ©oles ne font maltraitĂ©s delâĂ©ro-
iion que dans lerakitis & dans le s.affecÂŹ
tions feorbutiques. Je penfe.de. plus, que;
la partie émaillée, des Dents ne reçoit les
-jatteintes de lâĂ©rofton quâautant. quâelle ;
eft encore enveloppĂ©e, dans fa mentâ
Tome L EL
<pĂŽ De VArt du DentĂźfĂźe.
brane , laquelle , jufquâĂ ce.quelemai!
fcit formé, contient une humeur mu-
cilagineufe. Moins la Dent eft formée,
plus cette humeur mueilagineufe eft
abondante. Or la maladie venant Ă lâaiÂŹ
grir , elle dĂ©truit par fon aciditĂ© lâĂ©mail
encore tendre; & ainft plus la Dent eft
avancĂ©e,plus elle eft en Ă©tat de rĂ©futer Ă
fes impreffions. Si un enfant depuis fept
mois jufquâĂ dix , eft attaquĂ© de quelÂŹ
quâune desâmaladies dont jâai parlĂ© , les
Canines & les Molaires de lait feront
atteintes dâĂ©rofion , fuivant quâelles feÂŹ
ront plus avancées: tandis que les Incifß-
ves en feront exemptes , bu trĂšs-peu
marquées , ft elles paroiflent quelque
Ăźems aprĂšs la maladie.
Les Enfans qui apportent au monde
quelques affeélions fcorbutiques ou vé
nériennes , ont dans leurs fluides le
germe de toutes les maladies qui détrui-
fent les Dents. Mais quand on y a reÂŹ
mĂ©diĂ© de bonne heure, il nây a que les
. Dents de lait dâaflÚétĂ©es. Cn en garant
rira les fĂ©condĂ©s, toutes les fois quâil ne
furviendra pas dâautres maladies capaÂŹ
bles de les altérer, avant qu elles ayenß
leur conftftence.
De V Art du Dentifte. '$i\
Ce qui fait que les Enfans fe nouent,
câeft dâabord le vice des fluides proveÂŹ
nant du pere ou de la mere, & quel-<
quefois de la nourrice ; mais le rakitis
a plufieurs autres caufes. i°. Un lait
trop Ă©pais & qui ne peut paffer quâavec*
peine dans les couloirs. 2 °. Un lait
trop ferĂȘux qui , nâayant pas affez de
confidence, fait un fuc nourricier trop
foible } dâoĂč rĂ©fulte une produĂ©lion lan-
guiffante , un accroiffement ^imparfait
& lent de toutes les parties" offeufes.-
3 °. Des bouillies trop épaiffes & mal
faites , qui en furchargeant un efto-
mach foible lui caufent une indigeftioiĂŻ
continuelle , ou ne produifent quâun
mauvais chyle capable de former des
obftrucHons dans toute lâhabitude de
lâEnfant. De pareils alimens , au lieu
dâĂȘtre propres Ă dĂ©velopper & Ă nourÂŹ
rir les parties offeufes, en retardent fen-
fiblement les progrĂšs & en altĂšrent le
tiffu ; 8c câefl ainfi que les Enfans de-4
viennent difformes & contrefaits. Leurs
os sâamolliflent, fĂš plient y fe recourÂŹ
bent , en mĂȘme tems- que leurs vifceres
sâobflruent, 6c le mal influe prefque-
5?2 De Y'Art da DentĂŻjĂźe ;
toujours fur toute leur conformation }
tant extĂ©rieure quâintĂ©rieure.
. Le rakitis- provient encore dâun mauÂŹ
vais fevrage , dâun air trop greffier
ou mal fain , des accidens occafionnés
par les efforts douloureux que les Dents
font en perçant, & des vers dont les
Ănfans font plus ou moins tourmentĂ©s.
Les affeéiions fcorbutiques ont à peu
prĂšs les mĂȘmes caufes.
A lâĂ©gard .de la rougeole 5 & de la
petite vérole,, ces maladies font eau-
fées foit par les vices des liqueurs, foit.
par les relies de la portion la moins
pure du fang menltruel 5 qui elt retenu
chez la Mere pendant fa groffieffie, &
quia fervi de nourriture Ă lâEnfant dans,
fon premier hofpice 5 foit enfin par 1 e.
mauvais air ou par la contagion fim-
plement»
« Ces diverfĂšs maladies nâalïÚélent pas
toujours Ă©galement les Dents dâĂ©ro-
lion , quoique par leur molleffie elles en
foient fufceptibles. Mais en général 3
iorfquâelles nâont fait fur les Dents que
;de lĂ©gĂšres imprefiions , câell quâelles
put été peu confidétables > ou peu ma*i
De l* Art du DentijĂźe.
lignes, foit par lâeffet des remedes que
.dâhabiles gens ont adminifirĂ©s, foit par
les difpofitions du fujet.
Pour empĂȘcher quâun Enfant venu
au monde bien conftitué ne fe noue ,
& prĂ©ferverfes Dents dâĂ©rofion, il faut
-lui donner une bonne nourrice qui ait
un lait doux , coulant, abondant, ni
trop épais ni trop fluide. Elle doit de
fon cÎté contribuer à la bonne qualité
de fon lait, en évitant tout ce qui peut
lâaltĂ©rer,. foit dans lâufage des alimens ,
-foit dans lĂ conduite. Il faut furtout
quâelle foit attentive Ă ne point fur charÂŹ
ger de lait fon Enfant. Elle lui en donÂŹ
nera peu Ă la fois & fouvent. Elle attenÂŹ
dra un certain Ăąge, pour le mettre Ă la
bouillie, la fera toujours allez legere ,
& lâadminiflrera fobrement.. EUe aura
la mĂȘme attention- au fevrage : elle ne
lui donnera avec fa bouillie que de bon
potage, & point de fruits, quels quâils
Ibient , point de légumes,»ni de vian
de. Elle aura foin de,le. tenir en bon
air , & de lui faire prendre un peu
dâexercice.
Mais pour sâafĂźurer encore mieux de
Ja bonne, conftitution dâun Enfant , ii
jp4 r De ZLfrt du Dentijiel
faut en confier le foin à un Médecin ex
périmenté , ou à un habile Chirurgien,
Le Praticien chargé de veiller à la con-
fervation de lâEnfant, jettera les fonde»
mens dâune bonne Dentition, foit.par
la falubritĂ© du rĂ©gime quâil lui fera ob-
ferver, foit par lâufĂ ge de quelques re~
medes innocens quâil fçaura lui faire Ă
propos ; & par ce moyen on prévien
dra les accidens prefque inféparables de
la naiflance & de la fortie des Dents.
La mĂȘme conduite fervira Ă faire Ă©viÂŹ
ter la produéiion des vers qui déro
bent Ă lâEnfant la portion du chyle le
plus pur } & lÚs affeétions fcorbutiques.
On pourra mĂȘme parvenir Ă rendre
moins funeftes aux Dents les attaques
de la rougeole ou de la petite vérole.
Du moinsyfi elles furviennent dans lâenÂŹ
fance, tous les foins que lâon aura pris
pour y préparer le fujet, les rendront
dâune qualitĂ© moins maligne, & elles
feront peu dâimpreflion fur les Dents.
Au lurplus, jamais les Dents ne font
affeélées par la petite vérole , lorf-
quâelle efi: dâune qualitĂ© bĂ©nigne, quand
elle furviendroit Ă un Ăąge oĂč la mĂȘme
maladie,lorfquâelle eft maligne, les ait©?
De VArt du DentifĂźz* pf
rĂ« ordinairement beaucoup. Sâil eft
donc vrai quâon ait toujours une petite
vĂ©role bĂ©nigne par le moyen de 1 âIno-
ëulation , on peut inoculer les Enfans s
fans craindre que les Dents qui font
encore à venir en foient érofées^
§. IL
De la. Carie .
L 'a dureté des Dents fembleroßt
devoir les rendre moins fufcepti-
blés des maladies qui attaquent particu
liérement les corps oflfeux : cependant
on voit que ces petits os font les plusr.
fujets Ă fe carier, & la raifon en eft fen-
fible. Leur tiflu eft bien plus ferré que
celui des autres os : leurs vaiffeaux par;
confĂ©quent font plus Ă lâĂ©troit; de-là »
il sây forme plus aifĂ©ment des embarras
&des obftruĂ©lions, fur-tout quand lâim.-*
prelßion du froid y eft portée à un cer-«
tain point, ou que les fibres offeufĂš?
sâaffaiiTent par quelque effort que cefoit»
Si les fucs que charient les vaiffeaius
Dentaires font trop Ă©pais, ils sâarrĂȘtent^
T)e t Art du VentifĂźe':
& fe corrompant par leur féjour, ils a£*
feélent bien-tÎt la Dent. Si ces lues fe
trouvent eux-mĂȘmes affeĂ©lĂ©s de' quelÂŹ
que vice, la Dent en efl plutÎt gùtée,
fuivant le concours des . impreflions exÂŹ
tĂ©rieures , ou fuivant que la Dent mĂȘme
en sâorganifant & en sâoflifiant, sâeft
trouvĂ©e plus mal conftituĂ©e. Leâs Dents
des perlbnnes qui ont été nouées, ou
qui ont eu quelque maladie confidéra-
Me, dans le tems que ces Dents nâa-
voient pas encore allez de confidence ,âą
non-feulement font difformes & remÂŹ
plies dâalpĂ©ritĂ©s Ă leur furface, mais fe.
gĂątent encore ordinairement peu de
tems aprĂšs leur fortie : câeft Ă quoi les
groffes. Molaires font le. plus fujettes. 1
On ne peut affigner dâautres caufes Ă la-
carie de ces Dents-lĂ , que la maladie
furvenue pendant quelles sâoffifioient.
Lorfquâune Dent fe. gĂąte, la parallĂšle
du cÎtéoppofé fe gùte auffi prefque tou
jours peu de tems aprĂšs dans le mĂȘme
endroit & avec la mĂȘme fymmĂ©terie.
Cette, efpĂšce de fympatie me paroĂźt
avoir une caufe trĂšs-naturelle & fort
ÂŁmple. Comme toqtes les^Dents paralÂŹ
lĂšles. sâoffifient dâordinaire enfemble, &
fui vent-
De?Art du DentijĂźe, P7
fuivent les mĂȘmes/progrĂšs , elles font
fufceptibles des mĂȘmes imprelßßons exÂŹ
tĂ©rieures 8c des mĂȘmes engorgemens :
ainli, pendant FofGfication, le principe
de la maladie commun aux Dents du
meme ordre sâed portĂ© aux mĂȘmes enÂŹ
droits. Câed pour cela que, quand une
Dent ed marquée de quelque tache jau
ne ou noire, la Dent pareille de lâautre
cĂŽtĂ© a le plus fouvent la mĂȘme marÂŹ
que , placĂ©e fymĂ©triquement de la mĂȘÂŹ
me façon. La racine des Dents, tant
quâelle ed couverte ou garantie par le
pĂ©riode, par lâalvĂ©ole, & par la genciÂŹ
ve , ne fe gĂąte jamais. Lorfquâau conÂŹ
traire elle efl dĂ©nuĂ©e de quelquâune de
ces parties, en quelque endroit que ce
foit, de façon que les impredions exté
rieures } le froid 8c le chaud } puiflent y.
pénétrer, elle fe gùte aifément par-là .
Il en efl de mĂȘme, quand il fe fait quelÂŹ
que phlegmon au période, ou un épan
chement des liqĂ»eurs dans lâalvĂ©ole : le
vice de lâhumeur 8c lâaciditĂ© des fucs
rongent & détruifÚnt cette racine dans
la partie oĂč fĂ©jojurne lâhumeur. Quand
une Dent iÚ trouve minée par la carie 3
les racines qui redent fe minent audi peut
Tome J. I
5>S De VArt du Dentifte.
Ă peu,Ă mefure quâelles fe dĂ©couvrent Si
quâelles font plus expofĂ©es aux impref-
fions du dehors. Jâai parlĂ© de la nĂ©cef-
fitĂ© dâarranger les Dents , dâavoir foin
quâelles ne foient pas trop preffĂ©es &
de les mettre Ă lâaĂźfe, pour empĂȘcher
quâelles ne fe gĂątent, foit par lâengorge-
ment, du fluide qui y abonde,foit par les
Ăźmpreflions diffĂ©rentes quâelles peuvent
recevoir extérieurement, foit enfin par
leur preflion réciproque dans le ferre
ment des deux mĂąchoires. Jâai fait obfer-
ver que de toutes nos parties ofĂźeufes,
les Dents font les feules qui foient
découvertes & dénuées de périofte ;
mais quâaufli la nature a pourvĂ» Ă leur
cOnfervation, en les couvrant dâĂ©mail.
Ce revĂȘtement nâempĂȘche pas quâil ne
fĂš fafle des obftruciions dans le corps
fpongieux des Dents , que ce corps ne
fedĂ©compofe &ne fe mollifie, ce quâil
fait toujours vers la table externe fous
Fémail, qu i eft la partie la plus fufcepti-
ble des Impreflions extérieures. Le mal
en attaquant la furface pĂ©nĂ©tre dans lâinÂŹ
térieur de la Dent, de façon que la carie
Ă©tant parvenue Ă dĂ©truire lâĂ©mail, on ap-
perçoit fouvent tout dâun coup un trou
De V Art du Dentifte. pp
confidérable à une Dent dont la ruine
eft inĂ©vitable. Mais doit-on sâĂ©tonner
que les Dents fe gùtent fi fréquemment
& fi vite, lorfquâon vient Ă confidĂ©rer,
comme je lâai dĂ©jĂ fait remarquer, que
tous les autres os du corps étant dénués
de leur pĂ©riode & Ă dĂ©couvert sâexfoÂŹ
lient en trĂšs-peu de jours. '
La carie provient dâune infinitĂ© dâau- !âą
trĂšs caufes internes & externes. Les eau- S
fes internes les plus communes , font lâex- f
cĂšs dans le boire & dans le manger. Pu- |
fage des alimens qui font un chyle trop }
Ă©pais ou trop abondant, lâexcĂšs du fom- I
meil & des veilles, une vie trop féden- f
taire ou trop agitée, enfin toutes les pafi f
fions capables dâaltĂ©rer la digeflion, |
dâaigrir ou dâĂ©paifĂźir la maffe du fang , 1
de produire des obflruĂ©lions, dâinter- |
rompre les fécrétions & les excrétions f
qui doivent fe faire tous les jours, & \
dâopĂ©rer dâautres dĂ©fordres dans lâĆco- !
no mie animale. Les Dents des Pituiteux j
& des Pléthoriques, font aufßi fort fujet- j
tes Ă fe gĂąter, & sâĂ©branlent facilement.
Les femmes, pendant leur groffeffe, font
plus expofées à avoir les Dents affeétées
quâen tout autre Ă©tat, par lâabondance
!ï ûo De VArt du Dentijle.
du fang qui eft alors retenu chez elles ?
lorfquâelles celfent dâĂȘtre rĂ©glĂ©es. Les
Dents fe gĂątent aulĂŻi trĂšs-fouvent ou
sâĂ©branlent par les frĂ©quentes fluxions
qui fe jettent fur les gencives.
Les caufes externes qui altĂšrent &
qui enfin dégradent les Dents, font en
trĂšs-grand nombre. Les plus ordinai-
â res, font lâufage dâalimens trop froids
ou trop chauds ; les diverfes imprefĂźions
de lâair ; tous les efibrts quâon fait faire
aux Dents & qui en affaiffent les fibres,
ou en font fouvent éclater le corps ; les
vapeurs de lâeftomach & des poumons
qui, en sâĂ©levant, forment un limon fu-
tiefte aux Dents ; les reftes des alimens
qui féjournent dans leurs interftices, &
qui sây corrompent. Il eft encorĂ« trĂšs-
nuifible aux Dents de trop fe dégarnir
j la tĂȘte & de sâexpofer au ferein, ainfi
| que de dormir la tĂȘte nuĂ« : de-lĂ pro-
f viennent bien dea fluxions. Dâautre
| part, les ingrédiens dont on ufe*pour
f fe conferver les Dents, leur font quelÂŹ
quefois trĂšs-contraires. Il en eft de mĂȘÂŹ
me de quelques remedes quâon employĂ©
pour en calmer la douleur; tels que lâen-
: cens , lâeau-forte, & pareils cauftiçmes
De VArt du DentijĂźe. lot
qui gĂątent toutes les Dents quâils touÂŹ
chent; ce qui fait voir combien il efl imÂŹ
portant de nây point faire de remedes
qui ne foient bien connus ou prefcrits
par un Dentifte expĂ©rimentĂ©. Lâufage
exceiĂŻĂźf des fucreries, contribue aufĂźi Ă la
deftrucHon des Dents. Cet accident eff
prefquâinĂ©vitable Ă toutes les perfonnes
qui manient ou travaillent les métaux,
comme le cuivre, le vif-argent, &le
plomb, parce quâil sâen dĂ©tache toujours
des particules arfénicales & corrofives
qui sâattachent aux Dents. Enfin le peu
de foin quâon a de fa bouche, & la nĂ©?
gligence Ă nettoyer, ainfi quâĂ faire de
tems en tems vifiter fes Dents, caufent
infenfiblement leur dégradation.
§. III.
Des moyens de prévenir ta Carie , au
tres maladies des Dents .
T outes les perfonnes qui font
chargées de la conduite des En-
fans , ne peuvent les accoûtumer de trop
bonne heure à fÚ nettoyer tous les jour§
1 ĂŒi
102 De VArt du Dentifte .
la bouche. Câeft une pratique de proÂŹ
preté,dont dépend le bon état des Dents,
<k qui produit de grands biens. Tous
ceux qui ont Ă©crit fur les Dents , nâont
pas manqué de la prefcrire : ainfi je
pourrois me difpenfer de répéter ce
.quâils ont dit. Mais comme mon objet
eft de rendre mon Ouvrage utile Ă tout le
monde, je ne dois rien nĂ©gliger dâeffen-
.tiel fur la matiĂšre que je traite, afin quâau
moins les perfonnes qui feront quelque
«fage de mon Livre,ne foient point obli-.
gées de chercher ailleurs une inftruction
aufli fimple quâelle efl; nĂ©ceffaire.
Il faut donc, chaque jour, en fe leÂŹ
vant , commencer par enlever avec le
tuyau de plume, tout ce qui peut sâĂȘtre
arrĂȘtĂ© dans les interftices des Dents,
â enfuite grater fa langue, &paffer dans
fa bouche une petite éponge trempée
dans de lâeau tiĂšde, oĂč lâon aura mis
trois ou quatre gouttes de quelque eau
balfamique. On porte cette éponge fur
les gencives, en appuyant un peu, &
on la ramene Ă plufieurs reprifes jufquâa
lâextrĂ©mitĂ© des Dents en-dedans & en-
dehors de chaque mùchoire. Cette opé
ration fe fait fiiccefĂźivement fur toutes,
De VArt du DentijĂźe. ĂQ%
les Dents, & on retrempe de tems en
tems lâĂ©ponge dans lâeau. Par ce moyen ,
on fait fortir le limon qui sâeft introduit
fous les gencives & dans les intervalles
des Dents. Si, aprĂšs y avoir paffĂ© lâé
ponge, il y reftoit encore du limon , on
lâemporte aifĂ©ment avec la pointe ou le
gros bout du cĂŒredent. La propretĂ© deÂŹ
mande encore quelque foin aprĂšs le reÂŹ
pas. Câeft lâaffaire du cĂŒredent de reÂŹ
chercher les reffes de la maflication qui
peuvent ĂȘtre entre les Dents. On les
effuye bien enfuite avec une ferviette *
& oroffe rince la bouche avec de lâeau
tiĂšde. Cet ufage, quâil eft aifĂ© de conÂŹ
vertir en habitude, doit nâĂȘtre jamais
négligé..
Quelques p erfonnes sâimaginent que
Ăźe cĂŒredent & lâĂ©ponge, font capables
de déchauffer les Dents. Rien de plus
innocent, au contraire, & dâun ufage
plus indifpenfable : car on aura beau le
rincer la bouche, ou sâeffuyer les Dents,
on ne fera pas fortir le limon qui sâenÂŹ
gage & sâamaffe dans leurs interllices.
Or, les particules de limon que lâeau nâa
point dĂ©tachĂ©es sâattachent aux Dents
vers la racine, sây durciffent & compris
104 De VArt du Uentijie.
ment les gencives. A mefure que lâaÂŹ
mas sâaugmente, il les engorge & les
dĂ©truit. Câeft alors que les Dents fe dé
chauffent , & bien-tĂŽt sâĂ©branlent. De
plus, quand ce limon eft acide, il pé
nĂ©tre & ronge la Dent mĂȘme. Enfin, le
féjour du limon Îte la fraßcheur de la
bouche, & lui donne tĂŽt ou tard une
mauvaifĂš odeur. Dâautres perfonnes
ont pour principe, quâil eft dangereux
de faire faigner les gencives; mais le
danger nâeft Ă©vident , que quand on
nĂ©glige de le faire. Car lorfquâelles font
furchargées. de fang, fon féjoty: feuß
peut lui faire contracter un vice capable
de gĂąter les Dents , ou du moins de les
déchauffer & de les ébranler. Il eft donc
à propos de les dégorger avec un cure-
dent de plume bien délié & une épon
ge fine, afin que les petits vaiffeaux que
la plénitude obftruoit, reprennent leur.
tonus & leur reffort.*
Les perfonnes replĂštes font dâordiÂŹ
naire les plus fujettes Ă avoir les genÂŹ
cives engorgées ; elles doivent donc
avoir lâattention de les faire faigner de
tems en tems. Il en eft de mĂȘme des
perfonnes ùgées: leurs gencives donp
De Ćž Art du DentijĂźe. ĂŻĂŽj*
dépend fur-tout la confervation de leurs
Dents, font prefque toujours fur charÂŹ
gées de fang, parce que les liqueurs ont
perdu de leur fluidité naturelle, & que
la contraction des artĂšres fe fait dâautant
plus difficilement que leurs parois étant
plus épais & moins élaftiques ils contri
buent encore Ă ralentir la circulation ;
ainfi câefi pour eux une nĂ©ceffitĂ© dâĂ©vaÂŹ
cuer le fuperflu du fang qui croupit dans
leurs gencives. Une attention que tous
les Dentiftes.doivent encore recommanÂŹ
der, eA de ne jamais fe rincer la bouche
avec de lâeau trop froide, ou dây faire'
fuccĂ©der tout dâun coup rien de trop
chaud , foit alimens,foit boĂźfĂźbns ; parce
que ces deux extrémités y caufent tou
jours du dĂ©fordre, lâune en rarĂ©fiant ĂŽc
en dilatant, lâautre en coagulant les liÂŹ
queurs qui circulent dans les vaifleaux
dentaires.
On doit ĂȘtre fort rĂ©fervĂ© dans lâufa-
ge des fucreries, quelles quâelles foient,
& lorfquâon en a mangĂ©, pour enlever
le lue vifqueux qui sâattache aux Dents
& dont lâaciditĂ© les gĂąte, il faut fe bien
rincer la bouche avec de lâeau tiĂšde.
Il faut abfolument sâabfienir de calfe2
10.6 De T Art du Dentijle.
avec les Dents les fruits durs & tout
çe qui a de la réfiflance, comme noix,
noifettes, ou noyaux, Ă peine dâen affaif-
fer les fibres oĂŒeufes, dây occafionner
des éclats & conféquemment la carie,
en un mot, de sâĂȘxpofer Ă les fĂȘler, Ă les
cafler mĂȘme, ou du moins Ă les Ă©branÂŹ
ler & Ă les luxer.
Il nâefl: pas moins dangereux dâemÂŹ
ployer indiftinéiement toutes les dro
gues que débitent tes Charlatans, fous
les noms d âOpiats, de Corail en poudre ,
de liqueurs Amifcotbutiqu.es , Balfami-
ques, & autres. Ces drogues, dont les
diftributeurs vantent ordinairement la
vertu, foit pour ĂŽter la douleur des
Dents 8 c les empĂȘcher de fe gĂąter, ou
de fe dé chauffer j foit pour faire recroߏ
tre les gencive§, détrußfent immanqua
blement Ă la fin les unes & les autres.
Ainfi lâon ne doit abfolumĂšnt fe fervir
que des Opßats, préfervatifs, 8 c autres
remedes compofés & appliqués à pro
pos par un bon Dentifte.
Il y a dâailleurs, pour Ă©viter la perte
©u lâaltĂ©ration des Dents, certaines pré
cautions dont on ne peut trop inculquer'
tufage.Il sâagit 1°. de ne point sâexpo-
De VArt du Dentifie. 107
1er j en fortant dâun lieu chaud, Ă un air
trop froid, fans fe bien garnir la tĂȘte.
Quelques perfonnes portent du coton
dans les oreilles, & sâen trouvent bien.
2°. De ne pas sâexpofer non plus au fe-
rein , de ne pas dormir la tĂȘte nue, dâé
viter les vents-coulis, & les lieux huÂŹ
mides ou marécageux. Pa? cette atten
tion fur foi-mĂȘme, on Ă©vitera bien des
fluxions , dont la plûpart proviennent
de quelquâune de ces caufes. Paflbns aux
moyens de prévenir, ou de détruire les
caufes internes qui gĂątent les Dents.
La premiĂšre chofe Ă obferver pour
la conlervation des Dents, ainfl que
pour la fanté du corps', eft un bon régi
me. De la fobrïété , des alimens fains
8 c de facile digeftion, font la bafe de ce
rĂ©gime. Câefl la maflication qui prĂ©pare
la digeftion des alimens , il faut donc
les bien moudre 8 c les bien broyer avant
la dĂ©glutition, afin quâil sâen forme un
chyle doux, fluide , & qui paffe fans
embarras dans le fang, pour nourrir 8 c
vivifier toutes les parties du corps; car
quand les alimens ne font pas fuffifam-
ment broyĂ©s dans la bouche, lâeftomach:
ne fcauroit les cuire ni les digérer ai£é~
ioS De V Art du Dentifle.
men. Si dâun autre cĂŽtĂ© on le furchar-
ge , & fi on lui donne des alimens de
difficile digeftion, le chyle qui en réful-
te eft groffier, épais, chargé plus ou
moins dâacides, & devient par contĂ©-
quent la fource de différentés maladies.
Or les Dents ne tardent pas Ă sâen refi
fentir, foit ÂŁar la corruption du fluide
qui circule dans leurs vaiffeaux , foit
par lâeffet des vapeurs qui sâĂ©lĂšvent de
lâeftomach Sc des poumons , foit par
lâĂącretĂ© de la pituite , ou par' la vifco-
lité de la falive : toutes difpofitions vi
cie ufe s dont fe forme un limon acide
-qui gùte & ébranle les Dents. Le moyen
de les éviter, efl: de faire un exercice
modéré, de ne point ni trop veiller
ni trop dormir, de tempérer fes paf-
â fions , de ne point ufer avec excĂšs de
laitage , de légumes , ni de viandes
ou de poiflons faiiés, parce que ces for
tes dâalimens ne produifent pas un bon
chyle.
Ceux qui le trouvent attaqués de
quelque affÚcfion fcorbutique ou véné
rienne, doivent promptement travailler
à la détruire, & ne point différer à fe
mettre entre les mains dâhabiles gens..
DeVArt du Dentifte,' io<?
Sont on ne manque point Ă Paris. Les
perfonnes ou répletes ou cacochymes,
ne doivent point non plus négliger les
remedes généraux que leur prefcrira la
nature de leurs difpofltions. Ils auront
recours au Dentifte, lorfquâil sâagira de
dégorger leurs gencives, pour les dé-
barrafler du lĂ ng fuperflu ou de la lim-
phe acide qui peut altérer les Dents. La*
faignée ell; aufli de tems en tems nécef-
faire aux femmes enceintes, tant pour la
confervation de leur fruit, que pour leur
faire fupporter plus aifément le fardeau
de la grolfefle, & pour empĂȘcher que
le lĂ ng menftruel qui fe trouve retenu
chez elles ne le porte aux Dents, ne les
gĂąte, & nây produife de vives douleurs,
comme il arrive ordinairement. Les femÂŹ
mes qui ceflent dâĂȘtre rĂ©glĂ©es, Ă©tant parÂŹ
venues à ce tems critique, doivent aulßß
fe faire faigner & purger de tems en
tems, pour empĂȘcher que le fang ne le
porte abondamment aux gencives, &
-quâen les gonflant il nây caufe des fluÂŹ
xions & mĂȘme la carie, ou quâil ne les
faflÚ périr par le feul ébranlement.
Quand,malgré tous ces foins & le ré
gime le plus exaél, certaines perfonnes
no De l'Art duDentiJĂźe.
dont lâeftomach ne fait quâimparfaite^
ment fes fondions & dont la fanté eft fort
chancelante, ont les Dents en mauvais
état, ou lorfque pour ne pas vouloir
.sâaffujettir Ă aucun rĂ©gime, ni prendre
la moindre précaution, ( ce qui eft en
core plus ordinaire ) le dĂ©fordre quâon
pouvoit Ă©viter sâĂż eft mis ? il nây a plus
quâun moyen pour les conferver , &
câeft dây faire apporter un prompt re-
mede, avant que la carie ne découvre
le canal de la Dent. Car pour peu quâon
néglige cette maladie , elle fait des pro
grĂšs fi rapĂźdes,quâaprĂšs avoir caufĂ© bien
des maux , la Dent périt fouvent fans
reflource. Si lâon pouvoit en ĂȘtre quitte
pour la perte dâune Dent, on fe trou-
veroit trop heureux : mais fouvent une
Dent gùtée gùte fa voifine, & le mal
nâen refte pas-lĂ ; il fe communique de
proche en proche , & pour une Dent
quâon a nĂ©gligĂ©e, on sâexpolĂš Ă en perÂŹ
dre plufieĂŒrs. Je ne parle point des ac-
cidens qui peuvent sâenfuivre , des fluÂŹ
xions fi douloureufes & quelquefois fi
opiniĂątres , des abfcĂšs qui fe forment
dans la bouche, & qui percent en deÂŹ
hors en lailfant fur le vifage des cica-
De T Art du Dentifte * i ii
trßces ou des marques défagréables.
On. ne voit que trop de perfonnes ainfĂź
défigurées par des dépÎts que des Dents
cariĂ©es ont produits. Ce nâeft-lĂ que la
moindre partie du défordre que la carie,
des Dents peut caufer , lorfque la main
du Dentifte nâa point arrĂȘtĂ© le mal dans
fa naiffance.
Les Dents fe gĂątent de deux ma- f
nĂźeres , de lâintĂ©rieur : Ă lâextĂ©rieur, 8c J
de lâextĂ©rieur Ă lâintĂ©rieur. La carie qui f
commence par affecter lâĂ©mail » eft pro- f
duite par quelque caufe externe : on I
sâen appercevra foi-mĂȘme , fi câeft quel- \
que Dent apparente que la carie ait
attaquĂ©e en dâautres endroits que dans
les parties latĂ©rales. Si câeft une Dent
reculée au fond de la bouche, en ne
Fappercevra pas aifement, fi ce nâeft
quand la maladie aura fait des progrĂšs
confidĂ©rables. Il en fera de mĂȘme, fi la
Dent eft cariée dans les interftices: on
ne découvrira le mal, que quand il aura
Fait beaucoup de ravage , ou quâil fe
rendra bien fenfible. Si la carie sâeft
portĂ©e de lâintĂ©rieur Ă lâextĂ©rieur, on ne
sâen appefçoit gueres que,lorfquâau moÂŹ
ment quâon y penfe le moins ? il fe fait
ĂŻ 1 2 'De, VArt du DetitijĂźe.
tout dâun coup Ă la Dent, foit en manÂŹ
geant, Toit Ă toute autre occafion , un
trou fort vifible, ou lorfque le mal proÂŹ
duit des douleurs trĂšs-vives, fans que
le malade ou qui que ce foit, excepté les
gens de lâArt, puilfe en connoĂźtre ou
en remarquer la caufe. Or pour arrĂȘter
les progrĂšs de cette maladie, avant
quâelle ait pĂ©nĂ©trĂ© jufquâau canal de la
Dent & quâelle ne sâannonce cruelleÂŹ
ment par de violentes douleurs, il faut
la main du Dentifte. On fent dĂšs-lĂ ,
combien il eft néceffaire de faire vifiter
fa bouche au moins deux ou trois fois
par an. Si le Dentifte aprĂšs avoir bien
examinĂ© toutes les Dents lâune aprĂšs
lâautre, nâen trouve point de gĂątĂ©e , il
sâen tiendrĂą-lĂ ; mais sâil apperçoit la
moindre trace de carie , il y remédie
fur le champ , ou en lâenlevant avec la
lime, lorfquâelle nâa fait quâeffleurer la
Dent, ou quand elle a creufé, en plom
bant , aprÚs avoir emporté avec la ru-
gine toutes les parties cariées.
Quelquefois il ne fuffit pas dâĂŽter la
carie dâune Dent qui aprĂšs cette opé
ration eft encore fenfible 5 niais il faut,,
tant pour délfecher la carie , que
pour.
Del 3 Art du Dentifie. 113
pour faire ceffer la douleur, appliquer
une ou deux fois le cautĂšre actuel. On
plombe enfuite la Dent qui par ce
moyen efl exempte de fe gĂąter davanÂŹ
tage ,â & de caufer de la douleur ; mais
gâ efl: toujours en y remĂ©diant de bonne
heure, & avant que le nerf foit décou
vert.
Si, aprĂšs nâavoir rien obfervĂ© du ré
gime & de la conduite que jâai pref-
crits pour la confervation des Dents ,
on nĂ©glige encore le fecours de lâĆil
& de la main du Dentifte, ou fi lâon nây
a recours que quand la carie efl parÂŹ
venue au canal, & que le mal ÂŁe fait
fentir , alors le nerf à découvert fe trou
ve plus ou moins irrité , fuivant le dé-
grĂ© dâaciditĂ© de lâhumeur viciĂ©e qui sây
porte ; ou fuivant que le limon, la falĂŻ-
ve &les alimens qui y fĂ©journent sây
corrompent, pourriffentla Dent &aga-;
cent plus ou moins ce nerf; ou enfin
fuivant les impreflions de lâair humide *
ou de lâair froid qui le pĂ©nĂ©tre. Dans
les tems humides, les Dents dont le corÂŹ
don efl: découvert par la carie , font
bien plus fenfibles que dans les tems
fecs ; parce quâalors lâhumiditĂ©- fait en-j
Tome h, JL
! ĂŻ 14 De VArt du Dentifie.
fier & racourcit les nerfs,comme les corÂŹ
des dâun infiniment. Ainfi les Dents
caufent plus de douleur,' & câefifpour
cela que les tems pluvieux nous font
annoncés un ou deux jours auparavant,
par 'le concours des malades qui nous
.viennent en plus grande quantité.
Lorfquâcn ne fe trouve point Ă porÂŹ
tĂ©e dâobferver le rĂ©gime que je recomÂŹ
mande, ni de faire vifiter fa bouche,fi
une Dent sâeft gĂątĂ©e fans quâon sâen foit
apperçu, foit par la difpofition des fucs
intĂ©rieurs ou extĂ©rieurs qui sây font porÂŹ
tés , foit par négligence ou autrement,
il y a plufieurs moyens pour fe guérir,
6 c mĂȘme pour la confĂȘrver,pourvĂ» quâelÂŹ
le en mĂ©rite la peine, câefl-Ă -dire, quâelle
ne foit point trop gĂątĂ©e, 6 c quâil nâen
réfulte aucun autre accident. Ces moyens
confident à détruire les parties nerveu-
fes , oĂč efl: le fiĂ©ge de la maladie : on
parvient Ă ce but par plufieurs remedes,
6 c par différentes opérations connues
des Dentifles. Il y a néanmoins cer-*
taines Dents plus difficiles à guérir les
unes que les autres, foit par la multipliÂŹ
citĂ© ou par lâirrĂ©gularitĂ© des racines &
du canal, foit par rapport aux difpofh
De VArt du Bentifte. rry
tions du fujet, & à la qualité de la lym
phe plus ou moins viciée.
Les Incifives & les Canines de la mù
choire fupérieure forit les plus faciles ,
& les plus promptes à guérir. Les petites
Molaires Supérieures fe guériflent ordi
nairement plus aifément que les groftes
Molaires ; cependant quand elles ont
deux racines, ou que leur canal eft fort
applati & prefque feparé en deux, la
guérifon en devient plus difficile. La
guérifon des petites Molaires inférieures
eft plus aifée, vu la forme de leur canal.
Les Canines qui les avoifĂźnent permetÂŹ
tent encore aifément de détruire leur
cordon nerveux.
Les diffĂ©rens moyens quâon employĂ©-
pour détruire les cordons nerveux qui
font découverts , font les effences
autrës liqueurs fpiritueufes , le cautere
aéluel s la rugine & le déplacement de
la Dent. Quand par quelquâun de ces
moyens ou eft parvenu Ă nettoyer & Ă
débarrafler exactement la Dent de tou
tes les particules de carie, quâelle nâeft
plus du tout fenfible, que le froid ouĂŻe-
chaud nây fait plus aucune impreffion,
alors cette Dent étant bien plombée,ne &
il6 De VArt du 'Dentijle.
gĂąte plus, ne donne aucune odeur,
fert Ă la mallication aufĂźi parfaitement
que les autres. Voici la façon dâopĂ©rer,
pour parvenir Ă rendre ces Dents infen-
fibles.
Si câeft quelquâune des Incifives ou -
des Canines qui faffe du mal, il faut ré
parer fuffifamment avec la lime la Dent
gùtée, & en emporter toute la portion
marquée de carie avec une rugine platte
& pointue en forme de bec de perroÂŹ
quet. Si cette rugine ne fuffit pas pour
enlever exa élément toute la carie, on
achevĂ© lâopĂ©ration avec une rugine plus:,
fine faite en forme dâaleine , mais un
peu plus courbée vers la pointe. La,
carie étant bien nettoyée, le canal fe
trouve Ă dĂ©couvert, & lâon atteint aile-
ment le nerf. Alors prenant une rugine
pointue à trois faces Sc détrempée en.
partie, on lâintroduit le plus avant quâil
fe peut dans le canal de la racine, pour,
en détruire le cordon. Cela fait, on trem-.
pe du coton dans lâelfence de c an elle,
ou de gĂ©rofle, ou dans lâefprit de vin *
'& on lâintroduit dans le canal le plus
avant quâil eft pofĂźible. On lây lailTe penÂŹ
dant quelques jours, 6c on réitéré deux.;
De VAn du Deniifte. ĂŻif
feu trois fois la mĂȘme choie, en portant
au fond du canal la rugine Ă nud, pout
achever de détruire les nerfs. Pour ne
point trop irriter les parties, il faut metÂŹ
tre entre chaque opération deux ou trois
jours. Quand dĂšs la premiĂšre fois on:
peut parvenir Ă porter la rugine aflez
profondément pour tortiller, écrafer, ou
mĂȘme emporter le cordon , lâopĂ©ration
dans la fuite nâeft plus douloureufe, &
la Dent malade efl: promptement guérie.
Mais fi on ne fait que piquer le nerf*
fbuvent le cordon sâenflamme & caufe :
de vives douleurs qui quelquefois ne ÂŁe.
terminent quâaprĂšs la fluxion ; dâailleurs
le nerf ne meurt pas toujours. Il faut,
donc en pareil cas , détruire tout-à -fait
le cordon avec la rugine, ou ayec le
cautÚre aétuel, ou plus fûrement encore
en luxant la Dent. Autrement, fi le cas-
lâexige, il faut en venir Ă lâextraction. ;
La rugine dont on fe fert, doit ĂȘtre
faite dâune pointe fĂ©che dâacier quarrĂ©e,
telle quâen ont les Horlogers & les GraÂŹ
veurs. On la détrempe un peu du bout,
tant pour lâempĂȘcher de cafler dans le
canal, que pour pouvoir lâaffĂ»ter & la
rendre aufll pointue quâune groffe aiguil-
ĂT& De VArt du DemijĂźe.
le. Elle doit ĂȘtre affilĂ©e de la longueur
dâenviron deux .tiers de pouce , & Ă
trois pans. Il faut que le corps de lâinf-
trument foit quarrĂ© & long dâenviron:
un demi-pied. On ne fe fert guĂšre de â
cette rugine, que pour les Dents qui:
nâont quâune feule racine.
A lâĂ©gard des greffes Molaires, quand;,
leur nerf eft tellement découvert que la
rugine peut aifément le faifir, il faut: ,
lâemporter & le dĂ©truire sâil eft poffi-
ble, avec lĂ rugine, ou avec le cautĂšre
aĂ©fcuel. Sâil nây a quâun feul nerf 'appaÂŹ
rent , ou que ceux des autres racines,
par la petiteffe des trous qui y conduiÂŹ
sent, ne puiffent ĂȘtre atteints, alors la
cure de la Dent ne peut manquer dâĂȘÂŹ
tre fort longue. Il en eft de mĂȘme quand
la carie qui aminé en partie lÚ corps de;
là Dent, a détruit les extrémités & les:
ramifications des nerfs ; car alors ces
nerfs fe retirent au fond du canal des
racines, & peuvent dâautant moins ĂȘtre
atteints, que les canaux font fouvent
fort étroits aux Dents de la mùchoire
iupérieure, & fort applatis à celles de
la mĂąchoire infĂ©rieure. A lâĂ©gard de celÂŹ
les-ci pourtant, leur pente naturelle-
Ve VArt duDentijTe . T iĂż
fait que les efTen'ces ou les liqueurs sâin-
finuentplus facilement au fond du caÂŹ
nal, & détruifent le relie du nerf.
- Les rugines les plus convenables pour
les Molaires, font celles qui font faites:
en aleines, câefl-Ă -dire, pointues & dé
liĂ©es. Il faut quâelles foient plus ou moins:
courbes, fuivant lâendroit de la Dent
qui fe trouve affecté. Les fondes qui
fervent Ă reconnoĂźtre la. carie des Dents;
font préférables dans certaines circonf-
tances, parce quâĂ©tant dĂ©trempĂ©es, on
leur donne la forme quâon veut, & que
ces fondes font dâun cĂŽtĂ© allez plattes
& allez pointues, pour palfer dans lâin-
terllice des Dents mĂȘme les plus ferrĂ©es»
Leur pointe peut encore atteindre les
nerfs qui occupent les canaux des raciÂŹ
nes inférieures, & le coté oppofé qui
eft auffi fort menu vers ion extrémité».
peut dans certains cas, plus facilement
que toutes fortes de rugines, aller cherÂŹ
cher & joindre le nerf dans les racines
des Dents fupérieures.
Il faut pour la dellruéfion du nerf»
par rapport aux différens cas qui fe pré-
fentent, ĂȘtre pourvu de trois rugines ; la
premiĂšre faite dâune pointe fĂ©che, de
r ĂŻ 20 De VArt du DentijĂźe :
la groffeur dâune forte aiguille Ă coudr'Ă«
6 c fiiffifĂ mment dĂ©trempĂ©e pour quâé
tant flĂ©xible j elle sâaccommode Ă la for»
me du canal; la fécondé, dont la pointe
foit de la grolfeur dâune moyenne aiguilÂŹ
le j & la-.troifiérae encore plus fine. On
en aura par ce moyen, de proportionÂŹ
nées aux différens diamÚtres des canaux
oĂč elles doivent ĂȘtre portĂ©es.
La rugine peut encore fervir Ă cau-
ßérifer les Dents, lorfquâelles font trop;
fenfibles : on peut la faire rougir, &
la porter dans le canal feulement une
ou deux fois le plus avant quâil eflpof-
fible. Cette opération ne fera pas moins
douloureufe , mais la Dent fera plus
promptement guérie, en obfçrvant de
bien bourer le fond du canal dâun coton
imbibĂ© dâeffence, ou de quelque efprit.
Il ne faut pourtant pas fe figurer que
par ces opĂ©rations diffĂ©rentes, câeft-Ă -
dire ,avec le cautÚre ou la rugine en dé»
truilant le. nerf , on fe trouve guéri dans
le moment : affez fouvent au contraire *
il faut sâattendre Ă fouffrir pendant quelÂŹ
ques jours. De plus, la Dent, pendant
ce tems-lĂ , efl; ordinairement molle. &
douloureufe, fuivant que la membrane
Ve l'Art du Dentijle n, 12 f .
Ăź|ui- tapilfe les parois du canal & le cor-<
don vers lâextrĂ©mitĂ© de la racine ont Ă©tĂ©
plus ou moins tourmentĂ©s, ou quâils font
comprimés plus ou moins par le co
ton, ce qui les fait périr. Le période
qui recouvre lâalvĂ©ole & la racine sâenÂŹ
flamme & fe gonfle quelquefois au point
de produire une fluxion allez" vive : mais
fi le nerf a été totalement emporté par
la rugine, ou -brûlé par le cautÚre, le
Malade eft bien-tÎt guéri. Au relie , ces
accidens font plus ou moins confldéra-
bles , & la guérifon de la Dent plus ou
moins prochaine, fuivant les dilpoliâ.
lions dufujet.
Quand il y a quelque tems que les
Dents font mal, quâon y a fenti des Ă©lan-
cemens, & quâon a nĂ©gligĂ© .de recourir
au Dentifle, dĂšs que la rugine eft intro ÂŹ
duite, elle fait dâordinaire Ă©vacuer un
abfcĂšs qui fe trouve fqit dans le corÂŹ
don , foit dans le canal, & la matiĂšre de
cet abfcĂšs, eft fanguĂźnolente, lorfquâelle
nâeft pas aflez cuite. Mais auffi-tĂŽt que
le fluide eft forti, le Malade eft foulagé.
Si lâabfcĂšs eft bien formĂ©, le cordon
fe trouve alors ordinairement tout-Ă -fait
dĂ©truit ; mais sâil nây a quâun engorge.-..
Tome L t
De VArt du DentiJIe ;
rnent & un gonflement 3 on tache Ă l 5 inÂŁ
tant de le détruire 3 par le trépan ou par
le cautĂšre aĂ©tuel quâon infinue jufquâau
fond du canal. Il efl: rare alors quâon
foit obligĂ© dây retoucher de huit ou dix
jours 5 fl ce nâeft pour plomber la Dent,
aprĂšs en avoir ĂŽtĂ© le coton. LâĂ©vacuaÂŹ
tion du fluide 3 foit dans le canal 3 foit
dans les membranes du cordon 3 fe fait
beaucoup mieux avec la rugine que fai
dĂ©crite quâavec une aiguille Ă coudre
dĂ©trempĂ©e 3 ou avec un camion fans tĂȘte
quâon fait entrer avec une pince dans le
canal de lĂ racine 3 comme le confeilie
M. Fauchard.
La rugine à pointe féche, fert enco
re à trépaner une Dent ufée, qui fait
foupçonner quelque dépÎt dans le ca
nal, ou quelque embarras dans le corÂŹ
don. En tournant cet infiniment dans
les doigts 3 vers fon extrémité quarrée 3
fa pointe qui efl: enforme de trépan per-
foratif ou de foret , fe porte Ă lâendroit
oĂč le canal fe manifefle 3 par la couleur
qui le diflinguede la Dent. On parvient
ainfl promptement au canal 3 & on fait-
jour au fluide qui lâengorge ou qui sây
trouve Ă©panchĂ©; ce qui foulage Ă . lâinft
De l'Art du DentifĂźe. 123
tant le Malade. Cet infiniment convient
beaucoup mieux pour cĂȘtte opĂ©ration:* '
quâun foret montĂ© fur fbn chevalet, qui
par le moyen dâun archet * perce la
Dent ou le canal : opération embarra£
fante pour le D en tille , & effrayante
pour le Sujet. Ges fortes de rugines faiÂŹ
tes en trépan, font encore trÚs-comhao-
des pour faire une place aux tenons , *
câeft-Ă -dire , pour en aggrandir le caÂŹ
nal , & font préférables à VEquarrijfoir ,
gravĂ© dans lâOuvrage de M. Fauchard .
Tom. II. Planche 33.
Dans une brochure in-12. qui vient
de paroitre on trouve gravé un ïnïlru-
meftt , propre , dit-on 3 à trépaner les
Dents : mais il mâa paru peu utile parles
incoBvĂ©niens que jây ai remarquĂ©s. i°.
â ToutelâaĂ©lion de lâInftrument dĂ©pĂšnd
du Sujet qui lui donne plus eu moins.dé
force pour perforer la Dent Malade en
le mordant ou le ferrant avec la mĂąchoire
oppofée. Or, pour peu que la Dent foit
duuloureufe, & mĂȘme aĂŒ moindre agaÂŹ
cement que relfentira le Malade penÂŹ
dant lâaĂ©lion- de -PPnllmment-, ' je faille
Ă juger sâil continuera dâappuyer, &
dâen aider lâopĂ©ration. Pour qtrePinftru-
Tome L * L xj
J 24 De VArt du VentijĂźe,
ment pût opérer Ton effet, il faudroit
que toute fon aĂ©lion dĂ©pendĂźt de lâOpé
rateur & non des Malades, dont il ne faut
jamais rien attendre , & qui bien loin de
contribuer Ă fe faire le moindre mal,cherÂŹ
chent tant quâils peuvent Ă fe fouftraire
au mal le plus inévitable. 2°. On nous
dit que cet Infiniment efl defliné fur-
tout pour les Dents Molaires, parce que
tout autre infinimentfĂ©lon lâAuteur»
nâeft pas propre Ă trĂ©paner ces fortes de
Dents , vu la dureté de leur émail. On
ajoute, que par fon moyen lâĂ©mail & le
corps de là Dent Molaire font perforés
trĂšs-promptement. Mais comment un
DentĂźfle ne fçait-il pas quâon ne trĂ©pane
que des Dents ufées & détruites en par
tie par les Dents oppofées l Comment,
ignore-tâĂźl quâalors non-feulement lâé
mail de la Dent efl entiÚrement détruit,
mais que le corps mĂȘme de cette- Dent
eff tellement altéré, que- toute la dou
leur ne provient que du nerf qui fe trouÂŹ
ve'à . jour , ou qui efl irrité, foit par le
frottement, foit par quelque, autre caufe
extĂ©rieure dâou provient un abfcĂšs qui
Je trouve renfermé -dans le canal. Ainfl
quand il efl queflion de trépaner une
De VArt ùuDentiJle. 1±%
Dent 5 quelle quâelle fok , ou dâen ouÂŹ
vrir le canal pour donner iflue Ă lâhuÂŹ
meur qui produit les accidens. LâopĂ©raÂŹ
tion eft facile & dâautant plus prompte
que lâInftrument a fort peu de trajet Ă
faire pour parvenir dans le canal, lâen-
droit oĂč il faut opĂ©rer fe fait aifĂ©ment
appercevoir par la couleur différente
qui fe trouve fur le corps de la Dent
ufée, qui en cet endroit eft beaucoup
moins dur, enforte que la moindre ru-
gine fuffit fouvent pour lâopĂ©ration. Je
crois donc que lâInftrument en queftion
ne peut ĂȘtre dâaucun ufage pour perforer
les Dents.
Lorfque la Dent ne fait plus de mal ,
que le cordon en eft détruit , & que le
canal eft vuidé, il faut garnir exacte
ment la Dent avec des feuilles dâor ou
de plomb, & cette Dent fe confervera
nombre dâannĂ©es. Il arrive cependant
quelquefois que la Dent, quoique bien
plombée , devient douloureufÚ.
Câeft alors le pĂ©riofte quicaufe le mal,
& non le nerf qui nâexifte plus. Il fur-
vient mĂȘme affez fouvent la premiĂšre
année une fluxion plus ou moins con-'
fidérable, fuivant les difpofitions du Su-
Liij
Ăź 26 De lâArt du Dentifte.
jet, 6c qui fe termine ordinairement par
quelque petit- abfcĂšs dans la genoive 3
mais Ă la moindre iffue quâon donne Ă
la matiĂšre qui le forme, le malade fe
trouve guĂ©ri : il ne relie alors quâun
petit bouton filtuleux qui va 6 c vient »
mais qui nâa rien de dangereux, & on
eft quitte des douleurs de cette Dent,
Toutes les Dents dont on a détruit
le nerf font fujettĂšs Ă produire cet
effet : cependant iĂź-faut obferver que
quand, aprÚs la deflruélion des nerfs ,
il fe forme quelque petit dépÎt dans les
gencives , les Dents font alors ordinaiÂŹ
rement exemptes de fluxion , au moyen
du petit bouton rifluleux dont je viens
de parier.
Les perfonnes qui ne voudront pas
fe foumettre à la guérifon de leur Dent
par la voie de la rugine ou du cautĂšre,&
qui voudront sâen tenir Ă lâapplication
des effences, pour éviter certaines dou
leurs paflageres , courent rifque de sâen
préparer de trÚs-longues , fur-tout aux
Dents delĂ mĂąchoire fupĂ©rieure , oĂč par
leur polit ion lâeffence ne peut jamais pé
nĂ©trer affez profondĂ©ment. Il eft dâailÂŹ
leurs incertain de pouvoir les guérir par
De VArt du Dentifle. Ăź 2.*J
la fmpĂźe application du remede, parÂŹ
ce que le nerf eft quelquefois retiré
vers le fond du canal, & quâon ne peut
gueres compter fur F efficacité des effen*
ces, mĂȘme aux Dents de la mĂąchoire
inférieure, quoique leur pente naturelle
favorife lâaĂ©lion des liqueurs. En effet,
on voit affez fouvent quâaprĂšs avoir fait
ufĂ ge de ces effences pendant fix.mois
& mĂȘme des annĂ©es entiĂšres, il en faut
venir Ă J^extraĂ©Ăon des Dents. CepenÂŹ
dant, lbrfquâon peut gagner un tems fi
confidérable, on les conferve pour la
plupart, & on parvient Ă les plomber
fans douleur, foit que les nerfs ayent
Ă©tĂ© dĂ©truits-par lâeffence ou par la forÂŹ
ce du mal , & par les fluxions - quf
furviennent pendant lâapplication des
remedes & qui en gonflant le cordon le
font affez fouvent pĂ©rir,foit que lâhumeur
acide qui produit les douleurs ait ceffé
de fe porter aux parties nerveufes ou les
. ait détruites. Enfin,aprÚs avoir bien fouf-
fert &. avoir fupporté Je mal avec plus
ou moins de patience, on fe trouve in-
fenfiblement guéri ; mais il arrive quel
quefois , par les difpofitions du fujet, ou
par la grande aciditĂ© de lâhumeur, quâon.
âą2 2% De VArt du Dentifte.
Úft forcé par la violence du mal de
crifier la Dent. Il faut cependant obfĂšr-
ver que les eflfences & toutes les liÂŹ
queurs fpiritueufes étant réfolutives,dans
Ăźe cas dâinflammation & dâengorgement
du cordon , elles peuvent les réfoudre &
les difĂźlper ; ce qui foulage le malade
pour quelques momens. De plus, les ef-
fences font un peu caufliques & deffi-
catives> en forte que fi le nerf efl: dĂ©jĂ
entamé Cnt-excorié, foit par la rugine,
foit autrement, elles peuvent mordre
davantage, 8c le détruire plus prompte
ment.' Mais il faut que le malade foit
patient, & puiffe fupporter les douleurs
trĂšs-vives que fait quelquefois le nerf,
avant que de périr & en périmant.
Si les elTences par elles-mĂȘmes ne
font pas fort efficaces pour la deflruc-
tion des nerfs, il faut avouer auffi que
lâopĂ©ration de la rugine & celle du
cautere ne réuffiffent pas toujours. On
fçait- que chaque racine a fon nerf, 8 c
quâils viennent tous fe rĂ©unir par deflus
la voûte de la Dent pour fÚ diftrßbuer
dans fa fubflance, de façon quâil peut
affez fouvent ne sâen trouver quâun Ă
découvert. Or les inflrumens non plus
De VĂrt du Beiitijle. 12p
que les eflences ne pouvant agir que fur
le plus apparent des nerfs & ne faifant
quâirriter les autres , la Dent refte long-*
tems fenfibie, & devient enfin fi douloĂč-
reufĂš que, pour ĂȘtre guĂ©ri radicalement,
il faut quelquefois en venir Ă lâextraĂ©lion.
Câefl la mĂȘme chofe quand le nerf eft
irritĂ©, foit par la carie , ou par lâhuÂŹ
meur qui corrode &mine la Dent, foit
par le féjour de quelques alimens , par
celui du limon ou de la falive qui sây
porte , ou par lâair qui frappe la partie
dĂ©couverte , foit enfin par lâhumeur
acide qui pĂ©nĂ©tre jufquâau cordon, &
qui pique fĂšs parties nerveufĂšs. Toutes
ces caufes qui produifent de vives douÂŹ
leurs , rendent la deftruéiion des nerfs
difficile & quelquefois impratiquable J
ce qui oblige dâĂŽter la Dent pour tran-
quillifer le Malade. Cependant, fi cette
Dent nâefl pas tout-Ă -fait gĂątĂ©e, & fi elle
peut tenir le plomb, il faut la confĂšr-
ver, tant pour la maflication qui efl
une fonĂ©ĂŒon effentielle, que pour emÂŹ
pĂȘcher les joues de creufer, & prĂ©venir
la perte des Dents de devant. Car, lorf-
quâon eft privĂ© des Molaires, le choc
des Dents de la mùchoire inférieure fur
r l%0 De VArt du Dentijle.
celles dâen-haut, fait quâelles sâĂ©branÂŹ
lent rĂ©ciproquement, & quâelles sâu-
fent les unes les autres. En général, on
ne peut trop sâattacher Ă chercher tous
les moyens pofĂźibles dâĂ©viter lâextrac^
tion des Dents, quelles quâelles foient ,
& en quelque Ă©tat quâelles fe trouvent.
Si la Dent gùtée eft une Dent de devant, :
il faut toujours la conferver, en détrui-
fant les parties nerveufes par tĂŽus les
moyens dont on a parlé.
Lorfquâune ĂŻncifĂźve ou une Canine eft
tellement gĂątĂ©e quâelle en eft noire &
difforme ,fion eft forcĂ© de lâĂŽter par la
feule douleur quâelle produit, fans auÂŹ
cune autre maladie Ă la gencive ou Ă
lâalvĂ©ole, il faut au moins mĂ©nager lĂ
racine pour y ajufler une Dent Ă tenon.
On doit faire la mĂȘme chofe, lorfquâĂŻl '
relie une racine dont la Dent s J efl déta
chĂ©e j foit par lâeffet de la carie, foit par
quelque chute ou autre accident.
On voit affez fbuvent, comme je lâaĂź
dit, quâaprĂšs une fluxion violente & un
dépÎt dans la gencive, produit par une
Dent gùtée, aufli-tÎt que la matiÚre eft
évacuée, la Dent ne fait plus aucun mal,
mais devient de fois Ă autre un peu mol-
De VArt du VentifĂźe. 13 JH
ĂŻe, un peu douloureufe, ce qui ne dure
pas long-tems, & mĂȘme allez fouvent
nâempĂȘche point de manger fur cette
Dent ou fur fa racine. Dans ce cas , il
faut retrancher avec fa rugine & avec la
lime, la portion de la Dent ou de la raÂŹ
cine qui efl affeélée, la féparer de la
Dent voifine quâelle gĂąteroit infaillibleÂŹ
ment , & la bien plomber. Bien des per-
fonnes qui ont eu plufieurs Dents caf-
fées, en ont confervé les racines qui
leur rendent de bons fervices , & pref-
que autant que les Dents. Il ne faudrcĂźt
donc ĂŽter ces racines que quand elles
font devenues trop douloureufĂšs. Or >
en ce cas, quand une perfonne veut fe
faire ĂŽter des Dents, ou feulement des
racines, parce quâelles ne font point
dans fa bouche un effet allez agréable >
ou dans la crainte quâelles nâen gĂątent
dâautres, le Dentifte doit lui reprĂ©-
fenter le tort quâelle peut fe faire, atÂŹ
tendu quâil y a des moyens pour empĂȘÂŹ
cher que les racines ou les Dents gùtées
nâaffecient leurs voifĂźnes; outre quâil y
a certaines Dents gùtées & certaines ra-
cines,dont cet effet nâefl point Ă craindre*
Enfin , il faut quâun bon Dentifte
ĂŻ 32 De V ArfrĂ u DentifĂźe.
ĂźiâĂŽte les Dents que dans le cas oĂč leur-f
extra&ion eft abfolument nécefßaire , Sc '
aprĂšs avoir mis en ufage tous les reme-
des différens, toutes les opérations qui
peuvent en procurer la confervation.
Quand jâai infiftĂ© fur lâimportance quâĂŒ
Ăż a de conferver les Molaires, on doit,
Ă plus forte raifon, fentir combien il efl
utile de conferver les Dents de devant.'
Ainfi je puis me- diipenfer de mâarrĂȘter
Ă celles-ci.
Câefi ici lâendroit de placer le dĂ©tail
de lâopĂ©ration que jâai trouvĂ© la plus sû
re , la plus facile & la ' plus prompte y
pour détruire les nerfs des Dents. Je pu
bliai il y a quelques années, dans une
lettre, un Précis de cette méthode , que
je me réfervois de développer dans un
Ouvrage plus étendu. Je vais remplir
mon engagement, & décrire mon pro-*-
cédé, de maniéré que tout Dentifte fera
en Ă©tat de lâexĂ©cuter avec autant de
fuccĂšs que je le pratique moi-mĂȘme.
De VArt du DentijĂźe. . 1 5 J
§. IV.
Rupture des parties herveufespar la luxaÂŹ
tion de la Dent .
Tl YAplufieurschofes Ă obferverpour
JL réuffir dans la rupture des parties ner-
veufes.
Il faut reconnoĂźtre dâabord, fi les douÂŹ
leurs que la Dent caufe au malade proÂŹ
viennent des nerfs qui occupent les caÂŹ
naux dentaires, comme quand ces nerfs
fe trouvent Ă dĂ©couvert par lâeffet de la
carie , ou par quelque éclat confidéra-
ble de la Dent, ou lorfquâils font irritĂ©s
par le frottement de la Dent oppofée
. qui aura détruit une partie du corps de
la Dent malade ou fi , fans que cette
Dent foit gùtée, ufee, ni relùchée, le
mal ne vient pas de lâengorgement ou
de lâirritation qui fe fait quelquefois dans
le cordon. Car fi la douleur nâeft proÂŹ
duite que par le période, comme il ar
rive afiez fouvent, lâopĂ©ration que je
propofe, au lieu de fbulager le malade ,
pourrait augmenter le mal. Pour ne
ri 34 DĂŠ l'^rt du Dentijlk
point tomber dans aucune méprife, voi
ci les lignes difFérens qui feront diftin-
guer les cas oĂč lâopĂ©ration eft prati-
quable.
i°. Lorfquâune Dent gĂątĂ©e fait du
mal, li lâimprefiion du froid & du chaud
la rend plus fenlible, li lâair qui sây inÂŹ
troduit ou la fonde portée dans le canal
augmente la douleur, il nây a point alors
Ă douter que quelque cordon de nerfs
qui entre dans la Dent ne 'foit à décou
vert ; & dans ce cas, lâopĂ©ration ne peut
manquer de réuflir. 2 °. Lorfque le nerf
étant découvert & douloureux, la Dent
fe trouve en mĂȘme-tems relĂąchĂ©e, &
efl: fort fenlible en la touchant , ou
dans la rencontre des Dents de la
mĂąchoire oppofĂ©e, câelf que le nerf a
communiqué là fenllbilité au période ex
terne qui revĂȘt la racine, 8c que lâun &
lâautre (le pĂ©riode 8c le nerf) font gonÂŹ
flĂ©s , enflammĂ©s, & quelquefois mĂȘme
prĂȘts Ă fuppurĂ©r. LâopĂ©ration alors doit
le diffĂ©rer jufquâĂ ce que cet accident
foit palfé, 8c que la Dent foit devenue
folide. On employé pour cet effet la fai-
gnée, 8c les autres remedes qui nous
Ibnt connus. Si, aprÚs la faignée 8c les
De VArt du Deiitifle. i% f
autres moyens, le malade continuant Ă
fouffrir ne vouloitpas en attendre lâefÂŹ
fet , ou fi le Dentifte expérimenté pré
voit que la douleur fe terminera par
quelque dépÎt confidérable, il faut, pré
férablement à notre opération, Îter la
Dent fans différer. On doit aufßi fe bien
garder de faire cette opération quand
le Malade a une fluxion confidérable »
dont il ne veut paslaifler pafferle cours :
le plus prompt remede en ce cas eft dâĂŽ-
ter la Dent. Au relie,tout ceci nâarrive-
roit point, fi lâopĂ©ration avoit Ă©tĂ© faite
Ă tems, câeft-Ă -dire , avant que le nerf
eût tranfmis le mal aux parties de la
Dent les plus éloignées. Je crois avoir
dit quâil y a des fluxions qui dĂ©truifent
le cordon nerveux; eâefi encore un cas
oĂč lâon efi difpenfĂ© de lâopĂ©ration.
3°. Si une Dent gùtée, mais infÚnfß-
ble au froid & au chaud, & mĂȘme Ă
lâimprefĂźion de la fonde, devient dou-
loureufe, ( ce qui arrive parce quâelle efi
plus ou moins relùchée, ou molle, &
fenfible dans la rencontre de la Dent
cppofee ), lâopĂ©ration ne doit point ĂȘtre
mifĂš en ufage. Câefi ici quelquefois le
cas dâune Dent fort gĂątĂ©e, ou de csr-
De VArt du Dmtijle.
taines racines qui ne peuvent tenir lé
plomb. Comme ordinairement le corÂŹ
don nerveux sây trouve dĂ©truit, lesdou<
leurs ne font produites alors que par le
gonflement du pĂ©riofte,-ou par lâhuÂŹ
meur acide qui fĂš portoit au cordon, &
qui maintenant fe porte en cet endroit.
Ainfi la luxation de cette Dent feroit
non-feulement inutile, mais mĂȘme nuir
lible.
4 °. Dans le cas oĂč lâopĂ©ration peut
avoir lieu, fi la Dent eft tellement minÂŹ
ce & rongée par la carie, que le plomb
ne puilfe ,pas tenir, il vaut beaucoup
mieux lâoter tout dâun coup , parce que^
les Dents qui ont été trop maltraitées de
Ăźa carie, & qui ne peuvent garderie
plomb, fe minent toujours de plus en
plus , enforte quâon ne tarde pas a les
perdre. La feule raifon quâon pourroit
avoir pour conferver une Dent en cet
Ă©tat, ie'roit dâen mĂ©nager la racine pour
fervir de bafe Ă une Dent poftiche.
y 0 . Il faut, avant que dâopĂ©rer, confi-
âdĂ©rer encore ^fi la Dent eft allez folide,
& fi les parties qui la foutiennent ne font
point trop appauvries. Si cette Dent fe
prouve gùtée dans une de fes parties la
térales §
Ue VArt du Dentifle. Y37
ĂŻĂ©faĂźes, il faut, fuivant lâexigence du cas,
la féparer par les moyens convenables.Si-
la Denpnâeft point ou nâefl que trĂšs-peu
fenfible Ă la fonde, ce qui arrive quand
les nerfs font retirés dans le canal vers
lâextrĂ©mitĂ© de la racine, il vaut mieux la
plomber avant quâĂ prĂ«s lâopĂ©ration.
Sâil sâagit de luxer une groife MolaiÂŹ
re de la mùchoire fupérieure, & que le
nerf dâune de fĂ©s racines du cĂŽtĂ© de la-
joue foit Ă dĂ©couvert, ce quâon peutre-
connoßtre aifément tant par le progrÚs-
de la carie, que par lâindication de la
fonde, qui, engagée dans le canal dont:
on fçait à peu prÚs ßa route , ne manque
ra pas de piquer ce nerf, sâil nây eft pas:
trop enfoncé, il faut faire pour ce nerf,,
ainfi dirige, la lĂŒxation plus confĂźdĂ©raâ
file quâon ne la feroit pour celui qu?
occupe le canal de la racine vers le pa-r
lĂ isi
Les petites Molaires ont quelquefois'
deux racines, lâune vers le palais , lâauÂŹ
tre vers la jouĂ©.'CâĂ«ft pourquoi on doit*:
faire la luxation plus forte , fi lâon reâ
connoĂźt quâil y ait deux canaux, & que 1
le nerf foit à découvert à la racine du;
cÎté de la joue. On fera trÚs-rarement;
Taras, I,. JVL
138 De VArt du Dentijle.
obligé de faire cette opération fur les
Canines fupĂ©rieures, fi lâon fe fert des
moyens que fai propofés pour détruire
le nerf, tant Ă ces Dents quâaux Incifi-
ves, avec la rugine ou le cautĂšre. Mais
Il lâon veut opĂ©rer fur ces Dents, comÂŹ
me elles nâont quâune racine, la luxation,
fera moins conlßdérable.
Quant aux groffes Molaires de la mù
choire inférieure, comme elles ont deux
racines applaties, & ( comme je lâai fait
obferver ) difpofées de maniéré que
chaque racine, fur-tout la racine anté
rieure , donne quelquefois paflfage Ă deux
nerfs, dont lâun y entre Ă fon extrĂ©mitĂ©
vers la joue, & lâautre du cĂŽtĂ© oppofĂ© ,
il faut re'connoĂźtre la place du nerf, &
déplacer fuffifamment la Dent pour le
rompre. Les petites Molaires de la mĂȘÂŹ
me mĂąchoire, nâont quâune racine fort
arrondie & pointue, ce qui les rend fort
faciles à Îter ou à déplacer. Or, quand
Il sâagit de les luxer, il ne faut pas un
grand effort pour en rompre le nerf. PaÂŹ
reillement , quand il eft queftion de les
ĂŽter pour les remettre, lâopĂ©ration orÂŹ
dinairement eft trĂšs-facile ĂŽc peu douf
loureufe.
De VArt du Dentifte .. 139
Les Canines inférieures qui fe gùtent
affez rarement, mais plus fouvent que
lesIncilives, demandent dans cette opé
ration un déplacement un peu plus con-
fidĂ©rable quâon nâen fait pour les petites
Molaires, vu la forme de leur racine qui
fe trouve mĂȘme quelquefois Ă Ion extré
mité partagée en deux.Enfin,ßi faut luxer
la Dent plus ou moins, fuivant fa nature
& la difpofition des parties nerveufes
qui produifent le mal , pour en opérer la
rupture Ă lâextrĂ©mitĂ© des racines, quâon
oblige ainli de changer de place, ou de
sâĂ©loigner plus ou moins au fond de lâalÂŹ
vĂ©ole. Et pour sâalfurer de la rupture dit
nerf, il vaut mieux faire 1a. luxation in-
complette plus forte, que de la faire
trop foible.
LâopĂ©ration queje propofe fe fait parle
moyen du pĂ©lican, comme sâil sâagiffoit
dâĂŽter la Dent malade, Ă» ce nâeft que
cette Dent ne doit ĂȘtre renverfĂ©e quâen
partie, & par conféquent à demi-tirée de
lâalvĂ©ole, ce qui forme unĂ© luxation in-
complette. AuffĂź-tĂŽt quâon a dĂ©placĂ© la
Dent, on la ramene dans fa lituation naÂŹ
turelle , avec lâindex de la main oppo-
fĂ©e Ă celle qui tient lâinftrument : lâopĂ©-
M
's 40 De lâArt du DentiJIe:
ration efl faite en deux fécondés, & pï us
promptement que lâextraĂ©tion meme dâuÂŹ
ne Dent. Il faut alors examiner,fi la Dent
remife Ă fa place conferve quelque tenÂŹ
dance vers lâendroit oĂč elle vient dâĂȘtre
luxée, comme il arrive quelquefois, par
ce que lâalvĂ©ole qui a fouffert un Ă©carteÂŹ
ment de ce cÎté-là a perdu pour le mo
ment fon r effort r ce qui fait que dans lĂ
rencontre de la Dent oppofee Ă celle-
ci , les éminences & les cavités des deux;
Dents ne sâenclavent plus comme aupaÂŹ
ravant les unes dans les autres ; dâoĂč il
sâenfuit que la Dent luxĂ©e gĂȘne dans lĂ
maftication, &peut caufer quelque douÂŹ
leur. Il y a plus,pour peu que. cette
Dent conferve- de pente a fe porter dĂŒ
cĂŽtĂ© de la joue oĂč la luxation sâeft faite ,â,
elle laide de lâautre cĂŽtĂ©, entre fa raciÂŹ
ne & lâalvĂ©ole, un vufde qui lâempĂȘche
de sâaffermir parfaitement. Car le pé
riode & les vaßïfeaux du collet étant
de ce..cÎté-là défunis de la racine, fila
Dent fÚ trouve alors éloignée tant de
lâalvĂ©ole que de la gencive, les vaif-
feaux de celle-ci ne sâattacheront point
ou ne fĂš rĂ©uniront quâimparfaitementau
ooljet., parce quâils nâen font pas afĂźes.
De FJ'rt du Denttjte. t^T
prĂšs pour sây attacher. Il en efi de mĂȘÂŹ
me du pĂ©riode, quand la racine nâeffc
pas exactement adhĂ©rente Ă . lâaivĂ©olĂȘ.
Tous ces petits inconvéniens font iné
vitables dans lâopĂ©ration, mais on y reÂŹ
mĂ©die aifĂ©ment. II. ne faut quâavoir lâatÂŹ
tention de pouffer pendant le jour avec
le doigt j dâinflant en inffant, la Dentr
luxée du fens contraire à fà pente, & de:
Py maintenir quelque tems^pendant que
P on fait mordre au fujet un mĂŽrceau de
liĂšge : on lui fait perdre par ce moyen :
cette penteincommode.Quand lesĂŒents:
voĂŻfĂźnes fubfifĂźent, pour empĂȘcher cetÂŹ
te tendance , il vaut encore mieux fefer-
vir dâun fil. Câeft-lĂ le cas. de lâemployer ,
non aux Dents totalement Îtées &re-
mĂŻfes j- comme lâa fauffement prĂ©tendu
le mauvais Critique de ma. Lettre. On
prend pour cet effet un fil affez fin ; on
enpaffeun boutdâun cĂŽtĂ© entre les deux
Dents les plus voifines ; lâautre bout, oui
celui qui fÚ trouve du cÎté de la joue 5
fe paffe auffi tout de fuite du cÎté op-
pofé entre les Dents l'es plus proches de
la Dent malade, & les deux bouts qur
font alors en-dedans de la bouche , on
Ăźes. fait repaffer & fortir en-dehors- dĂ»
ĂŻ4 2 De Pdrt du DentlfĂźe.
cÎté de la joue. Chaque bout de fil en-
toure de chaque cÎté la Dent voifine j
enfuite on réunit & on noue les deux
bouts du fil fur la Dent malade, Ă la face
externe vers la joue, oĂč la Dent fetrouÂŹ
ve un peu inclinée, & la face oppofée
fe trouve en liberté. Le fil appliqué de
cette façon la retient dans fa direéfion.
naturelle, & facilite la réunion, tant de
la gencive au collet de la Dent, que
du pĂ©riode Ă lâalvĂ©ole & Ă la racine. St
la Dent quâon a luxĂ©e nâa pu ĂȘtre plomÂŹ
bĂ©e avant lâopĂ©ration, elle peut lâĂȘtre
aprĂšs, & avec dâautant plus de faciliÂŹ
tĂ© quâelle efl maintenant infenfible. Le
mieux cependant efl: dâattendre quâelle
foitbien confolidée. Mais il faut tou
jours, aprĂšs lâopĂ©ration, faire mordre*
comme jâai dit, un morceau de liĂšge y
quâon met de tems en tems pendant 24
heures fous la Dent luxĂ©e, & quâon ferÂŹ
re peu chaque fois, mais de plus en plus
fucceffivement. En mĂȘme-tems quâon
mord le liĂšge, il efl: bon aufli de tenir
dans fa bouche, du cÎté malade, quel
que eau aftringente, ou, à Ton défaut,
de bonne eau-de-vie. Si ces eaux emÂŹ
ployĂ©es pures, parce quâelles- font alors
De VArt du DentifĂŻe. 'iqf
plus dâeffet, paroiffent trop fortes, on
pourra les corriger avec un peu dâeau;
tiĂšde. Le lendemain de lâopĂ©ration, il
faut dter le fil, & ne plus mordre de liڏ
ge , mais continuer feulement dâufer
trois ou quatre fois le jour de quelÂŹ
quâune des eaux que jâindique, jufquâĂ
ce que la Dent foit folide. Alors il fuf~
fĂŻra dâen employer un peu les matins »
avant que de fe nettoyer la bouche. En
ceffant lâufage du morceau de liĂšge, il
faut à chaque repas, aprÚs avoir broyé
les alimens du cÎté fain, les promener»
& en achever la trituration du cÎté ma
lade. Il nây aura que le premier moment
qui foit douloureux ; car Ă mefure quâon
mangera, la Dent fe trouvera beaucoup;
moins fenfible. Cette derniere attention
eft trÚs-néceffaire, parce que la préfen-,
ce des alimens fait une légÚre compref-
lĂźon, tant aux gencives quâau pĂ©riode
& Ă lâalvĂ©ole, & que cette comprefĂźion
chafle le fluide qui peut sây trouver arÂŹ
rĂȘtĂ©; la Dent devient ainfĂź plutĂŽt in-
fenfible, &plus promptement raffermie »
ce qui la met en peu de jours en état
de bien brifer & de bien moudre les
alimens folides.
14 4 DeVdrt du Dentijfe:
Avant que dâĂ©tablir ici les avantage!
de la luxation , voyons fi elle a quelques
ßnconvéniensy & commençons -par éx-
pofer de bonne foi ce quâune pratique
de plufieurs annĂ©es-mâa mis-' Ă portĂ©e de
connoxtre.
Je nâai vu quâun feuf accident fur-
venir aprÚs cette opération à certaines
perfonnes , & if nâeft prefque jamais
confidĂ©rable. Câefi . une petite fluxion
quâon efĂźĂŒye quelquefois plus ou moins
de tems , aprĂšs que la Dent eft rafler--
mie ; mais je puis affirmer que fur le
nombre de plus de fix cens perfonnes Ă
qui jâai luxĂ© des Dents , il nâefi furvenu
de fluxion un peu forte quelques mois
aprĂšs quâĂ deux perfonnes feulement ;
que ces fluxions ont fini par un petit
dĂ©pĂŽt qui sâefl: difĂźipĂ© aufli-tĂŽt que la
matiĂšre a eu jour , 8 c que depuis ces
deux perfonnes ont confervé leurs Dents
faines, fans éprouver la moindre dou
leur. Or on peut attribuer ces fluxions
Ă la difpofitioh des fujets } câeft-Ă -dire i
à une trop grande pléthore , ou à quel
que autre caufe purement interne. Ces
petites fluxions ordinairement nâihtĂ©-
reffent que le période commun à la ra-
Del 9 Art du DentĂźjĂźe. 145'
clne de h: Dent 8 c Ă lâalvĂ©ole,' ce qui
rend, pendant deux ou trois jours la
Dent molle 8 c douloureufe au toucher,
tellement quâon ne peut manger delfus.
On fait promptement pafler ces forÂŹ
tes de fluxions Ă force dâeau ou de lait
tiede ; & fi par hazard elles devenoient
opiniùtres, comme il efi arrivé à mes
deux malades, il faudroĂźt en arrĂȘter le
-cours tant par la faignée & les lave-
mens , que par les cataplafinĂȘs conÂŹ
venables.
Mais pour un petit nombre de per-
fonnes dont les Dents aprĂšs la luxation
font devenues molles 8 c douloureufes
âpendant quelques jours , combien en
eft-il qui nây ont p'as reifenti la, plus
légÚre altération ? Toutes les personnes
qui obferveront de manger habituelleÂŹ
ment fur une Dent luxée, quand elle
fera devenue capable de les fonélions
ordinaires, ( ce qui ne manque point
dâarriver au bout de quelques jours ) &
qui avec cela auront foin de fe laver le
matin la bouche avec quelque eau afi*
tringente ou de lâeau de vie, Ă©viteront
prefque toujours ces petits accidens pafi
légers. Il ne faut point fe figurer que ce
l 'oms h E " - '
r t4f& De V Art du DentijĂŻe ;
foit le nerf, qui, en reprenant, les proi
duit. Ils proviennent du période , foit
quâil fe trouve irritĂ© par lâhumeur acide
qui auparavant fe portoit au cordon
rompu, foit quâil y ait un engorgement
caufépar la trop grande pléthore. Quoi
quâil en foit, il efl certain que, quand ces
petits accidens font celfĂ©s, on nâen doit
plus craindre le retour, parce quâil fe
forme Ă la gencive, une elpĂšce de bulÂŹ
be ou de petit bouton qui paroĂźt & dit-
paroĂźt de tems entems, aprĂšs avoir laiÂŁ
fé échapper un fluide plus ou moins fé-
reux, & quâon peut ici regarder comÂŹ
me un cautĂšre naturel. Comme ce bouÂŹ
ton nâa rien de dangereux, quâil nâattire
aucune incommoditĂ©, & quâil nâefl mĂȘÂŹ
me un peu douloureux que quand il eft
rempli du fluide, ne feroit-ce point le
-fuperfĂŻu du fuc nourricier de la Dent
qui fe fait jour par-lĂ ? Ce fuc, avant la
deflruélion du cordon nerveux, fÚ p or-
toit dans le corps de la Dent, mais mainÂŹ
tenant elle nâefl plus nourrie que par le
périofle du cÎté des racines; il faut donc
quâil reflue quelque part. AprĂšs tout,'
les mĂȘmes mconvĂ©nĂźens quifuivent quelÂŹ
quefois nÎtre opération, font prefque in-
De T Art du DentĂŻjle.
feparables de celles quâon fait pour dé
truire les nerfs, foit par les elfences, foit
par le cautĂšre 3 foit par la rugine. Il arÂŹ
rive aflfezfouvent, quâaprĂšs ces diffĂ©renÂŹ
tes opérations, on effuye une fluxion
que la difpofition du mjet rend plus
ou moins confldérable 3 8 c qui, comme
je lâai fait voir 3 fe termine par un paÂŹ
reil bouton aux gencives. Quant Ă lâidĂ©e
quâon pourroit avoir que la luxation eft:
capable de fuites encore plus fĂącheufes 3
comme dépÎt 3 finus fiftuleux & autres
inconvéniens de ce genre 3 rien de tout
cela nâeft abfolument Ă craindre 3 8 c lĂ©
grand nombre dâexpĂ©riences que jâai faiÂŹ
tes avec fuccĂšs 3 juftifie lâinnocence de
lâopĂ©ration. Paffons maintenant Ă fes.
avantages.
LâopĂ©ration du dĂ©placement 3 8 c du
replacement dâune Dent, ne dure 3 comÂŹ
me jâaidĂ©ja dit 3 que deux fĂ©condĂ©s. LâexÂŹ
traction eft Ă peu prĂšs aufli prompte 3 mais
elle eft certainement bien plus doulou-
reufe 3 fur-tout quand lâalvĂ©ole fe trouÂŹ
ve enchylofĂ© avec la racine 3 par lâofli-
fication du périofte qui leur eft com
mun 3 ou lorfque çet alvéole fe fraélure
par lâĂ©cartement quâil eft forcĂ© de fouf-
&j$ De VĂrt du 'ĂentifĂźe.
frir pour donner paffage aux racines , cĂš
qui fait quâon emporte affez fouvent une
portion de lâaiviole attachĂ©e Ă la racine
de la Dent. Mais quand lâextraction dâuÂŹ
ne Dent nâauroit jamais de fĂącheufes fuiÂŹ
tes , & que tout fe borneroit au mal acÂŹ
tuel qui nâed que trop vif 5 les Dents
voilines sâen reflentent toujours un peu.
Quelquefois mĂȘme la gencive ed dĂ©chiÂŹ
rée par quelque mouvement dont le
iujet nâed pas maĂźtre, & que la douleur
lui fait faire au milieu de lâopĂ©ration.
Dâailleurs, lâabfençe. de cette Dent.af-
foiblit-nĂ©ceirairement les. voilines quâelle
foutenoity ainfi : quâelle en Ă©toit foĂŒte-
nue. Si dans le déplacement. de la Dent
lâalveole fe trouve endhyloleyoufeifac?
lure, comme cela peut arrivery quand
il oftre trop de rĂ©ddence:*. 6c quâil faut
employer ' beaucoup de force pour en
faire la luxation ? alors la portion fraélu-
rĂ©e nâeft pas du moins. totalement. fĂ©pa-
née; du corps de. f alvéole o.u du fmojhS
elle re.de attachée à ht genciy.Ú par le
pĂ©riode extĂ©rieur. AinjĂź j iorfquâelle ed
rapprochée de la malfe 3 dont elle fait
De l'Art du Dentijie.
fiion sâen fera promptement par le
moyen du cal, comme fe fait celle de
tous les os; ce qui rendra mĂȘme la Dent
encore plus folide quâelle nâĂ©toit avant
lâopĂ©ration, comme .je Fai remarquĂ©
-plusieurs fois.
Il eft facile de comprendre que la lu*
xation dâune Dent eft moins doalou*
reufeque fon extraction. Car, pour oter
une Dent, il ne iuffit pas fort fouvent
dâun faul outil , ce qui multiplie le traÂŹ
vail : on achevé ordinairement de la dé
tacher avec le davier, ou avec la pince
droite, pour éviter un plus grand dé
labrement , tel quâil en peut arriver
.quand toute lâopĂ©ration le fait avec le
feul pĂ©lican& quâavec les doigts on
finit de détacher la Dent de la gencive*
-Il eft vrai que lâopĂ©ration eft plus courÂŹ
te de cette maniĂ©rĂ©, quâen y joignant
le davier; mais lorfquâune Dent eftcaf-
fante ou trop tenace, on rifque avec le
davier de nâen emporter que le corps,
en y laiftant les racines.
Dans la luxation des Dents, on nâa
point dâhĂ©morragie Ă craindre ( comme
Il en furvient quelquefois aprĂšs quâune
N iij
! yo De lâArt du DentijĂźe.
Dent eft ĂŽtĂ©e *), parce que lâouverture
de lâartĂšre eft bouchĂ©e par la prĂ©fence
de la Dent. La gencive refte suffi bien
entiÚre fans le moindre délabrement.
De plus, la prompte réunion des parties
offeufes, fait que les Dents voifines, au-
lieu dâen fouffrir, en acquiĂ©rent plus de
foliditĂ©. Enfin, dans lâextirpation dâune
Dent, fuppofĂ© quâelle nefoit pas adhé
rente , & quâelle fe dĂ©tache fans peine
2 e la gencive avec le doigt , comme en
efïÚt le cas eft fort ordinaire, notre opé-'
ration eft encore plus fimple, &par con-
féquent fait moins de mal. Et compte-.
.t-on pour rien la perte dâune Dent, cette
perte irréparable à plufieurs égards, Sc
cjui intéreffe toujours plus ou moins la
conftitution? On fe retranchera peut-
ĂȘtre fur lâincommoditĂ© quâon fe reprĂ©-
fente, Ă garder pendant quelques jours
une Dent foible & douloureufĂš , que la
rencontre de la mùchoire oppofée & la
*Nota. Une hĂ©morragie fiirvenue danslâex-
iraĂ©tion dâune Dent, nâembarrafTe point un
Dentifle : il y remédie facilement. Je place
rai ailleurs quelques ObfĂšrvations afTez ÂŁs-
guliéres fur cet accident.
De tArt du Denti/ie* Ăźf f
lléceffité de manger deffus, rendront en
core plus fenfible. Mais jâai indiquĂ© les
moyens de diminuer & dâabrĂ©ger les
douleurs. Elles font dâailleurs fort peu
de choie, en comparaifon de celles
quâentraĂźne quelquefois lâextraĂ©tion dâuÂŹ
ne Dent, comme ces fluxions qui proÂŹ
viennent du délabrement des gencives »
inévitable à certaines Dents par les rai-
fons que jâai marquĂ©es.
A lâĂ©gard de la petite gĂȘne que fait-
fubir une Dent luxée, eft-elle compara
ble à celle que caufe une Dent arrachée ?
On fçait que pendant plus de ï y jours ÿ
il nâeft guĂšre poffible de manger, fans
quelque douleur, du cÎté de la Dent
quâ on a per due ; quâaffez louvent la genÂŹ
cive relie aulfi quelque tems douloureu-
fe ; que la langue fe trouve gĂȘnĂ©e &nâo-
fe prefque approcher du trou de la Dent ;
enfin que le fuintement ou la fuppura-
tion qui fe fait jufquâĂ ce que la gencive^
fbit cicatrifée, laiflÚ dans la bouche un
goût délà gréable. Voilà des incommo
dités dont la luxation eft exempte, 6 c
elle a encore dâautres avantages.
Cette opĂ©ration peut-ĂȘtre pratiquĂ©e
dans tous les cas oĂč il elt polfible dâĂŽten'
Niv
I y2 De V Art du DentijĂźe.
une Dent, & avec les précautions que
jâai recommandĂ©es , le fuccĂšs en efl: inÂŹ
faillible. Il nâen efl; pas de mĂȘme des
eflences & des. autres palliatifs. AprĂšs
en avoir fait un long ufage, on efl quelÂŹ
quefois obligé de finir par- facrifier la
Dent. Tous ceux Ă qui jâai luxĂ© des
Dents , en ont au contraire éprouvé de
trĂšs-prompts effets, & ont obtenu une
parfaite guĂ©rifon. On sâapperçoit fenfi-
blement du fuccĂšs de lâopĂ©ration : plus
on foufffe avant que de sây rĂ©foudre,
plus on le trouve calme aprĂšs quâelle efl:
faite , & aucune des caufes internes ou
externes qui pouvoient y produire haÂŹ
bituellement les douleurs que reffentoit
le Malade, nây font plus la moindre fĂ©n-
fation. A toutes ces confidér'ations qui
doivent faire, Ă ce quâil me femble,
quelque impreflĂźon fur les perfonnesqui
connoilfent le prix des Dents, & de
quelle importance leur confervation efl:
pour la lĂ ntĂ©, ajoutons lâargument vulÂŹ
gaire, qui détermine ordinairement ceux
qui font foiblement touchés des autres.
Lorfque tous les autres remedes ont
Ă©tĂ© tentĂ©s lans fiiccĂšs, & quâennn la douÂŹ
leur rĂ©duit le Malade Ă confentir Ă lâex-r
BzV ArtĂ u DentĂŻjle. iff
tirpation de fa Dent, que rifque-t-on
dâen venir Ă la luxation ? puifque cette
opération efl du moins auffi prompte 8c
certainement bien moins douloureufe.
Il y a cent contre un Ă parier, quâon feÂŹ
ra guĂ©ri radicalement, & jâofe affurer
que ni le Mercure ni le Quinquina , ne
font pas à beaucoup prÚs fi sûrs pour la
guérifon des maladies dans lesquelles
on les employé.:
Il y a plus : fiippofons que par un
cas extraordinaire lâopĂ©ration vienne Ă
manquer fon effet, & que, pour guérir
le Malade, on foit obligé peu de jours
aprĂšs de le priver de fa Dent^ il auÂŹ
ra toujours lâavantage de foufĂŻrir infiÂŹ
niment moins quâri nâauroit foufferty
fi la premiĂšre opĂ©ration nâeĂ»t point Ă©tĂ©
faite..
Je crois pouvoir me difpenfer de rapÂŹ
porter beaucoup dâexemples, pour conÂŹ
firmer les avantages & lâefficacitĂ© de la
luxation. Il fuffira dâobferver , comme
je lâai dĂ©jĂ dit, quâil Ă©xifle actuellement
Ă Paris plus de 600 perfonnes, Ă qui
jâai fait cette opĂ©ration avec tout le fĂčc-
eÚs pofßible, & quife font trouvées par
faitement guĂ©ries. Il nây a point ici
15*4 De T Art du Dentijlc.
dâexagĂ©ration: je refie plutĂŽt en-deçĂ
de la vĂ©ritĂ© que je ne lâexeĂ©de ; il efl aifĂ©
de le vérifier, aßnfi que les faits conte
nus dans les deux petites Lettres que jâai
publiées, & je fuis en état de convain
cre fur ce point les plus incrédules. Je
mâen tiendrai donc Ă joindre ici deux
Obfervations remarquables par leurs
efpĂšces.
Observation I.
Feu M. ****. Intendant de S,
r A. S. Monfeigneur le Duc dâOrlĂ©ans,
rencontra, en mangeant, un petit os fort
dur qui fit éclater & partir une des
pointes moufles dâune groffie Molaire
infĂ©rieure. On feaĂźt que ces fortes dâé
minences répondent au canal qui efl
dans lâintĂ©rieur de la Dent ; aĂźnfi par
lâĂ©clat de celle-ci le canal de la Molaire
en queflion fut à découvert. Le malade
fouffrit pendant plufieurs jours des douÂŹ
leurs trĂšs-vives , ĂŽc fĂźt fans fuccĂšs diffe-
.rens remedes. AprÚs avoir examiné la
Dent, je voulus porter la pointe de la
fonde dans le petit trou quâon apper-
cevoit Ă peine | mais la douleur quâil e@,
De l'Art du Dentifle. 'Ăźyjft
fefientit mâobligea de ceffer. Je luxai &
Dent tout de. fuite > & Ă Finftant il fut
guéri. Il mangea dÚlfus peu de jours
aprÚs » & dans Fefpace de deux ans
quâil a vĂ©cu depuis cette opĂ©ration 3 ellf
fie lui a jamais fait aucun mal.
Observation IL
M. F Abbé de***, demeurant ruë
des Petits-Champs , avoit une Dent
Canine ufée par les Dents de la mùchoi
re inférieure qui y répondoient. Il four-
froit dâabord en mangeant & feulement
par intervalles des douleurs lourdes qui
nâĂ©toient quâune efpece dâagacement
mais cette Dent devint fi fenfĂźble quâil
ne p ou voit plus en approcher les Dents
infĂ©rieures , ce quiFempĂȘchoit dĂ©manÂŹ
ger. Il vint en cet état me "trouver > 6 c
me fit le dĂ©tail de fa maladie. Jâexaminai
fa Dent, & lui ayant dit quâon pour-
roit la lui confĂšrver, il confentit Ă me
ßaiffer faire. Je commençai parracourcir
la Dent de la mùchoire inférieure , au
point quâelle ne touchok plus la Canine
dans la rencontre des autres Dents. En-
fuite je trépanai cette Canine y 6c fin 3
r Ăź$6 BeVArt Ă uDentifĂźel
troduifis dans le canal Ă la profondeur
dâenviron une ligne une pointe lĂšche
dâacier ajuftĂ©e en Ă©quarrilfoir. Les douÂŹ
leurs que reffentoit le malade ne me
permirent pas dâaller plus avant ; câeft-
pourquoi je me contentai de faire en-,
trer dans le canal, le plus avant quâil me
fut poffible 5 un peu de coton imbibĂ© dâefi
fence , & le malade sâen retourna. CeÂŹ
pendant les douleurs devinrent plus viÂŹ
ves , & il pana une nuit trĂšs-cruelle ; ce
qui lâobligea dĂ© mâenvoyer chercher dĂšs
le lendemain de grand matin. MâĂ©tant
tranfportĂ© chez lui, il me dit quâil Ă©toit
las defoufĂźnr, & quâil falloit lui ĂŽter fa
Dent Jâexaminai de nouveau cette Dent,
8 c la voyant trÚs-peu relùchée.je fus
dâavis de la luxer , au lieu de F ĂŽter, 8 c,
je lâaffuraĂź quâil feroĂźt auffi bien guĂ©ri ,
8 c quâil auroit de plus la fatisfaĂ©Hon de
cbnferver fa Dent. Il me fĂźt pĂźufieurs
objections auxquelles je nâeus pas de
peine à répondre; enfin je lui fis fentir
que par mon opération il ne cour oit
dâautre rifque que de fauver la Dent
dont il vouloir fe priver, 8 c que fi par
hazard il ne fÚ trouvoit point foulagé en
jrĂšs-peu de terris, il ne sâagirait glus;
De VArt du Dentijiei '*$ 7 .
ffiors que de finir, en lâĂŽtant, une opĂ©raÂŹ
tion à moitié faite. Il fe rendit à mes
raifbns, & je luxai fa Dent : fiir le champ
il fe trouva foulage, & une heure aprĂšs
la douleur étoit entiÚrement celfée. Je
bouchai enfuite avec une feuille dâor
lâouverture que jâavois faite au. canal ;
& depuis environ deux ans que jâai
fait cette opĂ©ration, M. lâAbbĂ© de ***.
- sâa plus fenti fa Dent,
Quand le plomb ne fçauroit tenir
' dans une petite Molaire, aĂźnfi que dans
les Dents de devant, parla difpofition
de la partie cariée, & que la Dent eft
fort douloureufe, fi cette Dent nâefl:
pas gĂątĂ©e au point dâĂȘtre difforme, au
lieu, de la luxer , ou dâen dĂ©truire 1er
ne.rf dâune'autre façon,il faut lâĂŽter tout Ă
fait avec les précautions convenables la
. bien nettoyer des moindres portions de
carie , en faifant avec la rugine quelÂŹ
ques inégalités, dans le trou que cette ca
rie y a fait, la bien plomber, en ob-.
â fĂšrvant de bien infinuer lâor dans le caÂŹ
nal & de boucher exactement le trou.,
ĂȘc enfuite la remettre Ă fa place. Une
Dent ainfi bien ajuftée ne fe déplora.-
%_> § De VArt du Ventijße.
foera jamais, 8c durera autant que Ig
plus faine.
§. v.
jfißéthode pmr Îter les Dents cariées , &
les remettre avec fuccĂšs,
A v an t que dâĂŽter une Dent cm
riée,pour la replanter fur le champ,
ĂŻl faut bien examiner fi cette Dent ne
produit ou nâentretient pas quelque au-,
tre maladie , comme depot, fiftule &c.
fi les douleurs quâelle fait fentir font
produites par le cordon du nerf ; fi le
Ăźujet nâa pas les gencives & les alvĂ©oles
appauvris, & fi la Dent mĂ©rite dâĂȘtre
confervĂ©e, câefl-Ă -dire , fi la carie ne
lâa point trop minĂ©e ou rendu difforme.
Toutes ces confĂźdĂ©rationsfaites 8c lâopé
ration jugée convenable, on commence
par forcer un peu la Dent malade avec
le pélican, pour faire une légÚre dila
tation Ă lâalvĂ©ole. Enfuite avec la pince
droite on fĂ ifit la Dent le plus prĂšs
guâon peut du collet ; on fait trois ou
Ve V Art du Dentijße* ~ïf§
Quatre mouvemens du poignet de droite
Ă gauche & de gauche Ă droite, pour
la faire tourner dans fa fertiffure & en.
dĂ©tacher les adhĂ©rences. Enfin on lâen-,
leve en ligne directe, fans faire dâĂ©carÂŹ
tement , ni endommager les parties qui
doivent sây rĂ©unir bientĂŽt aprĂšs. Si
malgrĂ© toutes ces prĂ©cautions, lâalvĂ©oÂŹ
le fe trouvoit tellement adhérent à la
racine, quâon ne pĂ»t abfolument Ă©viter
dâen emporter quelque portion , il ne
faudroit pas moins remettre la Dent
aprÚs en avoir Îté toute la carie, &
lâavoir rendu propre Ă retenir le plomb.
Cette derniere opération fe doit faire
lorfque la Dent eft replacée ; car fi on la
plomboit avant que de la remettre,la por-;
tion de lâalvĂ©ole qui a fuivi la Dent feroit
trop long-tems expofée aux impreffions
de lâair, ce qui lâempĂȘcheroit de fe rĂ©unir
à la maffe : finon il faudroit détacher
cette portion de lâalvĂ©ole, &en dĂ©bar-
ralfer la racine quâon remettroit feule
Ă fa place aprĂšs lâavoir plombĂ©e. On
peut voir dans la premiĂšre de mes LetÂŹ
tres comment je remis Ă Madame la
Comteffe de la * * * *. une Dent qui
avait entraßné une portion de fon alvéo-
fi : 6o De VArt du Dentifle.
le , malgrĂ© toutes les prĂ©cautions qĂčĂȘ
jâavois pu prendre. Cette mĂȘme Dent
fubfifte encore auflr folide quâelle lâĂ©toit
avant lâopĂ©ration , & fans aucune douÂŹ
leur.
La Dent otĂ©e , on en dĂ©truit jufquâaux
moindres parties affeĂ©fĂ©es. AprĂšs lâavoir
bien nettoyée, onia plombe en la tenant
par fa racine, & en lâappuyant fur quelÂŹ
que chofe de folide. On en bouche bien
la cavitĂ©, &lâon y fait entrer Ă force les
feuilles du métal, en ohfervant de les
mouler & de les mafliquer, comme je
le dirai en traitant de la façon de plom
ber les. Dents. Lorfque le. métal eft bien
uni, bien poli, & quâil remplit exaĂ©le-
ment le trou, on remet la Dent Ă Ta
place naturelle, fans quâil foit befoin de
lâattacher avec-un fil. Il fuffit dâaffujettir
le malade Ă mordre de, tems en tems un
morceau de liĂšge , & cela le premier
Jour feulement, & à faire ufagé de quel
que eau appropriée.
Lorfquâune Dent dĂ© devant efl non-
feulement gĂątĂ©e au point dâen ĂȘtre difÂŹ
forme ,' mais fait encore beaucoup de
mal, fi dans le moment on ne trouve
point de Savoyard qui confente Ă don-
' neĂŻ
0e f Art du Dentïfie. i©i
ner une de fes: Dents pour. la remplacer,
il faut ĂŽter la Dent malade , la limer 8c
emporter le corps jufquâauprĂšs du colÂŹ
let 5 8c enter fur la racine une pareille
Dent-avec un:tenon dâor qui fe viffe
dans cette :racine. - . ; -
QbfĂ©rpation au fujet dâune Dent caffĂ©e
par une chûte.
â U n Ă« Demoifelle ĂągĂ©e dâenviron 18 ;
ans, fe calTa en tombant une des grandes;
IneifivĂȘsalTez'jĂ rĂšsde la gencive: Dada--
cine qui reftĂŽit lui faifant beaucoup de'
douleur, trois jours aprÚs là chûte elle
vint chez moi pourfe faire ĂŽter cette ra-
GineĂ©-Bnlâexaminant ,-^apperçus le cor-?
dÎu des-vaiffeùuxgui ëtçit ibbsrtoxtge:8ct
gonflé ; : fe voulus: ÿ-: porter le ' cautÚre >
aĂ©luel, elle sây oppofa. Je lui propofar
UH autre expĂ©dient qui Ă©toit dâĂŽter la
racine . 8c de la remettre aprĂšs lâavoir
arme e dâune^pareille Dent naturelle dont;
fe retranckerĂšis laracine,jque je rerÂŁdrois ;
conforme Ă ia:fienne,i & qui tiehdroit-'
parle-moyen dâun renom pendant plu- 1
fleurs années. Elle accepta le parti, &'
lâ opĂ©ration fut faite Ă iâinftant. Je lui re--r
Tome h G
j 62 De VAn ĂąĂŒ Demijie.
mis fa racine garnie dâune Dent Ă©tran-i
gere : un moment aprĂšs elle ne foufFrit
plus j & la racine a parfaitement repris..
Depuis environ cinq ans & demi cette
Dent a toujours été fort folide , & il y
ajoute apparence quâelle reliera encore
long-tems dans cet état de folidité. Cet
te Demoifelle efl mariée depuis environ
un an j & fon mari croit fermement >
ainli que toute fa famille, que câefl une
Dent de Savoyard qui sâefl ainli natu-
ralifĂ©e dans fa bouche. Il efl vrai quâĂ
moins dâavoir vu faire lâopĂ©ration 5 il
ne fer oit gueres poffible dâimaginer que
câell une Dent Ă©trangĂšre : elle a Ă©tĂ©
examinée par bien des perlonnes qui ne
doutent point que ce ne foit une Dent
naturelle » & qui font fort éloignées
de penfer que ce fbitune Dent de rapÂŹ
port.
Quoique toutes les opérations, dont
lâai parlĂ© jufquâĂ prĂ©fent, appartiennent
au Manuel des Dents , dont jâai fait un.
Chapitre Ă part : comme elles ont pour
objet les nerfs dentaires qui font la
fburce des maladies décrites plus haut *
je nâai pas cru devoir fĂ©'parer la pratique
de la théorie.
De V^ért du Dentifte. 163
Un Dentifte des plus modernes ,
empreffé de faire imprimer fon nom,
mâa fait de mauvaifes chicanes fur les
deux opérations contenues dans ce Pa
ragraphe & dans le précédent. Je fçais
quâelles nâont fait aucune imprellion fur'
qui que ce foit de raifonnahle : mais
je me dois quelque chofe Ă moi-mĂȘme ,
& lâon ne trouvera pas mauvais que je-
place ici quelques nouveaux éclairciffe--
mens fur cette matiĂšre. Je vais commen-;
eer par la luxation.
M. Mouton, pag. 122 de fa Dilferta--
tion fur les Dents Artificielles, pour-
faire ceffer la douleur dâune Dent , pro-
pofe de lâĂ©branlĂ«r de maniĂ©rĂ©, que la dĂ©-
tenfion du nerf sâenfuive : opĂ©ration ,
félon lui, plus lefte, moins effrayan
te , ( quâaucune autre ) , peut - ĂȘtre
toute neuve. DâaprĂšs cette courte expo-
fition quâil plaĂźt Ă mon prĂ©tendu CritiÂŹ
que dâappeller une OpĂ©ration bien dé
taillée * il foutient que ma premiÚre mé
thode, (celle de luxer les Dents pour
en rompre le nerf) eft empruntée de M.
Mouton, & que-je ne fuis tout au plus'
que fon copifteou fon plagiaire. Heu,-:
i (?4 De VArt du Dentifle.
reufement il eft démenti, non-feulement
par la difparitéde nos opérations, mais :
par M. Mouton lui-mĂȘme qui paroĂźt
craindre de sâattribuer lâinvention de la
mĂ©thode quâil fe contente dâindiquer, &
qui ne lâappuye dâaucune expĂ©rience. Je
laiffe au Leéleur intelligent à remar
quer la diffĂ©rence dâune fimple dĂ©ten-
fion Ă une rupture totale du nerf: mais
voici dans la vĂ©ritĂ© ce qui mâa fait naĂźtre-,
lâidĂ©e de la luxation que je pratique. -
Une Demoifelle vint un jour chez-
moi pour fe faire Îter une fécondé grolfe
Molaire de la mùchoire fupérieure, qur
lui faifoit beaucoup de mal. Je me fer-
vis du Pélican pour extirper la Dent
malade ; mais comme elle étoit, pour
ainfß dire, enchylofée, ou fort attachée
Ă lâalvĂ©ole, je ne fis que la dĂ©placer. Je
voulus finir lâopĂ©ration avec le davier;
elle nây voulut jamais confentir, & jĂ©
nâachevai pas lâextraclion. Je lui propo-
fai de la remettre en place, mais elle le
fit elle-mĂŽmei Quelques mois aprĂšs,
elle revint me voir ; je trouvai fa Dent
fort folide, je la nettoyai & je la plomÂŹ
bai, AprÚs avoir, bien réfléchi fur cettg
De V Jrt du Dentijte,- l6f
cure inattendue , je tentai la mĂȘme opé
ration fur plufieurs pauvres ; & câeft uniÂŹ
quement le fuccĂšs qui mâa confirmĂ©
dans, cette pratkjue.-
Quant Ă la replantat-ion des Dents, qui
eonfifte Ă les ĂŽter &! les remettre , jâaĂź
toujours Ă©tĂ© bien Ă©loignĂ© de mâen attriÂŹ
buer lâinvention , comme femble lâinfi-
nuer le Bentifte dont je rappelle! regret
lâĂ©crit, auffi tĂ©nĂ©breux que frivole. JâaĂź
mĂȘme expreifĂ©ment reconnu-dans le deuÂŹ
xiĂšme Ă©crit que jâai publiĂ©, fous le titre
d â Eclair cijfement &*c. M. Fauchard ,
pour lâinventeur de* cette mĂ©thode-, &
en cela je me fuis trompé. M. Fauchard
dans le premier Tome du Chirurgien
Bentifte r pag.388 ,-parle de cette Opé
ration,'comme dâune pratique ancienne
& trĂšs-connue avant lui. De plus, il en
eft fait mention dans un Livre imprimé;
Ă GenĂšve, en 1-670-, & qui a pour'tiÂŹ
tre : Observations & Hiftoires ChimiÂŹ
ques i tirées des Oeuvres Latines des plus
renommés Praticiens T par un BoÚleur
Médecin ,-&* compr-ifes en 12 Centuries.
Parmi les Obfervations de Denis Po-
maret , Chirurgien de Montpellier, on
Ht Ă la page io^, celle d'une Dent arp
i- 66 De Y Art du Dendjle .
radiée3-remife enfon alvéole-, & offert
mie par des gargarifmes ajĂźringens. CetÂŹ
te Gbfervation, qui a plus d 5 un fiécle ,
prouve bien que la méthode en quef-
tion,dont ileft affez difficile de trouver
la vĂ©ritable origine, nâappartient ni Ă M.
Fauchard ni Ă moi. Mais je crois lâavoir
du moins bien perfectionnĂ©e, & je mâen;
rapporte Ă tous les Artiftes, que lâĂ©qui-
tĂ© feule, & non lâenvie, (lâappanage
des fubalternes) conduit jufque dans les
jugemens quâils ont Ă porter de leurs'
confrÚres. Le Dentifte qui a écrit con
tre moi,. pour fe donner un air de critiÂŹ
que, prétend donc encore que je fuis le
plagiaire de M. Fauchard. Il falloit-
dâabcrd prouver que cet habile homme
etoit lâinventeur de la replĂ ntation des
Dents , oc faire voir enfuite la conforÂŹ
mité de ma pratique avec la tienne.
Mais aprĂšs avoir hazardĂ© lâaccufation
de plagiat, fans sâembarraffer de la conÂŹ
tradiction , il prétend que ma mé
thode eft bien inférieure à celle de
M. Fauchard. Câeft encore au Lecteur
impartial Ă juger dâaprĂšs lâexpofĂ© que
jâai fait de mon opĂ©ration, fi. je ne fuis
effectivement que le copifte de M. F au-?
De F Art du Dentifte167
ehard. Je mâarrĂȘte feulement au dernier-
point , & je vais examiner de bonne:
foi les inconvéniens ou les avantages
de fa méthode & de la mienne.
Câeftprefque toujours dans leurs in-*-
terfdces quefe gĂątent les Dents de deÂŹ
vant, &: for-tout les petites Molaires. Il
nâefl pas rare de trouver de ces fortes
de Dents , oĂč For & le plomb ne peuÂŹ
vent tenir, faute dây pouvoir opĂšre*
aflez commodément quand elles font en
place. La lime alors ne. peut garantir ces.
mĂȘmes Dents que pour peu de tems s
ou elles fe trouvent par fon ufage prefo
que détruites, ou bien affaiblies ; ce qui.
les fait bien-tĂŽt caffer. Le plomb enfin
ne tient guÚres aux Dents quifont plom»;
bées en place, quand la carie les a trop
minĂ©es. Mais lorfquâune Dent eft netÂŹ
toyée & plombée hors de la bouche 9
quelque difficultĂ© quâil y ait Ă y faire teÂŹ
nir le plomb, on en vient Ă bout.
Je nâignore point quâon voit de ces
Dents capables de tenir le plomb toute
la vie ; auflĂź quand jâen trouve Ă plomÂŹ
ber de telles, au lieu de les ĂŽter de la
bouche, je me contente de les luxer.
LâEcrivain dont je difcute.ici la çe&d
ĂŻ68 De VAtĂź du DentĂźjĂźe.
iure, ne veut pas convenir des incon-
vĂ©niens que jâai dĂ©montrĂ© ĂȘtre infĂ©parĂ -
Mes des fils dont on sâeff fervi jufqtfĂ
préfent pour attacher les Dents- replan--
tĂ© es. Pour sâen convaincre, if fuffit de
confidérer la forme des Dents fur lef-
quelles on fait cette opération, & prin
cipalement -celle des- petites Molaires.-
Ces Dentç font plus larges & plus gref
fes vers leur extrémité que vers leur
collet, & comme lâĂ©mail "eft liife dé
poli , pour peu que le fil ferre la Be-nr'
fraĂźchement remife , & par cohfeqĂŒĂšnt'
dĂ©tachĂ©e tant; de la gencive que de lâalÂŹ
véole , le-fil ne manque point de gliffer
& fĂš porte vers lĂ racine, -ce qui fait
bientÎt fortir la Dent. Il ne fait pas- lë
mĂȘme effet fur les Dents voifines Iparce*
que les attaches de la gencive qui era-
braffeht le collet de la Dent, retiennent
ĂźĂȘ fil & lâĂšmpĂȘc&ent de gliffer ; au lieu
, que le fil qui entourfe lĂ Dent replanÂŹ
tĂ©e, Ă mefure que le nĆud la ferre ,
tend néceffairement vers : ianacine, -&
chaffe . la Dent, fi lâon nâĂ foin dâapÂŹ
puyer fortement deffus , en ferrant le
nĆud : prĂ©caution nĂ©anmoins qui nâaffu-
ettit la Dent que pour lâinfiant - de lâoâ
* pération.*
~Dz V Art du Dentlffa* 16$'
pération. Car bientÎt ie fil humecté fe
gonflant & ferrant dâavantage , gliffe,
comme jâai dit, vers la racine, dâoĂč il
arrive que la Dent remife eft expulfée Îc
gerd le niveau quâelle gardait avec les
Dents voifines, ce qui lâempĂȘche de reÂŹ
prendre parfaitement, & mĂȘme en rend
lâufage incommode. Je conclus donc
que le fil le mieux appliqué & par la
.main la plus habile produira toujours
cet effet, Ă moins que lâon ne faffe avec
Ăźa lime autour de la Dent & vers le colÂŹ
let une petite ramure , pour y arrĂȘter
le fil & lâempĂȘcher de defcendre. Mais
puifquâune Dent bien remife reprend &
tient" parfaitement fans ĂȘtre attachĂ©e ;
puifque par le moyen du gluten qui fĂš
forme autour de la racine , il fuffit pour
affermir la Dent, de mordre de tems
en tems un morceau de liĂšge , pourÂŹ
quoi cet attirail de fils qui embarraffe
ou gĂȘne toujours? Nâeft-ce pas mulÂŹ
tiplier les ĂȘtres fans nĂ©ceffite ? Il ne
faut pas croire que ce foient les eaux
aftringentes qui confondent ici la Dent:
jâai fouvent obfervĂ© que de fimple eau-
de-vie fans aucun mélange, opéroit le
meme effet que les affringens.
Tqms L " E
S 7 ĂŽ. De VArt du DentijĂźe ;
§. VI.
Des Dents fracturées , de celles qui s'u~
fent ., des maladies quelles produifent 3
& des moyens dây remĂ©dier .
L 'a cause la plus ordinaire qui
fait fracturer les Dents efi la Carie,
lorfquâelle les a minĂ©es Ă un certain point»
Les autres caufes font les efforts vioÂŹ
lents quâon leur fait faire j les coups , les
chĂ»tes a & dâautres accidens. QuelÂŹ
quefoisâ, foit que la carie les ait minĂ©es
trop avant, foit que les racines étant
tortues , ou crochues, les parties of-
leufesquiles enveloppent oppofent de
la réfifiance, en voulant Îter certaines
Dents, elles fecaffent fous la main du
Dentifle.
Les Dents , & les racines des Dents
ïÚ fraéturent en différens fens, en long,
en travers , obliquement, horizontaÂŹ
lement ; & lorfquâelles font fracturĂ©es,
la rĂ©union ne sâen fait jamais, comme,
aux autres parties offeufes : car quand
.une Dent sâĂ©clattg oufe gaffe, la dĂ©--
De V Art du DentijĂźe. 17 r
perdition de fubftance eft irréparable.
Cependant la fracture des Dents ne
laifle pas que de donner de lâoccupaÂŹ
tion au Dentifte. Il faut émoulfer ou dé
truire avec la lime les pointes des Dents
qui peuvent piquer ou écorcher quel
ques parties de la bouche, comme la lanÂŹ
gue ,les levres &les joues, ou la gencive
de la mùchoire oppofée ; ce qui fait beau
coup de mal, empĂȘche de manger, &
produit toujours des ulcĂšres. Quand
lâopĂ©ration eft bien faite, les Dents Ă©claÂŹ
tĂ©es qui par ce moyen font polies, nâagaÂŹ
cent & nâirritent plus aucune des parties
quâelles touchent, & sâil sây eft fait quelÂŹ
que ulcÚre, il eft promptement guéri,fans
quâil foit nĂ©cefĂźaire dâĂŽter les Dents.
Lorfquâil ne refte que la racine de quelÂŹ
que Dent que ce foit, Inciftve, CaniÂŹ
ne , ou petite Molaire, câeft encore
lâafĂŻĂ ire du Dentifte dâen rĂ©parer au
plutĂŽt la perte ; ce qui fe fait de plu-
ißeurs maniérés, dont la plus fimple efl
dâenter une Dent fur la racine qui
refte. Si la Dent eft fracturée dans la
racine, ou fi la racine lâeft elle-mĂȘme,
alors la Dent, ou la portion de la raciÂŹ
ne attachée à la gencive incommode.
rii
âŹ' 7 * De VArt du DentijĂźe.
beaucoup aux moindres mouvemens de
la. langue ou des lÚvres. Mais on guérit
dans le moment le malade, en ĂŽtant la
portion de la Dent ou de la racine qui
ed Ă©branlĂ©e, fans quâil foit nĂ©celfaĂźre
dâen ĂŽter le rede qui le trouve folide.
Si cependant dans la fuite le relie de
cette racine vient Ă faire mal, il nâen
faut pas diffĂ©rer lâextraĂ©lion. Lorfquâen
voulant ĂŽter une Dent qui ne peut
ĂȘtre confervĂ©e, elle fe caffe alfez avant,
ou un peu au-delĂ du collet, alors les
racines qui relient ordinairement ne
font pas de mal ; eâell pourquoi il ne
faut pas tourmenter dâavantage le malaÂŹ
de. Mais d quelque teins aprĂšs les raÂŹ
cines deviennent douleureules y la douÂŹ
leur provient prefque toujours du pé
riode qui tapiffe & lâalvĂ©ole & la raciÂŹ
ne. Or la plupart de ces racines font
trĂšs-faciles Ă ĂŽter, loit parce quâelles
le montrent beaucoup plus à découvert, ~
étant çhaffées au-dehors par la contrac
tion de lâalvĂ©ole , fbit parce quâelles
font relĂąchĂ©es & Ă©branlĂ©es par lâengorÂŹ
gement & le gonflement du période*
Lorfque pendant lâextraclion une Dent
fe .caffe au- ddfus.de ].a voûte, les nerfs
ĂŻ>s V Art du Dmtijk. ĂŻyg
qui font à découvert & qui fe gonflent
peu de tems aprĂšs,deviennent fifenfibleS:
que le malade ne peut rien porter de
ce cĂŽtĂ©, pas mĂȘme la langue, fans de viÂŹ
ves douleurs- Si alors il nâefi pas pofli-
ble dâĂŽter les racines, il faut les eau-
térifer pour-brûler par ce moyen le
nerf. Câefi aufiĂź le plus court remede *
fi la Dent a été caflee par quelque coup
ou par quelque chûte. Quand une Dent-
faine efl éclatée par quelque caufe que
ce puifle ĂȘtre > fi la rugine & le cauÂŹ
tĂšre ne peuvent emporter la douleur *
& guérir promptement le malade , il
faut luxer la Dent & le mal cefĂźe-ra dans
Pinfiant meme.
Les Dents font encore fiijettes Ă s Ăż u-
fer & à le détruire les unes les autres^-
par leurs approches & leurs frottemens,
foit dans la maftication, foit dans les
convuïfions de la mùchoire inférieure
qui fe font quelquefois pendant le fom-
meil. Il y a des personnes qui en dorÂŹ
mant font un tel bruit, quâon entend
dâafiez loin craquer leurs Dents. Jâai vu
de ces fortes de perlbnnes dont, Ă quaÂŹ
rante ans les Dents étoient tellement
détruites par ces convuïfions maxillai-
1 74 De lâArt du DentijĂźe,
res, quâil nây reltoit prefque que les ra«
cines. -,
. Quand les Incifives & les Canines
des deux mĂąchoires fe rencontrent diÂŹ
rectement., & que la plupart des MoÂŹ
laires manquent, celles-ci fe détruifent
plus ou moins promptement, fuivant
quâelles fe trouvent plus ou moins duÂŹ
res. Lorfquâau contraire ces Dents-ci
ne le rencontrent pas directement dans
le choc naturel de deux mĂąchoires, &
que les Incilives & les Canines lupé-
rieures paffent par-deffus les inférieures
dans lâapproche de la mĂąchoire dâeni
bas vers la fupérieure, alors ces Dents
sâulent rĂ©ciproquement , les fupĂ©rieu-
res à la face poltérieure, & les inférieu
res Ă la face antĂ©rieure ; ce qui fait quâelÂŹ
les sâamincilfent, sâĂ©branlent, & fe dé
truifent peu Ă peu. Par la mĂȘme raifon ,
les Dents fupérieures fe luxent en-de
vant, & les inférieures en-dedans.
Quand on a perdu les grolfes Molaires
qui recĂȘvoient le choc delĂ mĂąchoire
inférieure contre la fupéfieure, ce choc
fe fait alors fur les Dents de devant qui
relient, &qui, pour peu quâelles cheÂŹ
vauchent tes unes fur les autres, com-
De V Art du Dentijfe. Ăźj$
tfie il efl fort ordinaire, périffent affez
promptement, par lâune ou lâautre des
caufes que je vigns de marquer. LorP
quâelles fe rencontrent vis-Ă -vis , elles
ne sâĂ©branlent point ; elles ne font que
fe dĂ©truire & sâufer rĂ©ciproquement, Ă
un tel point, quâil nây relie quelquefois
que les racines qui ne laifĂŻĂšnt pas que
de faciliter la mafli'cation, Ainfionvoit
de quelle importance il efl, pour la con-
fervation des Dents de devant, de con--
ferver les Molaires. âą
Pour empĂȘcher que les Dents ne sâu-*
fent dans leur rencontre, quand une per**-
fonne a lâhabitude de grincer les Dents
en dormant, et quâil lui relie des MoÂŹ
laires , il faut en recouvrir une ou deux
dâune calotte dâor, comme lâa fort bien
imaginé M. Mouton. Mais de crainte
que cette calotte ne fe dérange par le
frottement que les Dents oppofées fe
ront fur la piĂšce pendant le fommeil,
dans les convulfions des mufcles de la
mĂąchoire infĂ©rieure , il faut quâelle foir
percée pour recevoir un fil qui fervira Ê
la fixer, autrement, quelque bien appliÂŹ
quĂ©e quâelle pĂ»t ĂȘtre, elle fe dĂ©placeâ
mit Ă la longue. Sâil ne refie Ă la perfon-
lj6 De lâArt du Demifte.
ne aucune Molaire , & fi elle nâa que les
Incifives & les Canines qui chevauÂŹ
chent alors les unes furies autres, bienÂŹ
tÎt ces Dents feront ébranlées & amin
cies, fans quâon puiffe y apporter que de
trĂšs-foibles fĂšcours, & leur deflr.uction
nâeft pas moins inĂ©vitable que prochaiÂŹ
ne. Si ces mĂȘmes Dents fe rencontrent
les unes vis-Ă -vis des autres, & quâelles
foient dĂ©jĂ trĂšs-courtes, parce -quâelÂŹ
les fe rongent mutuellement pendant le
fommeil ou autrement, alors pour emÂŹ
pĂȘcher quâelles ne sâufent trop vite, il
fuffira de faire une fĂźmple calotte dâor
-qui recouvre feulement une Canine inÂŹ
férieure, ordinairement moins apparent
te que celles de la mùchoire fupérieure y
& dans le cas oĂč elle feroit trop-vifible.»
il faudroit faire émailler la face anterieu
re de cette calotte , & non lâendroit ou
la Dent oppofée la touche , dans les
mouvemens de la mĂąchoire qui occa-
fionnent les frottemens : car fi la calotte
Ă©toit Ă©maillĂ©e en cet endroit, lâĂ©mail en
fÚroit bientÎt détruit.
Il faut ĂŽter cette calotte chaque fois
que lâon veut manger, afin que les Dents
qui répondent à la calotte, foient en état
De VArt du DentijĂźe. â iâff
3 e bien broyer les alimens. Les autres
Dents ne pouvant plus fe toucher, ce
qui eft nĂ©celfaire pour empĂȘcher quâelÂŹ
les sâufent dâavantage, elles ne peuvent
Ă©crafer & brifer quâimparfaitement cerÂŹ
tains alimens; câeft pourquoi, fi lâon
veut tirer du fervice de ces Dents, il
faut ĂŽter Ă chaque repas la calotte dâor.
Il y a des perfonnes dont les Dents
sâufent dans leur rencontre, foit parce
que lâĂ©mail en eft trop mince, ou quâelÂŹ
les ne font pas dâune confidence allez
dure ; foit parce que ces perfonnes étant
déjà parvenues à un certain ùge , leurs
Dents fe trouvent idées par leur long
fervice, au point dâĂȘtre douloureufes < 3 s
de sâagacer en mangeant. Le moyen,
dâempĂȘcher que ces. Dents ne viennent
à faire des douleurs plus conftdérables,
quâelles ne sâufent entiĂšrement, ou enÂŹ
fin que celles de devant ne sâĂ©brĂ©chent,
quand elles fe rencontrent Ă peu prĂšs
comme deux lames de cifoau, eft de faire
des calottes dâor ou dâargent, qui ayent
une étendue fuftifante pour envelopper
toutes les Molaires de la mĂąchoire. On
aura foin de les fixer, comme jâai dit,
par le. moyen des fils ; ce quâon fera ei|
ĂŻ78 De V Art du Dentifte,
les attachant Ă la Dent qui paroĂźtra Ăźa
plus convenable avec un fil dâor. Il faut
que ces calottes foient ajuftées de manié
rĂ©, que les alimens ne puilfent sâinfmuer
etre elles & les Dents. Pour cet effet ,
on fait avec de la cire un moule fur les
Dents du fujet : lâorphĂ©vre fuit exaĂ©le-
ment ce moule, & les empreintes des
Dents Molaires. On fait la mĂȘme chofe
aux Dents de la mùchoire oppofée qui
rĂ©pondent Ă celles que lâon a ainfi revĂȘÂŹ
tues , & on leur met une pareille calotÂŹ
te. Si le cÎté oppofe efl muni haut &
bas de plufieurs Molaires, pour que la
maftication sây fafle bien, on peut de
mĂȘme les recouvrir : mais il fautobfĂȘr-
ver que dans la rencontre des deux mù
choires, les calottes portent également
dans toute leur étendue des deux cÎtés
de chaque mĂąchoire , Ă peu prĂšs comÂŹ
me portoient les Dents ; & pour que la
mafHcation fe fafle plus parfaitement,
on peut y former quelques rugofités»
Ces fortes de calottes ne feront point
ĂtĂ©es en mangeant.; elles relieront au
contraire en place , jufquâĂ ce quâelles
foient ufĂ©es & quâon en remette de nouÂŹ
velles.. Les. Dents par ce moyen ne sâu^
De VArt du DentijĂźe, ijĂżi
feroftt-plus ; celles de devant ne feront
pas feulement garanties dâufure, mais Ă»
elles étoient auparavant ébranlées par
leur choc continuel, comme elles ne
peuvent plus fe heurter par lâinterpofi-
tion des calottes qui fĂš trouvent entre
les Molaires , elles fe raffermiront bienÂŹ
tĂŽt , & dureront trĂšs-long-tems.
Quand on a quelque Dent plus lonÂŹ
gue & plus dure que celle qui lui ré
pond , celle-ci ne peut manquer de cé
der Ă lâimprefßßon de la plus forte. De
mĂȘme, quand quelque Dent Molaire efE
armĂ©e dâune pointe un peu dure, elle
creufe , & fait fur la Dent oppÎfée une
impreffion plus ou moins forte, qui tĂŽt
ou tard la rend douloureufe. On peut
dans ce cas fe paflfer de calotte ; mais
pour éviter tous ces inconvénßens, il
faut ĂŽter de la Molaire, avec la lime, le
trop de longueur & dâĂ©paĂŻffeur qui dé
truit laDent oppofée, ainfique les poin
tes aigues qui dégradent cette Dent. Il
faut encore adoucir avec la lime les af-
pĂ©ritĂ©s.&les inĂ©galitĂ©s tranchantes dâuÂŹ
ne Dent ufee en partie : "car le contour
de la Dent recouvert dâemail Ă©tant la
portion la plus dure, eft toujours celle.
18o De lâArt du Dendfie.
quisâufele moins; mais la dĂ©gradation
de lâĂ©mail le rend quelquefois fi tranÂŹ
chant, quâil Ă©corche la langue ou la joue;
Dr la lime y remédie aifément.
Lorlquâune Dent efl ufĂ©e Ă u point que
le canal & le cordon qui lâoccupent, fe
trouvent en danger dâĂȘtre Ă dĂ©couvert,'
plus lâufure approche de la racine, plus
le danger augmente , & plus le cordon
efl fufceptible dâagacement, dâirrfca- -
tion, & dâinflammation. Ces accidens
peuvent ĂȘtre caufĂ©s, foit par certains
alimens, foit par la falive ou par le liÂŹ
mon plus ou moins viciĂ©s , foit par lâais
féal j foit enfin , comme il arrive prefque
toujours , par le frottement continuel dé
la" Dent oppofée qui agace & irrite les
petits filets nerveux expofĂ«s- fans ceflĂȘ
Ă fon impreffion. La Dent commence
dâabord a ĂȘtre elle-mĂȘme agacĂ©e ; lâagaÂŹ
cement augmente peu Ă peu , & de jour
en jour, à mefurÚ que la Dent oppofée
continue delâufer, on nâofe plus manÂŹ
ger fur cette Dent* parce quâalors les
douleurs deviennent plus vives. Il arriÂŹ
ve mĂȘme quelquefois, quand on nĂ©gliÂŹ
ge le fecours de lâArt, que le Malade ne
peut dormir, ou repofer ni le jour ni la
ĂŻ>Ăš VArt du Ventijle. i8ĂŻ
ĂŻmlt. Bien-tĂŽt dâautres fymptĂŽmes sâen-,
fuivent : le cordon sâenflamme de telle
forte , que le Malade foudre beaucoup
de ce cÎté-là ; que les glandes voifines
sâengorgent ; que la tĂȘte fait aufli de
grandes douleurs, & quâil furvient une
force fiĂšvre caufĂ©e , tant par lâĂ©panÂŹ
chement qui sâell fait dans le caÂŹ
nal , que par la fermentation du fluide
qui dĂ©truit le cordon. Lâinflammation
le communique foĂŒvent au pĂ©riode qui
revĂȘt la racine, & Ă la gencive, ce qui
fait rompre les vailfeaux ; dâoii fuit lâé
panchement du fluide, qui, en fermenÂŹ
tant & en décompofant les parties qui le
contiennent, fe change en pus. Or, pour
sâĂ©pargner tous ces maux quâon nâĂ©vite
quâen les prĂ©venant, il faut, appeller le,
Dentiile aux premiĂšres douleurs qui fe
font fentir, & voici la conduite quâil
tiendra. Il commencera par limer & par
raccourcir la Dent qui peut produire ce
défordre, de maniéré que ia Dem: mala
de ne foit plus expofée à fon choc ; en-
lĂčite il cautĂ©rifera cette Dent malade Ă
lâendroit oh elle eft niĂ©e, & pĂąrcpnfĂ©-
quent le plus fenfible.SĂŻ , aprĂšs cette
opération, le cordon fe trouve encore.
'ï§2 De VArt duDentijße.
irrité, foit par les fucs intérieurs, foßt
par quelque autre difpofition du fujet,
il faudra trĂ©paner la Dent Ă lâendroit ou
le canal fe fait reconnoßtre par la diffé
rence de fa couleur. On introduit le tré
pan dans le canal, le plus avant quâil
eft poflible, pour en détruire le cordon;
on y porte une ou deux fois le cautĂšre ;
enfuite on y met un peu de coton tremÂŹ
pé dans quelque liqueur fpiritueufe, &
bientÎt le malade eft guéri, en ufà nt fré
quemment dâeau tiĂšde, ou de lait tiĂšde
qui vaut encore mieux. Si cependant la
douleur étoit opiniùtre, il faudroit faire
faigner le Malade. Si enfin, malgré ces
fÚcours, le période externe étoit agacé
& irrité trop violemment par les difpo-
fitions du fujet, & que le Malade contiÂŹ
nuĂąt de beaucoup foufffir, il nây auroit
plus à héfiter ; il faudroit Îter la Dent
fans dĂ©lai. Mais il eft rare quâon Toit
obligĂ© dâen venir lĂ , quand on sây prend
de bonne heure.
Si la Dent fait mal depuis plufieurs jours,
fans y avoir fait aucun remede, & fi.lâon
fent Ă lâendroit malade de grands Ă©lanceÂŹ
ment, il nây a point alors Ă douter quâil
pefe foit formé un abfcÚs dans le canal
D« VArt duDentijle, i ß j
2e laDent.On pourra sâen affurer 3 en exaÂŹ
minant lâendroit de la Dent ufĂ©e qui eftle
plus prĂšs du canal. Ce canal fe reconnoĂź^
tra Ă fa couleur beaucoup plus brune que
les environs de la Dent. En trépanant-
fĂźmplement la Dent malade, & en donÂŹ
nant une ilfue Ă la matiĂšre qui eft reteÂŹ
nue dans le canal, le malade fera guéri
fur le champ. Jâai vĂ» de ces fortes dâabf-
cÚs fournir plufieurs goûtes de matiÚre
trĂšs-louable. Jâai rapportĂ© lâobfervation
dâun malade que je nâai pĂ» guĂ©rir quâen
luxant fĂ Dent ; ce qui prouve que
dans le cas ouïes Dents uféesfontbeau
coup de mal, & quâil nây a pas dâĂ©panÂŹ
chement dans le canal, la luxation peut
ĂȘtre exĂ©cutĂ©e avec fuccĂšs, & quâelle
eft quelquefois préférable à tout autre
moyen, pour conferver la Dent. M.
Fauchard , qui le premier, ce me femble,
a parlé de trépaner les Dents , rappor
te aufli quelques obfervations oĂč lâon
voit que les malades ont_ été promp
tement guéris, en faifant du jour à la,
matiĂšre.
$$4 De lâArt duDentifte.
§. VII.
X>e Vengorgement des vaijfeaux Dental
res, & de Vinflammation du cordon
& dupériofle , provenant de caufes in*
ternes.
U ne Dent fait quelquefois bien
mal, fans ĂȘtre aucunement gĂątĂ©e
Ăźii ufĂ©e, & quoiquâelle foit bien recouÂŹ
verte .du cĂŽtĂ© des racines, tant par lâalÂŹ
véole que par la. gencive. Cette douleur
provient alors de lâengorgement des
fluides qui circulent dans les v ai fléaux
dentaires, ou du vice de ces fluides
dont lâaciditĂ© plus ou moins aĂ©live irriÂŹ
te ces parties. CâeA ce qui fait quâon
voit quelquefois une Dent qui paroĂźt
trÚs-faine 8c en bon état, caufer de trÚs-
,vives douleurs, effet du phlegmon qui
afflige le cordon dentaire & fes memÂŹ
branes , ou le Périofle externe commun
tant Ă lâalvĂ©ole quâĂ la racine de la Dent.
Les caufes les plus ordinaires de ce
phlemon, qui fe diflßpe par réfolution ou
par fuppuratioiß, font ou trop de plé
nitude
De VAn du Dentijfe. 185*
nitude dans le fujet, ou lâĂ©paifTement du
fluide qui circule dans ces parties , ou
quelque vice particulier. Si lâhumeur
sâefl formĂ©e dans lâintĂ©rieur du canal,
la réfolution qui en eflleréfultat le plus
favorable ne pourra fe faire, quâen faĂź-
gnant le malade pour diminuer le voluÂŹ
me du fang ,- &. faciliter le cours du
fluide qĂči fe trouvoit arretĂ©. Il efl bon
de joindre Ă la faignĂ©e lâufage frĂ©quent:
de lĂ vemens Amples , & dâune lĂ©gĂšreâ
eau de chicorée, ou de quelque autre;
boiflon rafraĂźchiflante convenable au;
tempérament du Malade. Si nonobfiant:
ces remedes -, le malade continue de
fouflrir, il faut en venir Ă la luxation de
la Dent qui fera promptement cefler
les douleurs - , parce que lĂš cordon qui
remplit le canal, & qui efl: la fource du
mal, fera rompu par le déplacement de
lĂ Dent. Si le phlegmon ne sâĂšffc portĂ©
quâau pĂ©riofl:e externe qui efl: commun
Ă lâalvĂ©oßë St Ă la racine (ce qui fĂš
reconnoĂźtra tant parle relĂąchement que
par lâallongement de la Dent ) , il faut
non-feulement employer lĂšs remedes
gĂ©nĂ©raux que je viens dâindiquer , câefl-
à -dire , la faignée , les là vemens & less
Ze/rce L
i S 6 De VArt du Dentifte .
boifïbns légÚres, mais encore aflujettif
le malade Ă tenir continuellement dans
fa bouche du lait tiĂšde , pour relĂącher
les parties tendues, & rendre au fluide
fon cours. Mais fi la douleur efl: opiÂŹ
niùtre , le Dentifte doit débrider & dé
gorger avec une lancette le pĂ©riofte , Ă
lâentrĂ©e de lâalvĂ©ole qui fe trouve alors
dilaté par fon gonflement. Il fera à peu
prĂšs la mĂȘme chofe autour du collet
de la Dent, comme anciennement on
le pratiquoit, & comme le pratiquent
encore aujourdâhui quelques Bentiftes
qui,avant dâĂŽterune Dent,la dĂ©chaufĂźent
-Ce nâefl; guere que dans ce cas-ci,quâil me.
paroßt néceflaire de faire cette opéra-,
ration. Le dĂ©chauffoir peut [ĂȘtre prĂ©fé
ré à la lancette pour les greffes Mo
laires , & lâopĂ©ration ordinairement fouÂŹ
lage beaucoup le malade. Lorfque tous
ces moyens ne peuvent le guérir , il
faut recourir à la faignée du pied qui
attirera la colonne du fang vers les
parties inférieures ; ce qui ne manquera
pas de le foulager, & de difliper bienÂŹ
tĂŽt les douleurs , en continuant touÂŹ
jours le lait tiÚde. Quand la gencive fë
gonfle & sâengorge, il faut Ă©vacuer Iç
De J 1 Art du Dentijle. 1 87
ĂŻĂ ng faperflu, par le moyen de quelques
légÚres piquûres qui feront faites à la
gencive avec la lancette. Si enfin le mal
réfifte à ces derniers expédiens, comme
alors il nâefl; pas douteux quâil efi caufĂ©
par une humeur acide, il ne faut pas
différer à tirer la Dent. Mais de crainte
que la mĂȘme humeur ne produifĂš le
mĂȘme effet fur quelque autre Dent, le
malade ne doit pas négliger les remedes ;
propres à corriger ou à détruire totale--
ment cette humeur , & câefl lâaffaire du*
MĂ©decin quâil aura foin de confulter.
§. VIII.
Des douleurs que les Dents ébranléespro*
duifent , & des moyens dây remĂ©dier .
Q uand les parties offeufés qui
enveloppent les racines, & qui
maintiennent les Dents fermes & foli-
des, font ou détruites, ou ramollies par,
quelque caufe que ce puiife ĂȘtre, les
gencives fe retirent & sâappauvriffent ;
elles deviennent fĂŻafques & fongueufes
ou. sâulcĂšrent du. cĂŽtĂ©. des racines. La-
u Qiji
? l 8 8 De VArt du Dentijfe â
Dent alors defiituée de fa gaßné:
offeufe efl: fi vacillante , que nâĂ©tant
plus retenue que par quelque portion:
du périofte , & par les vaiffeaux qui
forment le cordon, toutes ces parties,
font fort fujettes Ă sâirriter, & Ă sâenÂŹ
flammer,fuivant les difpofitions du fujet,.
fiiivant auflß que la falive qui les péné
tre a plus ou moins dâĂącretĂ©, ou enfin
que la Dent efl plus ou moins tourmenÂŹ
tée par le choc continuel des Dents
oppofées , ou par la maftication. Le
froid & le chaud dâailleurs y font la
mĂȘme impreffion que fur les Dents gù
tées , & quelquefois y produifÚnt des
douleurs &: des fluxions confidérables.
Dâun autre cĂŽtĂ© , les Parotides & les
Amygdales fe gonflent, sâengorgent, &
deviennent aufli fort douloureufĂšs. Le
remede le plus fĂ»r en pareil cas, efl; dâĂŽ-
ter la Dent fans délai, & le malade efl:
promptement guéri. Mais fi une ou plu-
â fleurs Dents ainfi Ă©branlĂ©es- ne caufent
que de lĂ©gĂšres douleurs, pour peu quâelÂŹ
les foient apparentes , on peut en éviter
iâextraĂ©fion & mĂȘme les rendre duraÂŹ
bles par les moyens que je : décrirai, en
jraittant du Manuel des- Opérations..
De T Art du Denfijle-,
Pour terminer ce Chapitres je nâar
plus Ă ajouter quâune rĂ©flexion que tous
nos Ecrivains, ont faite ,, mais quâon ne
peut trop répéter-
De toutes les parties de notre Arts-
celle oĂč il fe glifle le. plus de charlataâ
nifme, efl; lâodontalgie. Chacun a fon.
£pécifique.pour guérir le mal de Dents ,
éc ce qui contribue beaucoup à accré
diter les palliatifs, câeft' quâil arrive.quelÂŹ
quefois que dans, le tems quâon les appliÂŹ
que, une Dent qui nous faifoit bien foufo
frir, cefle tout Ă coup dâĂȘtre douloureu-â
fe: foit, comme je Fai déjà dit, que le gon
flement du nerf fe diflĂźpe par un tems
fec qui fuccede Ă lâhumiditĂ©, &.quele.
flulde qui fe trouvoit arrĂȘtĂ© par ce gonÂŹ
flement ait repris fon cours ; foit que la
grande inflammation du cordon le falTe
tomber en mortification,ou que le dépÎt
qui sây eft formĂ© foit mĂ»r, & que le fluiÂŹ
de fe foit Ă©vacuĂ© de lui-mĂȘme ; foit enfin,
que lâhumeur cefle.de fe porter, Ă la
Dent, ou quâelle foit adoucie. Dans la
plupart de. ces cas, il arrive aflez fouvent.
quâune liqueur Ipiritueufo quelconque,
appliquée à propos calme la douleur..
II y a. des perfonnes qui touchent les.
âĂŻpo- De VArt du ĂĂentijFe»
Dents , & quifoit par lâeffet de quelquĂ©
eompofition dans laquelle ils ont tremÂŹ
pĂ© leurs doigts, foit par lâeffet de la
prévention qui fait feule tant de mira
cles, foulagent véritablement un ma
lade, mais pour un inftant. Une patte
de crapaud , un vieux clou quâon cache.
enfuite- avec myftere, font encore les
Ihftrumens dâune guĂ©rifon momentanĂ©e,
dont furement tout le fuccÚs dépend de:
lâopinibn du malade. Que. dâautres re-
medes auffi analogues la Charlatannerie
accrédite ? La feule préfence du Den-
tiffe , ou la frayeur quâil caufe aux per-
ibnnes qui redoutent fa main , les guérir
-quelquefois fur le champ , ou du moins
fufpend tous leurs, maux. Mais le retour
de la douleur,lĂšs ramenant bientĂŽt chez
nous , leur fait voir quâils nâont Ă©vitĂ©
un petit mal, un mal dont la durée eff
trĂšs-courte , que pour sâen prĂ©parer de
plus vifs & de plus durables. On ne
voit tous les jours que trop dâexemple^
de cette foibleffe puérile. Que de per-'
fonnes aiment mieuxfouffrir nuit & jour,
que de fe faire ĂŽter une Dent , & ne;
veulent pas mĂȘme fupporter la moindre-
dpération du Dentiile ! Or;, puifque 1 à 1
De F Art du DentĂŻjĂźe* l$t
frayeur eft une maladie plus incurable
quâaucuns maux de Dents , il faut bien:
chercher des remedes accommodés Ê
la foiblelfe de cette efpe.ce de malades»»
Nous donnerons Ă la fin de cet OuvraÂŹ
ge, parmi quelques compofitions, celles 1 ,
dâune liqueur de dâune pĂąte calmantes*,
dont jâai Ă©prouvĂ© de trĂšs-bons effets*.
IxpsĂŒ' Del* 'Art Ă uĂŻ>entijle^
J*-*** *&&* XXXX%XXX%XXXXX%xxx
C H A PTT RE TROIS IĂ ME.
Des maladies , & de* autres caufes qu$
altĂšrent la blancheur des Dents.
§. I.
P L u s i eu r s caufes altĂšrent &
blancheur & ternilfent lâemail des'
Dents. Telles font principalement touÂŹ
tes les maladies violentes, ou il y a de la.
malignité.; Les pùles couleurs , & la;
|aunilféi rendentlës Dents jaunes ou li
vides; mais Ă mefure quâelles fe difli-
pent, les Dents reprennent leur blanÂŹ
cheur. Câefl: ainli que dans les maladies'
malignes les Dents deviennent brunes:
ou noires ; mais apres la guérifon elles:
reviennent ordinairement dans leur état:
naturel. Les différens remedes dont on
ufe intérieurement dans quelque mala
die que çefoit, les eaux ferrugineufes ou:
minĂ©rales j. les fels quâon y mĂȘle , toutes
' ces ;
Ăź)e V Art du DentijĂźe.
ëes chofes terniflent encore les Dents ;
mais on en rétablit aifément la blancheur
avec de bonne poudre, ou avec quelÂŹ
que opiat. Certains Elixirs ou GargarisÂŹ
mes dontfe fervent quelques perfonnes,
foit pour raffermir leurs Dents ou leurs
gencives, foit pour en calmer les douÂŹ
leurs , contribuent auffi plus ou moins Ă
ternir les Deiits,fuivan.t la nature de leur
compoiition. Cependant, lorfquâil nây
ofl point entrĂ© dâingrĂ©diens cauftiques
ou de corrofifs, on ĂŽte pareillement fans
peine avĂšc la poudre ou lâcpĂźarla crafle
quâils ont' laifiee fur les Dents. Lâufage
de certains alimens peut encore en alÂŹ
térer la blancheur. Les perfonnes qui
ont lâhabitude de fe rincer la bouche
avec du vin rouge pur, sâexpofent Ă cet
inconvĂ©nient: câeft pourquoi enfĂš fer-
vant de vin pour rincer fa bouche (ce
qui eft bon pour lĂšs gencives ), il faut
enfuite fe bien efluyer les Dents , &
«avoir recours Ă la poudre, ou Ă lâopiat,
quand la crafle ne peut ĂȘtre enlevĂ©e par
les frottemens. Ceux qui fument, ou qui
mùchent du tabac pour leur fanté, ou
par Ample habitude, ont ordinairement
les Dents noires, & ne peuvent guĂšres
Tome L â R
ĂŻ<?4 De l'Art du DentijĂźe .
recouvrer leur blancheur, quâen renon-ĂŻ
çant à la pipe ou au machicatoire.
Une habitude infiniment plus danger
reufe, eft celle dâu.fer de certaines pouÂŹ
dres ou de certains opiats compofés de
corrofifs, tels quâen diftribuentles CharÂŹ
latans. Cespernicieufe.s drogues , aprĂšs
avoir donné quelque éclat aux Dents y
non-feulement leur ĂŽtent fans relfource
leinrblancheur naturelle &.les rendent
livides, mais les détruifent infaillible
ment. Le. blanc quâon met fur le vifage
gùte au fil les. Dents de plufieurs manié
ré. Il fe forme fur la Dent, au bord des
gencives.,, une. efpĂšce de ver-d-de-gris
qui commence par la ternir , qui enfin- '
te la delfĂ©che & en brĂ»le lâĂ©mail, fi lâon
nâa beaucoup dâattention Ă le faire ĂŽter ,
Ă mefure quâon en apperçoit le moinÂŹ
dre vefiige.
Au refie, quelques, foins quâon prenÂŹ
ne pour çonferver lÚs Dents blanches,
il. faut obferver que leur- blancheur duÂŹ
re plus ou moins , fuivant la qualité des
Dents , & la fanté dont on jouit. Il y a
dâailleurs plufieurs degrĂ©s de blancheur
qui font lâouvrage de la Nature y&que:.
lâArt ne peut changer. LâĂ©mail eft ordie
DelâArt duDentijĂźe. ipf
nairement dans fon plus grand éclat juf-
quâĂ lâĂąge de 30 ans. Cet Ă©tat dĂ©cline Ă
40, & dâannĂ©e en annĂ©e on sâapper-
çoit que les Dents font moins blanches :
foit que lâĂ©mail sâufe ou devienne plus
mince; foit que les Dents deviennent
plus compares , ou que les canaux denÂŹ
taires sâobftruent; foit que le fuc nourÂŹ
ricier sây porte moins abondamment ou
plus difficilement, parce que les vaif-
feaux font plus étroits ; foit enfin que la
lymphe qui arrofe les Dents foit moins
blanche elle-mĂȘme, ou plus chargĂ©e de
parties féreufes & jaunùtres. : *
De toutes les caufes qui terniflent les
Dents, les plus communes font le limon ,
& le tartre qui les recouvrent dâune eÂŁ-
pĂšce de vernis trĂšs-fale, & fou vent dâuÂŹ
ne croûte épaiffe. Pour faire reparoßtre
la blancheur cachée fous cet enduit jau
ne ou noir, il faut exactement lâemporÂŹ
ter , ce qui fe fait fans beaucoup de peiÂŹ
ne. Cette facilité pourtant ne doit pas
faire moins redouter le tartre 8 c le liÂŹ
mon, dont le moindre féjour fur les
Dents intéreife leur folidité.
Certaines Dents ternies ou livides
ent perdu leur blancheur, par lâeffet de
Rij
'ĂŻ $6 DeVArtduDentijle
quelque coup violent quâon a elfuyĂ© dans
la jeunelTe, de dont la commotion a proÂŹ
duit, dans les canaux dentaires, un épan
chement qui sâeft communiquĂ© au corps
fpongieux. Le cordon de ces fortes de
Dents périt par de petites-fluxions,
qui de tems en tems y fur viennent, &
le canal ne fe remplit jamais davantage. «
Lorfque lâaccident, dont je parle, ( ceÂŹ
lui des coups dans les Dents) eft arrivĂ© Ă
un certain Ăąge, oĂč le canal sâeft trouvĂ©
affez étroit, & les Dents intérieurement
bien garnies, sâil le fait alors un Ă©pan-
chement dans leurs canaux, il eft beauÂŹ
coup moins conftdérable, & altÚre peu
la couleur des Dents, au moins Ă ce que
jâai pu remarquer,
§. IL
De la formation duTartre Cf de fes in-,
çonvéniensy
1T es Dents , maigre leur utilité fl
J_ t prĂ©fente, fl fenftble, & : dâune Ă© viÂŹ
dence dont chaque inftant nous averÂŹ
tßt, font la partie la plus négligée. On
les laiffe communément aller au gré de
De VAri du DentĂŻjĂźei tQ~f
la nature , fans faire la moindre attenÂŹ
tion aux inc onvéniens fans nombre qui
fuivent ou accompagnent leur perte. SI
lâon a quelquefois recours au thentifie,
câefl prefque toujours Ă lâextrĂ©mitĂ©, lorÂŁ
quâil nây a plus .de remedes , ou quâon
peut tout-au-plus éluder pour trÚs-peu
detemsla perte des Dents ; enforte que
malgré lui le Dentifle efl bien moins,
occupĂ© de leur confervation., quâĂ en
délivrer promptement ceux qui les ont
laiffé périr. Le plus prompt effet de cette
négligence, efl la formation du tartre
quâon a autrement nommĂ©' Chancre â parÂŹ
ce quâil ronge, non-fĂšulement les genciÂŹ
ves , mais encore les alvéoles, & la mem
brane qui revĂȘt les racines des Dents.
Or, comme ce font toutes ces parties
qui lés maintiennent fermes & folides ,
lorfquâelles font dĂ©truites conjointeÂŹ
ment ou féparément, lesDents devien
nent chancelantes, & tombent bienÂŹ
tĂŽt , faute de foutien , fi on nĂ©glige dây
apporter les foins conyenables.
Le tartre fe forme par couches,du liÂŹ
mon gras & vifqueux qui sâattache fur
les parties dures , telles que les Dents ,
quand on nâa pas lâattention Se lâenle-
R ĂŒj
Yp8 De lâ Art du Dentijfe.
ver tous les matins. Ce limon provient
<le pĂźufieurs caufes : de certains alimens
qui sâattachent & relient fur les Dents;
dâune falive viciĂ©e, ou trop Ă©paiife ; des
mauvaifes digefdons qui renvoyent des
fumées groffiéres, & qui viennent aufli
quelquefois des poulmons ; de certaine
pituite ; des maladies , & mĂȘme des re-
medes' dont on ufe. A mefure que ce
limon fe durcit, il fe change en tartre.
Il' augmente peu Ă peu par de nouvelles
couches quife dépofent fur la premiÚre,
& il sâincrufte & sâĂ©paiffit Ă tel point
que jâen ai ĂŽtĂ© Ă quelques perfonnes,
des Dents inférieures vers la langue,
des morceaux aufli gros que des amanÂŹ
des. On éviter oit tout ce défordre, fi
chaque jour, le matin, on prenoit lé
foin dâenlever avec une Ă©ponge le liÂŹ
mon qui sâeft attachĂ© pendant la nuit fur
les Dents. Faute de cette attention fur
foi-mĂȘme, le tartre une fois formĂ© sâacÂŹ
cumule , & couvre les Dents dâune croû
te, qui .non-feulement les rend dégoû
tantes , mais dâoĂč sâexhale encore fou-
vent une odeur fort défagréable.
Les Incifives de la mùchoire inférieu
re font pTĂčs fujettes au tartre, que cel-
Ăź)e VArt du Dentifle. l$p
les de la mùchoire fupérieure, fur-tout
dans la face intérieure ou la falive fé-
journe le plus, & oĂč la langue porte enÂŹ
core le limon. Lorfque quelque Dent
douloureufĂš empĂȘche de manger dâun
cĂŽtĂ© , lâinadion de la Dent malade &
de fes voifmes, fait que le tartre sây,
amaffe en grande quantité.
A un certain ùgé, & dans là v-ieillef-
fe, ĂŽn eft ordinairement plus fujet, que
dans là jeuneife, à contracter du tartre»
Il nâeft pourtant point rare de voir aux
jeunes gens-des Dents qui fe couvrent
de tartre, Ă mefure quâelles fortent dĂ©s
gencives ; mais alors il provient des dif-
polirions & des vices que nous avons
marquĂ©s. Par quelque caufĂš quâil foit
produit, & dans quelque cas que ce foit,
Ăąuffi-tĂŽt que ce Corps Ă©tranger sâeft acÂŹ
cumulé fur les Dents, il faut prompte
ment lâenlever; autrement il fait furies
gencives une telle compreffiĂŽn, quâil
empĂȘche le retour des liqueurs , qui
par leur féjour fe corrompent, & dé-
truifent enfin tĂŽt ou tard les gencives *
les alvéoles, & le période des racines.
En effet, Ă mefure que le tartre augmenÂŹ
te de volume 3 il gagne de plus en plus
'200 De VJrt du Dentifle,
les gencives, qui par fa prĂ©fence sâenÂŹ
gorgent & fe gonflent peu Ă peu. Le
fang, oĂč la lymphe fĂ©reufe qui les abreuÂŹ
ve , sâĂ©panche par la rupture des vaif-
feaux. LâalvĂ©ole, dont la membrane efl:
aufïï gonflée, fe dilate , & le fluide qui
sây rĂ©pand y croupit. Ainfi tout fe dé
truit Ă la fois : les gencives, auparavant
fermes & folides, deviennent flafques,
fongueufes , & charnues ; les alvéoles
. sâamolliflent aufli quelquefois ;lesDents
deviennent douloureufes & branlantes.
Cependant, tant que ces parties ne font
pas entiÚrement appauvries & détrui
tes , en ĂŽtant exactement le tartre, & en
évacuant le fluide, dont les gencives
& les alvéoles font également fubmer.
gés, on peut redonner de la folidité aux
Dents. Mais fi lâon diffĂšre trop, le tarÂŹ
tre sâaccroĂźt tellement de jour en jour,
quâil nây a plus moyen de fauver les
Dents, parce que tout ce qui les foute-
noit fe trouve détruit fans relfource ; ce
qui fait quâen ĂŽtant alors ce corps Ă©tranÂŹ
ger , on ne fçauroit empĂȘcher les Dents
dâĂȘtre douloureufes , & de pĂ©rir enfin,
aprĂšs avoir bien fait fouffrir.
Les Dents ainfi déchauffées, 8 c déra*
De VAn du Dentifle. 201
cxnées par le tartre, non-feulement font
difformes par le feul allongement, mais
refufent mĂȘme le ferviee, quand elles
nâont pas confervĂ© une foliditĂ© fufĂŻifan-
te. Le plus fouvent elles caufĂšnt des
fluxions qui forcent le malade Ă les faire
ĂŽter, & Ă ne pas attendre quâelles tomÂŹ
bent dâelies-mĂȘmes.
Quelques perfonnes, aprĂšs sâĂȘtre fait
nettoyer les Dents, les voyant toutes
dĂ©chauffĂ©es & branlantes par lâeffet du
tartre qui les a minĂ©es, croyent quâelles
ne font en cet étatique pour y avoir fait
toucher. Elles communiquent leur'pré
jugĂ©s Ă dâautres, & lâerreur sâaccrĂ©dite
ainfi par tradition. Mais fi ces perfonÂŹ
nes avoient eu plus de foin de leurs
Dents ; fi elles euflÚnt appellé le Den-
tifle, avant que le tartre en eût détruit
le foutien ; fĂŻ, aprĂšs avoir fait ĂŽter ce
tartre, elles avoient eu lâattention dâemÂŹ
pĂȘcher quâil ne sâen formĂąt de nouveau *
elles auroient confervé leurs Dents.
Un autre préjugé non moins dange
reux , eft de prĂ©tendre, comme on lâenÂŹ
tend dire Ă quelques perfonnes, que
quand on a une fois fait toucher Ă fes.
Dents , il faut fans cdfe dans la fuite
2 02 De lâArt du DentijĂźe.
avoir affaire au Dentiile, parce quâa-
lors les Dents fe faliffent bien plus
promptement quâauparavant. Câeft enÂŹ
core un préjugé aufli faux qui fait croire
Ă beaucoup de gens, que les feuls inftru-
mens dâacier dont on fo fert pour netÂŹ
toyer les Dents en ĂŽtent lâĂ©mail, & les
Ă©branlent. Rien de tout cela nâeft Ă
craindre, lorfquâon employĂ© un bon
Dentifte. Il ne faut quâen attefter lâexÂŹ
périence , & le témoignage de tous ceux
qui ont recours Ă nous tous les jours.
Mais voici ce qui donne lieu à ces ré-
dicules & ĂŻrĂšs-fauffes imputations. Bien
des perfonnes, aprĂšs avoir fait nettoyer
leurs Dents,les laiffent retomber par leur
nĂ©gligence dans le mĂȘme Ă©tat oĂč elles'
Ă©toient, & fur lâidĂ©e quâil ne faut point
y faire toucher fi fou vent, ils croyent
ĂȘtre quittes de tous foins ; ce qui fait
quâelles ne tardent pas Ă devenir encore
plus fales, plus chargĂ©es de tartre quâauÂŹ
paravant. On ne penfĂš plus Ă fes Dents*
que quand elles commencent,Ă refufer
le fervice : câefl: alors quâon ouvre les
yeux, & quâon revient au Dentifte, pour
exiger fouvent de fon Art les fecours
quâil ne peut plus donner > parce quâoa
De VĂrt du Dentijfe: 2.03
les a demandes trop tard , & que les
meilleurs remedes ne font pas Ă beauÂŹ
coup prĂšs lâeffet quâauroient pu faire
les moindres remedes employés à tems.
Lâexemple efl encore ici fort contaÂŹ
gieux. On voit beaucoup de gens qui fe
piquent de négliger leurs Dents, parce
quâils fĂšfient fur letr bonne qualitĂ©, SI
quâils ne penfent pas quâelles puiffent jaÂŹ
mais leur manquer. Cette confianceâĂ la
vérité réufßit à quelques perfonnes, qui ,
fans rien faire Ă leurs Dents, les confer-
vent affez long-tems faines 8c folides..
Mais câefl une dĂ©rifion que dâattribuer
la durĂ©e de ces mĂȘmes Dents, au peu de
foin quâon en a. Elle nâefl due quâĂ lĂ
bonté du tempérament du fujet, & à la
bonne conformation des Dents ,des genÂŹ
cives & des alvéoles qui fe confÚrvent
ainfi naturellement dâelles-mĂȘmes. Il efl:
pourtant rare quâĂ la fin on ne foit pas
la duppe de fa négligence. La plupart
de ces Dents fi fortes manquent tout Ă
coup, 8c pĂ©riffent dans le tems quâon sây
attend le moins. Mais pour un petit nomÂŹ
bre de perfonnes qui fÚmblent privilé-
gées à cet égard, combien en efl-il qui
ne parviennent Ă conferver leurs Dents
204 *De V Art dit DentijĂź'e.
que par une grande attention, & q^
feroient avant 30 ans privées de cet
utile ornement, fans le foin particulier
quâelles en ont ! Câefl: par lâeffet de ces
bons foins, que des Dents foibles & dé
licates , qui, pour peu quâondes eĂ»t né
gligées, auroientété bien-tÎt détruites,
de maintiennent jufque dans un Ăąge avanÂŹ
cé , & fubfiftent quelquefois plus long-
tems que les Dents de la meilleure quaÂŹ
lité abandonnées à la nature.
Tous les Dentiiles qui ont écrit un
peu à fond fur cette matiÚre, ont dé
montré combien la confervation dÚs
Dents intéreffe la fanté & la vie. Il ne
faut en effet 1 -, pour sâen convaincre, que
fe repréfenter nettement leur mécanif-
me & leurs fondions. Perfonne nâignoÂŹ
re que les Dents font les principaux inf-
trumens de la maftication. La langue
qui dans cette opĂ©ration fait lâoffice
dâune pelle » aidĂ©e du mouvement des
pues, ramaffe les alimens échappés aux
Dents, ou .qui nâĂ©toient pas fuffifam-
ment broyés , & les rapporte fous la
meule, pour que la mouture sâacheve
par le jeu des deux mĂąchoires. La falive
qui affiue alors dans la bouche pénétre
De VArt du DentĂŻjĂźe'. 26?
cette pĂąte , & la lubrifie. Quand elle eft
bien difpofĂ©e pour la dĂ©glutition, câeft
encore la langue qui la reprend, & qui
la poufle*vers le gofier. De-lĂ lâĂ efopha-
ge la conduit dans lâeftomach, oĂč elle
sâarrĂȘte pour ĂȘtre cuite & digĂ©rĂ©e. Ain fi
quand toutes ces opérations fe' font de
cette maniéré & fans embarras, le chyle
que donnent les alimens eft doux , fluiÂŹ
de , plein de fubftance, & par confisÂŹ
quent propre Ă rĂ©parer, Ă nourrir & Ă
vivifier toutes les parties de la machine.
Si au contraire la maftication eft mal
faite,il efl: ailĂ© de "concevoir la peine quâa
lâeftomach Ă cuire & Ă digĂ©rer cette
mafle. Elle y féjourne donc plus long-
tems, & le chyle qui en provient ne
peut manquer dâĂȘtre Ă©pais, greffier, de
sâaigrir mĂȘme & de riâarriver que fort
lentement au vifeere dâoĂč fe fait la dif-
tribution. De-lĂ les indigeftions de touÂŹ
te efpece , les obftructions dans le
mĂ©fentere , lâembarras dans la circuÂŹ
lation , les engorgemens ; en un mot »
une foule die maladies dont la fource eft
dâune part la nĂ©ceffitĂ© de manger, & de
lâautre la difficultĂ© de faire palfer les. ali-
jmens dans lâĂ©tat que lâeftomach les de-.
20 6 De VArt du Dentijle.
mande. On voit donc combien la bonne
qualité des Dents contribue à la fanté ,
& de quelle importance il eft de confer-
ver j Ă tout Ăąge , ce premier instrument
de la digeftion.
Comme on abufe prefque toujours
de fes avantages naturels , la bonté des
Dents ne doit pas induire perfonne Ă
trop manger, ni Ă broyer plus dâalimens
que fon eftomach nâen peut contenir.
Car les mĂȘmes inconyĂ©niens qui font
produits parle défordre des Dents, ar
rivent encore plus fréquemment par les
excĂšs de lâintempĂ©rance. Je remarque
encore un abus aufli commun que per-
â nicĂźeux-Bien des gens pourvus de Dents
excellentes, ne fçavent prefque point
sâen fervir : ils mangent avĂȘc tant de
prĂ©cipitation, quâils avalent les alimens
a demi-broyĂ©s, & laiflĂšnt tout faire Ă
leur eftomach. Ces voraces font ména-
cĂ©s des mĂȘmesinconvĂ©niens , que ceux. '
qui font privés de leurs Dents.
Les Dents (on lâa tant dit) ne font
pas fi cheres & fi précieufes , feule
ment parce quâelles prĂ©parent notre
nourriture, & quâelles font lâinftrument,
immédiat de notre fubfiftançe : on fçait t
De V Art du DentĂźfte. io-f
que dâelles dĂ©pendent encore lâarticuÂŹ
lation exaéle & nette, la belle pronon
ciation , lâagrĂ©ment de la voix quâelles
rendent plus fonore, & la fà nté de la
poitrine quâelles empĂȘchent de sâĂ©pui-
fer par le chant ou par la parole, en inÂŹ
terceptant une partie -de lâair qui en
fcrt. Quant Ă lâornement naturel que
les Dents forment dans la bouche© M.
Mouton lâa cĂ©lĂ©brĂ© dansfon OdontoteÂŹ
chnie. Qui dâailleurs nâa point remarquĂ©
combien le défaut de Dents défigure ?
Les joues dĂ©nuĂ©es de ce foutien, sâenÂŹ
foncent & fe creufent; la voix fe caffe,
ou perd au moins la netteté qui en eft
le principal agrément ; la filive en par
lant sâĂ©chappe-; en un mot,,tous lestraits
de la vieillelfe sâimpriment avant le tems
iĂčr ceux dont la bouche eft dĂ©meublĂ©e
de bonne heure. Il eft.bien vrai quâon
remédie à ces inconvéniens extérieurs ,
par le moyen des Dents artificielles.:
Lorfque ces Dents font bien faites *
& dâune proportion exacte , elles remÂŹ
placent les plus belles Dents naturelles »
& rendent; a peu prĂšs les mĂȘmes fer- .
Quand on feroit, peu curieux de la
20§ De T Art du Detitijße.
cĂŽnferVation de fes Dents, par rapport
aux avantages extérieurs, elle intéréffe
trop la fanté,pour que la moindre négli
gence à cet égard foit pardonnable. En
effet, quelle incommoditĂ© nâeft-ce pas
dâĂȘtre privĂ© des inftrumens nĂ©ceffaires
de la nutrition, ou de les avoir en fi
mauvais Ă©tat, quâil vaudrait prefque au-
tant%i ĂȘtre privĂ© ? La vib peut-elle ĂȘtre
agrĂ©able, lorfquâonne peut plus manger
que desalimensprefque liquides, quâon
eft réduit en quelque forte à la nourri
ture de lâenfance, quâil faut malgrĂ© foi
sâabftenir de ce qui flatte le plus notre;
goĂ»t, Ă peine dâacheter bien cher le
moindre relĂąchement quâon peut fe pĂ©ri;
mettre, & de payer quelquefois mĂȘme
de la vie ? Si Ton eft foiblement touché
pour foi-mĂȘme.des 'maux quâentraĂźnĂ© la;
perte des Dents,-, on devroitdu moins
affurer Ă fes enfans la confervation dâun
bien quâon regrettera tĂŽt ou tard,' &!Ă©ur
en faire fentir le prix.Il fĂąudrbit-donc que
les peres & meres, aprĂšs leur avoir proÂŹ
curé une bonne Dentition par les moyens
que jâai recommandes, les accoutumaf-t
font de bonne heure Ă avoir foin de leur
bouche, GettÚ habitude,étant contraélee
De fsirt du Dsmifie. 209
dÚs la premiÚre jeuneffe,pùfferoit en né-
celfitĂ©, & câen ferait pour toute la vie»
Au lieĂŒ que, quand Ă un certain Ăąge iL
faut sâaffujettir Ă de pareils foins, il en,
coûte toujours beaucoup ; encore les.
Gublie-tâon fbuvent, ce qui fait retomÂŹ
ber peu Ă peu dans, la mĂȘme nĂ©gligence
quâauparavant»
On voit tous les jours des perlonnes,
qui prĂ©tendent ĂȘtre fort foigneufes de
leurs Dents, & qui pourtant nâempĂȘÂŹ
chent point le tartre de sây amaffer. Mais '
quand tous les foins dont fe piquent ces
fortes de perfonnes fe borneront Ă rincer
exactement leur bouche,fans autre régi
me , jamais elles nâenleveront le limon-
qui par fucceffion de tems forme.utfcorgs;-
t-artareux capable dâĂ©branler & de dé
chauffer les Dents. Canâeft que par une;
grande attention fur foi-mĂȘme & au pris,
dâun rĂ©gime exact, quâon en voit dâauÂŹ
tres conferver pendant-toute leur vie &
dans, un ùge trÚs-avancé-leurs Dents;
également belles & faines- Si., aprÚs;
avoir fait bien nettoyer fĂšs Dents., on;,
Ă©toit exaĂ©l Ă les foignĂȘr,- on. les mainâ,
tiendrait toute fà vie en bon état
fans quâil sây formĂąt de.tartrealorsili k
Terne. 1,. " .
210 De VArt du Dentifte.
ne feroit plus befoin dâavoir recours aux
ferremens fi redoutés de la plûpart de 1
ceux, qui par leur négligence en ren
dent lâufage inĂ©vitable.
Il sâagit Ă prĂ©fent de dĂ©truire le pré
jugĂ© qui eft fi commun ,.par rapport Ă
ces ferremens. Ceux qui croyent que
les inftfumens du. Dentifte altĂšrent &
emportent lâĂ©mail des Dents, font mani-
feftement dans lâerreur. Lâacier nâen-
leve que le tartre, & nâintĂ©reffe point
la Dent fiir laquelle il ne fait que gliffer,
quandla croûte en eft Îtée. APégardde
lâĂ©branlement que lâon craint en faifant
nettoyer fes Dents , lorlquâon a affaire
Ă un habile homme, on ne court pas
le moindre rifque. Dâailleurs ,- quand
les Dents auroient été ébranlées par
quelque mal-adroit ou par quelque
mauvais Dentifte , fi les gencives &
les alvĂ©oles font dâune bonne confti-
tution, deux fois 24 heures aprĂšs elles
auront repris leur lolidité. Il y en a
mille exemples & mille preuves. 1*.
Tous les jours on déplace une Dent,
pour la remettre dans une autre place.
On ĂŽte encore entiĂšrement de la bouÂŹ
che des Dents quâon y remet fur le
De lâArt du Dentifle. su
champ ; on en tranfplante quelques-unes
dâune bouche dans une autre ; on en
luxe auffi fréquemment, pour rompre
leurs nerfs : toutes ces Dents extirpées >
replantées, luxées,le confondent promp
tement , & reprennĂšnt leur confiftence.
Rien donc de plus faux que le préjugé
for lequel on fonde lâĂ©loignement quâon
a pour fe faire nettoyer les Dents. Os
craint de les Ă©branler, en faĂŒĂ nt enlever
le tartre qui détruit entiÚrement leurs
foutĂŻens & les fait tomber, fans refĂŻour-
ee j on ne craint point le féjour de ce
mĂȘme tartre qui feul eft Ă craindre.
Voilà les préjugés populaires dont
les Charlatans fçavent profiter. Gâeffi
alors quâils 'lignaient leuradreflĂš,& quâils
redoublent dâindĂŒftrie, pour mieux dé
biter leurs drogues. Tous les jours ils
â inventent de nouveaux remedes, dont
FeflĂšt ordinaire (fuivant leurs pro-
mefles ) eft de rendre inutiletout lâArt
des Dentiftes.«CeIui-ci vant% une pou
dre merveilleufe dont il raconte, os
fait raconter par gens auffi faux que; lut
des miracles & des prodiges lĂąns nomÂŹ
bre. Cet autre a un prétendu opiat que
a -la vertu de régénérer, qui fait re-
'zi 2 De P Art du Dentifte.
croĂźtre, Ă ce quâil dit, & renaĂźtre lâĂ©mail
ou les gencives, & qui raffermit les
Dents chancellantes. Or, câeft Ă peu
prĂšs la mĂȘme chofe que fi on promettoit:
Ă un homme, auquel il manque un doigt
ou un bras , de lui en faire recroĂźtre un
autre. En effet, quand les gencives font
dĂ©truites, que la racine eft prefque Ă
nud & fans foutien , comment conceÂŹ
voir que ces parties qui font entiĂšrement: ''
eonfumĂ©es,reviendront couvrir la mĂȘme
racine, & confolider la Dent-chancel-
lante ? Loifquâilnây a que les gencives
de malades , & que les alvéoles, non plus
que la membrane qui les tapĂźffe, ne.
font pas dĂ©truits, ou du moins quâils,
ne le font quâen partie, en fĂ ifant ceffer
la caufe du mal, on peut en faire ceffer
lâeffet. Ainfi telles Dents . qui Ă©toienc
branlantes , deviennent quelquefois ferÂŹ
mes & folides par un traitement bien:
entendu.
Parmi iousles prétertduséElixirs van
tĂ©s pour les Dents, je nâen ai point vĂ»
de plus cĂ©lĂ©brĂ©, que celui- quâannonce-
rent il y a quelques années le Mercure
de France, & quelques autres Papiers
publics. Lâhonneur de. ma. profefEon-
214 Ce r Jrt du Deruijle.
dans cet Elixir. Quant à la fécondé pro
priĂ©tĂ© quâon lui attribue, & qui etb
dâempĂȘcher la formation du tartre , elle
nâeft pas moins fauffe que la premiĂšres
On nâa pas befoin dâElixir , pour fe gaÂŹ
rantir du tartre' & lâempĂȘcher de fe
former : il ne faut quâavoir foin de fa
bouche, & obferver ce que jâai prefcrit.
Je ne dis pas quâil nây ait des reme-
des propres a fortifier les gencives, &
à les préferver de bien des maladies-
M. Fauchard nous, a donné plulietirs
compofitions de ce genre dans le ChiÂŹ
rurgien Dentijle, & jâen publie dans
mon Ouvrage aulfi quelques-unes dont
jâai {jour garant mon expĂ©rience. Mais
la bontĂ© de ces remedes veut-ĂȘtre fé
condée par les foins & par la main du
Dentifte : il faut toujours ĂŽter le vice
local, tel que le tartre & tel que le fang
fiiperflu qui engorge & fait affaiffĂȘr les
gencives. Sans ces opérations préala
bles , les meilleurs Elixirs , le BĂąton di
corail , 8c autres topiques, de quelque
nature quâils puiflent ĂȘtre, ne produiÂŹ
ront que trĂšs-peu dâeffet , & nuiront
au contraire Ă proportion de la conÂŹ
fiance ou de la fÚcurité que nous, infpiÿ
De lâArt du DentijĂźe. 21$
fera leur ufage. LâAuteur du merveilÂŹ
leux (Elixir qui heureufement pour le
bien public , aprĂšs une vogue paffa-
gere, eft aujourdâhui prefque ignorĂ©) ,
' confeilloit de ne jamais faire nettoyer
fes Dents, parce que cette opération ,
difoit-il, leur faifoit beaucoup de tort)
einfi quâaux gencives. On doit ĂȘtre raf-
âforĂ© fur cette fauffe crainte, par tout
ce que jâai dit plus haut. De plus, il ne
faut quâun peuâde bon fens, pour voir
que le Marchand dâElixir rie cherche Ă
faire redouter la main duDentifte, que
pour mieux, débiter fa^Drogue. Il féroit
fens doute Ă fouhaiterjquâon put en effet
trouver le moyen-, par lâufage dâune
fimple liqueur, dâempĂȘcher les Dents dĂš
fe charger dé tartre, & de maintenir en
bon Ă©tat les gencives: mais lâexpĂ©rienÂŹ
ce nâa que trop feit voir lâinutilitĂ© des
topiques, fens les foins affidus dé ceux
qui font un peu jaloux de leurs Dents ,.
& fens lâĆil Ă©clairĂ© du Deritifte. Il pa-
roĂźt mĂȘme que lâAuteur de lâElixir etĂŻ
queftion nâen a pas eu beaucoup de dé
bit , ou quâenfin le cri de tous ceux qui
en ont ufĂ© fens fuccĂšs lâa forcĂ© de recon-
noĂźtre publiquement fon infiĂfence par
Ăą 1 6 De lâArt du 'DtnĂ»jte.
rapport au tartre. Car dans un imprimé
oĂč il donne la façon dâemployer ce mĂȘÂŹ
me Elixir & dâautres drogues quâil dé
bite , il recommande de faire avant tout
emporter par les moyens ordinaires le
tartre des Dents. De plus» quand lâocca-
ĂŻion fe prĂ©fente de nettoyer les Dents Ă
quelquâun » ce mĂȘme homme aujourdâhui:
Me la manque point, & reprendra métho*'
de quâil a dĂ©criĂ©e. Il y a donc bien de
lâapparence quâil efĂŻ revenu de fes pré
jugés , & je fouhaßte que fa converfion
puiffe opérer celle des perfbnnes qui
font encore dans la mĂȘme erreur. Jâau-
rois bien voulu me dilpenfer de mâĂ©tenÂŹ
dre lur fon Elixir : mais jâaurois cru manÂŹ
quer au Publicfi dans un ouvrage etré
«repris par le feul motif de lui ĂȘtre utile,
jâavois paffĂ© lĂ©gĂšrement fur un femblable
palliatif. Dâailleurs peut-on trop pré
munir les perfonnes crédules contre
lâabus que les Empyriques font tous les
jours de leur confiance !
CHAPITRĂ
De F Art du Dentifie. 21?
fettibĂŻttHHHKHi *ÂŁ-****---#*«âą*«â
# * ßßC 5fc * SC- -X * X * « * * -X- X X- X 3S * X X X X X X âą&â
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CHAPITRE QUATRIĂME.
Des Maladies des Alvéoles, de celles des
Gencives , G r de leur guérifon.
§. I.
Maladies des Alvéoles.
T es Alvéoles fontfufceptibles
I s de carie comme les Dents mĂȘme ,
.mais plus rarement. Les caufes ordiÂŹ
naires de cette maladie, font un vice
fcorbutique ou vĂȘnĂ«riem, oĂč. quelque
â dĂ©pĂŽt produit dâordinaire par .quelqpĂš
Dent gùtée dont la matieré viciée a trop;
long-tems léjourné dans cette partie.
Les alvéoles font encore fujets à fe
confumer & à fe détruire à peu prÚs com
me les racines dés premiÚres Dents ou
Dents de lait, fans quâil en refte aucun
veftige'. Câeltce quâon peut ĂŻĂčrtout qb-
ferver,quand les racines fe: décbauffent,
Tome I. I
218 De lâArt du Dentijle ;
& dans la fuppuration des gencives. CetÂŹ
te maladie eft trĂšs commune : elle eft
ordinairement caufĂ©e par lâengorgement
des gencives oĂźi le fang fe corrompt par
fon Sjour ; par une lymphe Ăącre & cor-
rofĂźve qui en abreuvant ces parties les
mine peu à peu ; par la feule préfençe
du tartre, ou par lâeffet dâun limon Ăącre
& corrofif qui pénétre fous la gencive >
& jufquâĂ la racine de la.Dent. Ces diffé
rentes caufes font plus ou moins de raÂŹ
vage , félon la qualité des alvéoles &
les difpofitions du fujet. Les alvéoles
& les cloifbns intermédiaires qui occu-;
peat les intervalles des racines, sâamol-
liifent aulE quelquefois , & deviennent
dâune fubftance charnue; ce qui proÂŹ
vient de la ftagnation du fang, ou dâune
lymphe féreufe qui fe trouve infiltrée
dans les gencives : lâabondance de ces
fluides, en féjournant dans les alvéoles
ou-aux environs, produit affez fouvent
cet effet, ce qui mit juger que la Dent
nâa prefque plus defoutien, & quâelle eft
par consĂ©quent douloĂčreufe. Aux per-
fonnes repletes & pituiteufes, lâĂ©branÂŹ
lement des Dents commence par ' le dé
faut des gaines offeufçs qui font affee-
De VArt du Dentijle. ait)
fĂ©es de quelquâune de ces maladies, Se
qui périffent fi on ne veille continuel
lement Ă leur confervadon.
Les vieillards perdent dâordinaire
par lâĂ©branlement les Dents qui ont
Ă©chappĂ© Ă la carie, 8c câeft prefque touÂŹ
jours ici lâalvĂ©ole qui manque ; parce
que le fluide qui circule dans cette parÂŹ
tie nâa plus la mĂȘme-qualitĂ©,, foit que le
cours en foit plus lent, (bit quâil nây ait
plus allez de (lie nourricier, ou quâil
foit appauvri de quelque autre maniéré.
Quelle quâen puiffe ĂȘtre lacaufe , il eft
certain que dans la vieilleffe les racines
des Dents lont communément dégarnies
tant du cÎté des alvéoles, que de celui
des gencives, Sc quâelles font par con-
fĂ©quent peu folides. Jâai cependant reÂŹ
marquĂ© que les vieillards dâun tempé
rament bien fec confervent aflez fou-
vent leurs Dents fermes jufquâĂ un Ăąge
fort avancé
La durée' des alvéoles dépend de la
durée des gencives; le bon ltat.de cel
les-ci empĂȘche ceux-lĂ de fe dĂ©truire.
Ainfi en travaillant Ă la confervation des
gencives, on pourvoit à celle des alvéo-
âą SĂi
'220
De VArt du DentijĂźe:
S* IL
Des gencives en Général.
L es Gencives ne font guéres
malades que les alvĂ©oles ne sâen
reffentent, & quand les alvéoles font
détruits , les geitcives ne relient pas
long-tems dans leur état naturel : elles
fe retirent, elles fuppurent, & les raciÂŹ
nes qui fe trouvent a nud leur devienÂŹ
nent un corps étranger.
Il elt bon dâoblĂšrver en paffant que
les Dents par leur feule préfençe, ou
par la carib dont elles font affectées a
produifent la plupart des maladies qui,
attaquent communément les gencives.
Quand une racine eft dĂ©nuĂ©e dâalvĂ©ole »
la gencive qui fobfifte alors, mĂȘme
celle qui nâeft point retirĂ©e, ne pouvant
sâadapter for cette racine } .ne Içauroit
ĂȘtre en bon Ă©tat; mais - cette maladie,
jiâeft point dangĂ©reĂŒfe. Car lorfquâune
Dent Ă©ftfans reffource, quâelle nâa plus
aucun foutien, & quâelle ne peut,quâm-?,
commoder, aufft-tĂŽt quâelle eft ĂŽtĂ©e >M
222 De l'Art du Dentijle.
chacune. Lorfquâelles couvrent trop lĂ©
corps ou la partie émaillée des Dents ,
câeft une vraie difformitĂ© , un dĂ©faut
contre lâordre naturel. Quand elles laif-
fent à découvert le collet des Dents,
câeĂ» quâelles font retirĂ©es ou dĂ©truiÂŹ
tes ; ce qui eft une difformité. La fubC-
tance des gencives eft toute compofée
de glandes qui concourent avec les
autres glandes de la bouche Ă la filtraÂŹ
tion de la falive. Elles font enveloppées
extĂ©rieurement par la mĂȘme peau qui
tapiffe lâintĂ©rieur de la bouche, & revĂȘÂŹ
tues intécieurement du périofte qui cou-
. vre les os maxillaires. Câeft par le moyen
de ce pĂ©riofte quâelles font adhĂ©rentes
aux alvĂ©oles. Le mĂȘme pĂ©riofte va encoÂŹ
re tapiffer le dedans des alvéoles & les
racines dâune membrane plus dĂ©liĂ©e qui.
eft commune aux deux parties : cette
membrane eft attachĂ©e dâune part aux
parois internes de lâalvĂ©ole par une inÂŹ
finité de petits vaiffeaux fortant du pé
riofte qui couvre les os maxillaires. Ces
vaiffeaux qui , aprÚs avoir traverfé la
fubftance de lâalvĂ©ole, ont formĂ© cette,
membrane > lâattachent encore Ă la raÂŹ
cine dont ils traverfent auffi la fubftan-
TJd VArt du Ventijte. iĂźaf
Ce, & vont former dans lâintĂ©rieur de
cette racine une autre membrane encore
plus fine qui en tapiffe le canal. La raÂŹ
cine de la Dent eft nourrie St vivifiée
par le fiic que lui portent les vaifleaux
dupĂ©riofte qui la recouvre , & lâalvĂ©oÂŹ
le eft ifourri par les vaifleaux du période
gui recouvre les os maxillaires.
Les gencives forment une femfluré
autour de la Dent Ă lâextrĂ©mitĂ© des
alvéoles & viennent en embrafler le col
let conjointement avec le perimaxillai-
re & la membrane qui'les couvre exté
rieurement. .Câ.eft ainfi- que toutes ces
membranes fe réunifient pour affermir
les Dents.
Les gencives fe divilënt en deux par
ties , lâune intĂ©rieure' & lâautre exté
rieure. On appelle la partie extérieure ,
celle qui répond aux joues, & aux lé-
- vres. La partieâintĂ©rieure eft celle -qui
répond au palais , à la mùchoire Supé
rieure , Ă la langue, & Ă la mĂąchoire inÂŹ
fĂ©rieure. Les gencives sâĂ©tendent dans
chaque macboire j depuis la cinquiĂšme
.& derniĂšre Molaire, jufquâĂą' la pareille
Molaire du cÎté oppofe tant en-dedans
guâen-dehors. Elles forment autour des
224 De l'Art du Dentifle;
Dents comme des découpures, ou des'
fĂȘlions qui les embeliflent,enfaifant for-
tir leur blancheur. Avant que les Dents
ayeiit percé , les gencives font tout
unies, & elles couvrent entiĂšrement les
alvĂ©oles, jufquâĂ ce que les Dents les di-
vifent & sâouvrent un paffage. Iftrfque
les Dents font forties, il refte dans leurs
interftices une portion de la gencive
qui nâa point Ă©tĂ© divilĂ©e & qui forme
une pointe plus apparente aux Dents
de devant quâaux autre*. Ces pointes,
quand clics font bien proportionnées,
font un bel effet, & rempliffent les vui-
des que les Dents moins larges vers la
racine laiffent du cÎté des gencives I
Lesgencives dépourvûes de Dents,
. par quelque caufe qué ce foit, fe reti
rent, fe réunifient'& reviennent dans
leur premier Ă©tat. Les vaiffeaux qui sây
diftribucnt: font, comme aux Dents, des
artĂšres, des veines, & des nerfs, & ils
viennent de lĂ mĂȘme fource. Elles ont
une infinité de vaiffeaux lymphatiques
& fanguins qui font dâune extrĂȘme fi-
neffe, comme dans toutes les parties
glanduleufes.
Le principal ufage des gencives efl
SSùïilrSl!
'22(5 De VArt du DmtijĂźe.
férens noms , fuivant les divers fympa
tĂŽmes fous lefquels elles fe manifellent.
De-lĂ le gonflement, lâexcroilfance &
les fongofités des gencives. De-là PB-
poulis , ainfi quâon appelle lâexcroiffance
extraordinaire de ces parties le Parou-
lis y ou lâabfcĂšs dâun certain volume; les
fiflules, lâulcĂ©ratiĂŽh Ă lâextĂ©rieur ou Ă
lâintĂ©rieur des gencives, & les bubesou
petits boutons fiftuleux.
De toutes les .maladies des gencives,
les plus dangereufes font fins contreÂŹ
dit les affeùions fcorbutiques & véné
riennes. Les premiĂšres non - feulement
les rendent flafques &fongueufes,jnais
mĂȘme les ulcĂšrent, les rongent & les
détruifent totalement. Les autres pro-
duifent quelquefois les mĂȘmes ravages,
maïs moins fréquemment.
La caufe la plus ordinaire du gonfleÂŹ
ment des gencives , eft la préfence du
tartre. Les gencives, en cet état,font
épaiffes, élevées, & forment un bour
relet autour des Dents. Les pointes qui
sâavancent dans les intetftices des Dents,
font ordinairement les endroits qui &
gonflent & sâallongent le plus. Leur
gonflement eft rarement douloureux.
'228 De l'Art du Dentifle.
sây ĂȘtre Ă©panchĂ©, ou ĂȘtre arrĂȘtĂ© dans les
yaiffeaux .par fon abondance.
Lorfquâaucune des caufes extĂ©rieuÂŹ
res que nous venons dâarticuler nâa conÂŹ
tribué au gonflement des gencives, il
nây a point Ă douter quâil ne foit produit
par une caufe interne. Alors, fi câen un
epaifiiflement du fang ou de la lymphe
dont la circulation ne foit pas libre,
il faut humeéter & laver avec des boif-
fons convenables. Si, malgré le fré
quent lavage, le gonflement fubfifté en
core , il faut faire faigner les gencives.
Quand le gonflement des gencives
provient de plĂ©thore, ce quâelles indiÂŹ
quent elles-mĂȘmes par des Ă»ignemens
fpontanés, il faut diminuer le volume du
fang, & faire obferver au Malade Je ré
gime propre à Ion état. Mais fi le gon
flement eft produit par la- plénitude des -
tumeurs, il faut les entraĂźner par des
purgatifs. Câeft dâabord lâaflĂąire du Mé
decin : enfuite , sâil eftnĂ©ceffaire, le Den-
tifte travaillera à ; rétablir les gencives,
par les moyens que nous avons indi-.
Les vĂGes fĂšorbutiques ou vĂ©nĂ©riens,qul
fouvent font auflx gonfler les gencives^
»«. X££lSS.JSt
radicalement,'avant que dâen venir aux
SSSSBB
vaxzsaasst
C er If feke "bi^ri^e/1âąâą^^
Observation I.
MĂą^rĂź^stt
pHin.rue delĂ Croix des Petits-Champs,
230 Del'An duDentljle.
prefque fans fuccĂšs. Jâexaminai lâĂ©tat je
fies gencives: je les trouvai médiocre-'
ment gonflĂ©es,âfi ce nâeft aux pointes I
qui lâĂ©toient davantage & fort prolonÂŹ
gĂ©es; mais pour peu quâon y touchĂąt,
elles faignoient facilement. Je dégor- I
' geai ces gencives Ă plufieurs reprifes, &
par de petites incifions que jây faifois
avec la lancette , jâen faifois fortir chaÂŹ
que fois beaucoup de fang. Je retranÂŹ
chai lâexcĂšs des pointes,ou le prolongeÂŹ
ment des mĂȘmes gencives ; je fis enfuite
ufer au Malade dâune eau &dâunopiat
aftringens. Deux jours aprĂšs, le faigne-
ment étoit confidérablement diminué ;
le quatriĂšme jour lâhĂ©morragie ceffa
tout-à -fait, & lés gencives furent par
faitement guéries.
Observation II.
En 17P2, Mademoifelle ***. deÂŹ
meurant rue S. Honoré, prés les Pil-
liers des Halles, eut les gencives fort
malades. Elles fĂš gonflĂšrent & sâĂ©paiffi-
rent fi prodigieufement, quâelles couÂŹ
vraient prefque les Dents. Comme elÂŹ
le fouffroit beaucoup depuis quelques
Ve lâArt du Ventifle. 23 1
jours j elle fut faignée plufßeurs fois , &.
prit las bouillons antifcorbutiques, ce
qui ne fit dâautre effet que de calmer les
grandes douleurs : les gencives reliڏ
rent toujours fort enflées & douloureu-
fes au moindre taél. Elle vint chez moi ;
je lui dĂ©gorgeai les gencives, &jâen couÂŹ
pai lâexcĂ©dent en certains endroits Ă
plufĂźeurs reprifes : aprĂšs les lotions conÂŹ
venables , fes gencives fe rétablirent
parfaitement.
âą 5. V.
Excroijfancis des Gencives, &â leur guc-
L xs excroiffances des gencives ont
les mĂȘmes caufes que leur gonfleÂŹ
ment : ces caufes font par conféquent in
ternes & externes. Ainfi, pour parveÂŹ
nir à guérir radicalement cette maladie »
il faut en reconnoĂźtre la fource, & tra-,
vailler à la détourner.
Si lâexcroiflĂąnce eff produite par quelÂŹ
que caufe extérieurecette caufe Îtée,
la guĂ©rifon fera prompte. Si câeft- une
232 De lâArt du Dentijle.
caufe interne, il faut de mĂȘme la dĂ©truiÂŹ
re , fans quoi tous les remedes-exté
rieurs ne feront que fufpendre ou palÂŹ
lier le mal.
Il y a diffĂ©rens degrĂ©s dâexcroiffan-
ce qui font plus ou moins de défordre.
Elles font généralement produites par la
préfence du tartre, par celle de quel
que racine ou de quelque Dent gùtée,
par quelque excoriation ou ulcération
Survenue aux gencives mĂȘmes, parla
trop grande abondance & la ftagnation
des fucs qui les abreuvent, ou par quelÂŹ
que autre vice qui sây trouve.
Ces excroilfances au commencement
nâont rien de dangereux ; mais fi on les
nĂ©glige, les Dents ne tardent pas Ă sâé
branler , & elles font én rilque de périr,
lorlquâon attend Ă lâextrĂ©mitĂ© pour arrĂȘÂŹ
ter les progrĂšs du mal.
Le premier degrĂ© dâexcrbiflance le
reconnoĂźt au gonflement & Ă la couleur
des gencives. Aufli-tĂŽt quâelles comÂŹ
mencent Ă devenir flĂ fques, fongueu-
' fes & rougeĂątres, il faut aller au plus
prompt remede : ce remede eft de" les
confumer avec un bon opiat ablorbar.t
& defficatif, dont on. continue lâulage
jufquâĂ
y â iitrrn
mBHĂ-3
'234 & e VArt du Dentifte;
cives qui doivent remplir lâinterfiice des
Dents. AprÚs ces opérations, il ne relie
plus quâĂ faire bien baffiner la bouche
du Malade avec une petite éponge fine
trempée dans une eau appropriée, &
on y joint un bon opiat jufquâĂ parfaite
guérifon.
Il ell encore un autre moyen de con-
ferver toute lâĂ©tendue des gencives ,
lorfquâelle nâefi: point exceffive, & dâen
retrancher feulement le trop dâĂ©paiffeur,
ou les parties fongueufes, fans rien couÂŹ
per. On fe fert pour cet effet dâun peÂŹ
tit cautÚre un peu courbe à fon extré
mité , dont la pointe efl arrondie en
forme dâĂąmande, & de lâĂ©paiffeur dâu-i
ne groflĂȘ lentille. Cet infiniment Ă©tant
bien rougi au feii, on le promené plu-
fieurs fois fur les excroiffances, en apÂŹ
puyant un peu fur les parties de lĂ genÂŹ
cive quâon veut applatir & dĂ©truire.
Par ce cautÚre aéluel, les gencives qui
étoient flafques, épaiffes, fongueufes j
font remifÚs dans leur état naturel ,/ans
que les Dents foient dégarnies,: la guéri-,,
fon mĂȘme ordinairement eft plus prompÂŹ
te , & les gencives mieux raffermie*
font moins fĂŒjettes Ă retomber dans le
De lâArt du âDentifle. 2Jp
mĂȘme dĂ©tordre. Je nâinfifterai point ici
fur .lâutilitĂ©' du cautĂšre : on fçait quâil
étoït anciennement une des principales
rpflburces.de la Chirurgie, & 'que fon
application, faite'avec fà geffe , opéré
encore aujourdâhui des Cures furpre-
Quand lĂšs gencives pafoĂźtrĂŽnt fuffi*
famment cautérifées, pour détacher plus :
promptement les efcarres & accélérer la
confolidation des gencives, on fera faire
au Malade un fréquent ulùge des eaux
& des opiats convenables.
Lorfquâil eftquĂšftion de conftimer &
de détruire certaines portions des gen
cives , il faut préférer le cautÚre aélael
au potentiel. Car non-feulement celui-
ci, de quelque nature quâil loir, peut
ĂȘtre entraĂźnĂ© parla fĂąlive ou de quelque âą
autre maniĂ©rĂ© ,& fe gliffer dansrTĆfo-
phagĂ© & dans lâeftomachs -mais encore
il ne produit point autant dâeffet que le
cautĂšre actuel qui, fans ĂȘtre fujet Ă de-
pareils inconvĂ©niens , remplit dâailleurs:
toutes lés indications néceffaires.
M. Faudiard confeille ici lâapplicaÂŹ
tion de la pierre infernale: il propofe
enfuitc pour remede, dans le cas oĂč cette
'236 De lâĂrtdu DentiJĂŻe.
pierre en sâĂ©chappant autoit Ă©tĂ© avis
lée par le Malade, de lui faireboire beau
coup de lait ou dâhuile. Nâeft-il pas plus
sĂ»r & plus court de ne point sâexpofer
Ă cet accident, puifque le cautĂšre acÂŹ
tuel peut opérer la guérifon plus promp
tement & plus sûrement, fans aucun
danger ? Comment cet habile homme
a-t-il pĂ» infifter fur lâuftge dâun çauft
tique qui peut faire, tant de ravage, &
nâĂą-t-il fait quâindiquer le cautĂšre acÂŹ
tuel ?
Dans le fecohd dĂ©grĂ© dâexcroiĂŻfance:,
la gencive eft communément leparée en
deux fur le corps de laDent : celle-ci eft
en partie, recouverte par lâaccroiffement
, des pointes qui sâĂ©tendent dans les inf
terftices des Dents, & ces pointes : en fe
rapprochant* font paroĂźtre la gencive,
féparée en deux. Cet accroiffement,
difforme des pointes , eft prefque touÂŹ
jours produit par le tartre ou par quelÂŹ
que Dent cariĂ©e, ou parce quâon a Ă©tĂ©
long-tems fans.manger de ce cÎté-là . Il
faut toujours ajouter à ces eaufes exté
rieures. la difpofi'.ion du Sujet,
Pour parvenir à la deftruéHon de ; ces
(excroiffances, il fùuß commencer pari dé-
Ve V Art du Dentifle. 2 3.7
âątruire le corps Ă©tranger ou le vice loÂŹ
cal , & enfuite emporter les chairs fu-
perflues avec les cifeaux ou le biftouri »
en confervant toujours, ou mĂȘme en
haut, de petites pointes pourgarnir les
interllices des Dents. Si ces. pointes re-
jcroiflĂšnt encore par la fuite',, il faut re- _
courir alors à la Médecine,pour en dé-,
truire au-dedans la fource, & au cautڏ
re aéiuel, pour en borner, le cours an
La troifiĂ©mc elpĂ«ce dâexcroiißùnces
e!l en mĂȘme tems la plus douloureulĂš
"& la plus dangereufe de toutes. Elle
provient toujours du vice des liqueurs
& des fucs qui arrofent les gencives.,'
eu du mauvais, état de quelque.corps
voifin', foit. Dent, fiĂąt racine. Ces ex-
\croiffanCes font dâordinaire dâun rouÂŹ
ge foncĂ© tirant au noir, & jâen ai vu
de'monftrueufes. On conçoit aifément
quâelles, acquiĂšrent ce volume exceffif
par le moyen des vaiffeaux qui sây dif-
tribuent. Ces Vaiffeaux. fe prolongeant
& le dilatant par lâabondance du lire,
nourricier qui sây porte continuellement,
augmentent tellement ces parties chaçe
23 8 De Z 'Art du Dentijle.
nues, quâil sây forme une appendice qui
va toujours en croiffant..
Pour arrĂȘter le progrĂšs du mal,.il finit
emporter lâexcroiffance , & appliquer
fur la playe le cautĂšre a duel: il ferttant
Ă froncer Sc Ă raccourcir lâextrĂ©mitĂ© des
vaiffeaux qui alors ne peuvent plus fe
prolonger , quâĂ arrĂȘter "lâhĂ©morragie
qui quelquefois efl: confidérable. AprÚs
avoir ĂŽtĂ© la caufĂš qui lâa produite, ĂŽn
abandonne Ă la nature la guĂ©rifon dâune
pareille playe, en lâaidant nĂ©anmoins dĂšs-
lĂŽtions que je. recommande toujours. Il
faut obferver que la falive eft dans la
bouche une forte de baume qui conÂŹ
tribue encore à guérir la playe, à moins:
quâelle ne foit vitiĂ©e.
Lorfquâil sâagit dâenlever une exçroif-
fance dâun gros volume, mais qui nâa
pas beaucoup de confiftence , il faut
placer le Sujet for un fßége. commode ,âą
faire une petite ligature for le col de lâex-
croiffance avec un fil double ou triple,
réunir les deux bouts du fil, & les tirer
lĂ©gĂšrement Ă foi dâune main, tandis que
de lâautre on coupe lâexcroiffance au deÂŹ
lĂ de la ligature avec les cilĂšaux ouĂŻe
biflouri. Il faut préférer le biftouri aux-
m+.i&igSSLZi
tSBSffgg^SSt
ppuyons ce que nous venons dé.
de deux Obfervations fur des
lis, ou excroiffances confidérables.
dir^^
Epoulis, c
Observation L
Eu câ,'s«ii'S Ă.SâĂŻĂŻĂ©ES
sĂŠas
24° De lâ Art du DĂ«ntijk.
tre vers la l'évre. Celle-ci étoit de Ij
forme & ,dela groffeur dâune amande j
avec fa coque ;, lâautre un peu plus'ped- j
te. Dâabord la rĂ©paration de ces ex-
eroiffapces nâempĂȘchoit point la machoi-
re infĂ©rieure de sâapprocher' de la fupĂ©-
rieure; mais dans la fuite elles gĂȘnĂšrent j
tellementle mouvement des mĂąchoires., I
& devinrent lĂź fujettes Ă faigner, queTe
Sujet ne. pouvoir plus prendre dâautre
aliment que de lafoupe. Déplus, ces-
deux excroiffances- couvroieqt & fur-
paffoient de beaucoup les Dents de deÂŹ
vant ; elles Ă©t'oient dâun rouge trĂšs-brun,
& comme polypeufes, ce qui défiguroit
la Malade au point quâelle nâofoit plus
fe montrer. AprÚs avoir bien examiné
i Ă bouche, je lui dĂ©clarai quâelle ne guĂ©-
riroit radicalement, quâen ĂŽtant lacaufe
du mal, câeft-Ă -dirĂ©, la racine qui lĂ©
produifoit.. Elle me dit quâaprĂšs quâon
lui eût caffé fa Dent, onavoit Îté la ra
cine par petits morceaux, & quâelle ne
croyoit pas quâil en fĂ»t reftĂ©., Jelâaffurai
quâil reftoit encore une partie de cette
racine, & que tout le mal en provenait.
Nous prĂźmes jour au lendemain pour
.couper ces excroiffances, & extirper la
De lâArt du Derttijle. ' 241
racine. Etant venue Ă lâheure marquĂ©e-,
je commençai par embraffer enfemble
les deux excroiffances qui avoient un
col, avec une bonne ligaturejje tirois les
deux bouts du fil Ă moi, tandis quâavec
un biftouri je coupois au-deffus de la
ligature, & les chairs fuient emportées
Ă lâinftant. Je laifiĂ i couler pendant plus
dâun quart dâheure le fang qui venoit
abondamment ; enfuite avec de la charÂŹ
pie je lâĂ©tanchai,pour examiner la playe.
La charpie levée, je fends la racine, 8c
je lâĂŽtai tout de fuite avec le pĂ©lican. Je
recommandai Ă la Malade de fe rincer
fréquemment la bouche,pendant un jour
â ou deux, avec du vin miellĂ©. Le huidĂ©-
me jour aprĂšs lâopĂ©ration, elle me reÂŹ
venus : je trouvai fa gencive aufli bien
cicatrifÚe que-fi je ne lui eulfe Îté qulune
fimple racine, & depuis les excroiffances
nâont point reparu. Elle eĂ» mariĂ©e dans
mon quartier, & je puis affurer que lĂ
bouche eft en bon état.
Quelque tems aprÚs, je fis précifé-
jnent toute la mĂȘme opĂ©ration Ă une
Marchande Parfumeufe qui me fut adref-
féeparM .Levret, célébré Chirurgien
Tome I. ' X
'2^2 De lâArt du Dentijte.
Accoucheur. La Malade avoir trois'eÂŁ
croiffances du cÎté droit à la mùchoire
infĂ©rieure, & elles sâĂ©tendoient depuis
la premiĂšre des petites Molaires, jufquâĂ
la fécondé & la pénultiÚme des grofi-
fes. Deux de ces excroiffances étoient;
Ă peu prĂšs du mĂȘme volume, qui Ă©toit
celui dâune groffe aveline, & la troifiĂ©-
me Ă©toit un peu plus petite. Jâemportai
ces trois excroiffances de la mĂȘme façon
que celles du prĂ©cĂ©dent Sujet. JâattachĂąi
fĂ©parĂ©ment la troifiĂ©me,, parce quâelle
étoit trop éloignée des deux autres, &
je ne fis pour celle-ci quâune mĂȘme liÂŹ
gature. Je me fĂšrvis du cifeau courbe, |
& lâopĂ©ration fut trĂšs-prompte. DĂšs ' I
que le fĂ ng ne coula plus, jâĂŽtai fans
peine les racines que ces excroiffances
cachoient, & jâordonnai Ă la Malade de'
fréquentes lotions de vin miellé. Elle
fut parfaitement guérie en trÚs-peu de
jours, & depuis elle nâa pas revu dâex-
sroĂźflĂąnce.
Observation II.
â M. * * * rue des Petits-Champs }
avoir depuis fort long-tems les gencives
De P Art du Deniijte. 24}
trÚs-épaiffes , trÚs-groflÚs , flafquas ,
fongueufes & blanchĂątres : indications
qui faifoient voir quâelles Ă©toient fur-
chargĂ©es dâune lymphe fĂ©reufe. Il avoir
déjà fait plufieurs remedes y & trois fois
on lui avoit coupé les gencives. Mais
elles étoient revenues chaque fois dans
le mĂȘme Ă©tat, & elles recou vrcient en
partie, les Dents, qui dâailleurs Ă©toient
fort ébranlées.- hß. * * * peu iranquille
fur le défordre de là bouche fe mit en
tre mes mains , & danslâelpace de cinq
femaines je le guéris parfaitement par
le feul ufage du cautÚre-aéluel, auquel,
on joignit.quelques purgatifs hydrago-
gues. Ses Dents font aéluellement trÚs-
folides, & fes gencives dans leur état
naturel. Il a feulement lâattention de fe
purger tous les mois, comme je le lui
ai recommandĂ© , & il ufe dâun opiat
ablbrbĂ nt.
mm
Xij
244 De VArt du Dentijtt.
S-VL
Des tumeurs Carcinomateuses,
u and il furvient aux gencives 1
des tumeurs carcĂźnomateufes, il eft
à ifé de les emporter avec une pince *
bien tranchante, faite Ă peu prĂšs de mĂȘÂŹ
me que celle qui fert Ă raccourcir les
Dents, mais plus large. Le bec de cet:
infiniment doit ĂȘtre aufli plus long &
un peu courbe, mais cependant moins*
que celui du davier. Au moyen de cet
outil la tumeur, eut-elle une confidence 1
offeuffe, sâenleve aufli vite quâune Dent.
M. Fauchard , en parlant de cette
opĂ©ration , voudrait quâelle fe fĂźt avec:
les inftrumens qui fervent Ă ĂŽter les
Dents , ou avec un petite fcie, ou avec
un petit cifeau tel que le bec-dâĂąne des.
Menuifiers. Il ajoute mĂȘme quâen opé
rant avec le bec-dâĂąne, il faut frapper fur
lâextrĂ©mitĂ© du manche avec un petit
maillet, comme quand on travaille lĂčr
le bois. Je laiffe imaginer au leéleur
le fingulier effet de la fcie, & liirtout
Ăź yci-aprĂšs Planche ĂŻ. page zp).
246 De T Art du Dentijle.
par la defcription dâune maladie de ce
genre qui fubfifte encore.
Dans la rue Poiffonniere Ă lâentrĂ©e du
Fauxbourg Montmartre , eft un Me-
nuifiet, auquel il furvint il y a quelÂŹ
ques années une fluxion trÚs-forte.,
caufée par plufieurs racines dés MÎlai
res de la mĂąchoire infĂ©rieure qui sâĂ©-
toient caffées. La fluxion & le gonfle
ment extĂ©rieur sâĂ©tant diffipĂ©s, les genÂŹ
cives en cĂ©t endroit sâĂ©levĂšrent & acÂŹ
quirent , outre un trĂšs-gros volume,
une confiftence fort dure. Depuis ,. ces
mĂȘmes gencives ont recouvert la tuÂŹ
meur qui sây elLfĂŽrmĂ©e, & elles font
minces comme du parchemin. La tĂč-
meur eft aéluellement greffe comme tin
des plus gros Ćufs dâoye , ce qui rend
la joue trĂšs-difforme, gĂȘne la langue
& la prononciation, & incommode le
malade en mangeant. Les douleurs quâelÂŹ
le lui fait font périodiques. Cette tu
meur eft fort inégale, & préfente plu
fieurs éminences. Toutes.lës racines des
Dents qui lâont produite y font renferÂŹ
mĂ©es ; il nâeft pas mĂȘme douteux que
cette efpece de coque offeufe qui 'eft
248 De VJrt du Dentifie.
pourtant point le fujet de travailler joĂŒf-
nellement. Or, pour opérer une guérii
fon radicale, je voudrais préparer le
malade par la faignée, par les purga
tifs, & par les bouillons rafraĂźchiflans.
Le corps ainfï bien difpofé, on commen
cerait par emporter avec la pince la
partie de la tumeur la plus éminente.
Cette premiĂšre extirpation faite,on ver-
roit lĂŻ elle contient quelque fluide, ou fl
câeft une pure offification : on examiÂŹ
nerait enfuite fi lâon y fent quelque raciÂŹ
ne, & pour peu quâon vĂźt de jour Ă
lâĂŽter, il faudrait le faire. Chaque jour
enfuite on procĂ©deroit Ă confumer & Ă
détruire peu à peu avec le cautÚre ac
tuel le corps de la tumeur, ou les parties
©(feules julquâĂ parfaite guĂ©rifon. A chaÂŹ
que opération du cautÚre , on obfer-
veroit dâĂ ter les racines qui fe prĂ©-
fenteroient Ă mefure que la tumeur dinu-
nuĂ©roit, jufquâĂ ce quâil nâen reftĂąt plus
aucune ; & de fréquentes lotions avec
lâeau de mirthe, ou telle autre propre
à cet effet,achÚveraient de tout rétablir.
Je Crois que ce feroit-lĂ le moyen le
plus fur pour guérir cette maladie , &
celui qui ferait le moins fouffrir le fujet»
.§⹠VIL
TaLmlmd^
T ES FLUXIONS & les abfcĂšs
cordon sâengorge , & communique fa
2JO De lâArt du DentijĂŻe.
lâos maxillaire , & lâinflammation de
lâalvĂ©ole paflĂȘ infenfiblement aux genciÂŹ
ves qui, comme toutes les parties molles,
font le moins en Ă©tat de rĂ©fĂźfter. Câeft
donc fur les gencives que fe forment les
paroulis & les abfcĂšs. Le fang qui coule
dans leurs vaifleaux sây trouve arrĂȘtĂ©
par le gonflement des nerfs qui for»
ment comme autant de digues. Ces
vaifleaux fĂ© dilatent & le rompent, lâhuÂŹ
meur fe dĂ©pofe, sâaigrit, fermente&
fe change en pus.
Dâautres caufes encore peuvent proÂŹ
duire les fluxions & les paroulis, comÂŹ
me lâintempĂ©rie des faĂźfons, les chĂ»tes
ou les coupsles fuites dâune extraĂ©lion
de Dent difficile, & quelque vice parÂŹ
ticulier.
Auffi-tĂŽt que lâĂ bfcĂšs eil formĂ©, il faut
donner promptement iflue Ă la matiĂšre,
fans mĂȘme attendre quâelle ait fa matuÂŹ
rité , parceque fon lejour pourrait alté
rer les parties ofleufes qui fe trouvent
fous les gencives, ou parce que la ma-
tierefe peut faire jour au-dehors. Par cetÂŹ
te raifon, quand lâabfoĂšs eft Ă la mĂąchoire
inférieure, oà par fon propre poids la
matiÚre fe porte à la partie ls plus baifé
De V du Dentijle. 2.51
'(quoique naturellement la tumeur fe porÂŹ
te Ă lâextĂ©rieur du vifage ), pour empĂȘÂŹ
cher que cette matiĂšre ne fejourne, il
faut en diriger le cours par le dedans
de la bouche. On doit pour Ćla comÂŹ
mencer par ĂŽter la Dent ou le Chicot,
il lâon reconnoĂźt lâun ou lâautre pour la
caufe du mal ; on agrandit enfuite lâouÂŹ
verture avec le déchauffoir , vers le
fond de lâalvĂ©ole qui fe trouve percĂ©
.âądu cĂŽtĂ© de lâabfcĂšs. LâopĂ©ration faite ,
on porte extĂ©rieurement fur la joue Ă
lâendroit de la tumeur des compreffes
graduĂ©es , & au moyen dâun bandage
convenable, on repoime tellement la maÂŹ
tiĂšre quâon lâoblige de fortir par le trou
que la Dent Ă laiffĂ©, & quâon a eu foin
dâaggrandir pour tavorifer fon iffue.
AprĂšs lâouverture de lâabfcĂšs, il faut
avoir- lâattention de preffer la tumeur >
pour frire fortir tout le pus dont il pour-
roit relier une partie dans quelque fi-
nus. Si la tumeur avoir de la peine Ă sâé
vacuer, ou ne fe vuidoit quâen partie ,
foit pour nâavoir pas une iffue fuffifante
par lâextraclion de la Dent, foit parce
que cette Dent nâa pu ĂȘtre ĂŽtĂ©e, ilfau-
droit frire une ouverture au bas delĂ
2 y 2 De lâArt du Dentijle.
gencive , entre, la gencive mĂȘme & Ă
lĂšvre , oĂč la fluĂ©luation fe fait fen-
Quand pour avoir diffĂ©rĂ© dâĂ»uvrir
lâabfcĂšs , lĂ matiĂšre par fon fĂ©jour, ou
par quelque vice particulier, eft telleÂŹ
ment corrofive quâelle mine lâos maxilÂŹ
laire , ou feulement les alvéoles, il faut
dĂ©couvrir lâos cariĂ© & y porter le cauÂŹ
tĂšre aĂ©luet, tant pour arrĂȘter les proÂŹ
grÚs de la carie, que pour accélérer
lâexfoliation des os altĂ©rĂ©s par lâhumeur,
& obtenir une plus prompte guéri-
Si la carie eft conißdérable & accom
pagnĂ©e dâaccidens fĂącheux, il faut ap-:
peller une bon eonfeil. Lorfquâon agirai
âąde concert, la carie fera traitĂ©e & guĂ©rie
par les remĂšdes convenables. Mais jâolĂȘ
le dire, dans tous ces cas je nâen trouve
point de meilleur que le cautÚre aéïuel :
jâen ai vu des effets furprenans, mĂȘme
pour la carie des feorbutiques. Car le
cautĂšre abforbe en partie la .lĂąnie qui
ronge les mĂąchoires, & met plus prompÂŹ
tement des bornes Ă la carie.
Pour faciliter lâexfoliation des os, on
-y porte un peu de coton trempé dans la
Ve VArt du Dentijle. 2^3
teinture de mirrhe & dâaloes, -dedans
lâhuile de gĂ©rofle. /.
Dans le cours de toutes ces opéra-
tions,il ne faut point nĂ©gliger lâufage des
pemedes intérieurs les plus efficaces pour ;
détruire le vice fcorbutique. En géné
ral , on ne parviendra à guérir radicale-.
ment toutes fortes de paroulis , quâau
prĂ©alable on nâen ait dĂ©truit la fource.
Quand le paroulis ou la fluxion eft.
lâeffet dâune Dent gĂątĂ©e ou dâun chicot,;
on peut en arrĂȘter las progrĂšs & mĂȘme
empĂȘcher lâabfoĂšs de fe former. Il faut,
dâabord pour cet effet bien examiner les
Dents du fhjet, & fi ce font elles qui pro-.
duifent le mal, il faut ĂŽter les Dents
viciées, fans avoir égard à la fluxion.
Lâextraction faitelde Amples lotions avec
le lait tiede guériront promptement le.
malade. Ici lâĂ©vacuation du fang dĂ©gorÂŹ
ge & débarraffe les vaiffeaux beaucoup
mieux, que ne ferojt la plus forte faignée
du pied ou du bras. Le lait tiede, dâun
gonflées, & bien tÎt la fluxion dilpa-
roĂźt.
Lorfque lâabfcĂšs eft tout formĂ©, fi
on ĂŽte 1» Dent,jl nâeĂ» ordinairement pas.
2/4 lâdrtdu Dentifle.
befoin de lâouvrir. Lâhumeur sâĂ©vacuĂš
en mĂȘme tems, & lâulcĂšre en peu de
murs fe trouve guéri, fans y rien faire.
De mĂȘme Ă la fuite dâun abfcĂšs, sâil relie
quelque fiflule que la Dent aitproduite,-
on ne parvi'entĂ la guĂ©rir que par lâex-
traĂ©lion de cette Dent; mais dĂšs quâelle
ell Îtée, tout eft fait.
Lorfque la Dent qui eft la fource du
mal eft trop apparente, que le malade
ne la veut pas facrifier, & quâelle hâeft
point trop gĂątĂ©e dâailleurs, pour Ă©m-
pĂȘcher lâabfcĂšs de fe former , ou de
devenir confidĂ©rable, il faut employerâ
lucceffivement la fiignée du bras &
celle du pied. Si lâinflammation contiÂŹ
nue, onfeitbaflĂźner la^ bouche du maÂŹ
lade avec le lait tiÚde trÚs-fréquent-;
ment renouvellĂ©. On lâapplique encore;
extĂ©rieurement lĂčr la tumeur, & on y
joint les cataplafmes faits avec le lait,
la mie de pain , un jaune dâĆuf & du
fafran ,' arrofĂ©s dâun peu dâhuile refit,'
dâhuile de lys, ou dâhuile de behĂšnv
Ces cataplafines fe renouvellent de quaÂŹ
tre heures, en quatre heures.
Si la gencive non-feulement étoit
douloureufe , mais avoit encore une"
De lâArt du Dentijie. ayy
petite tumeur, on y mettroitun morÂŹ
ceau de figue grafle cuite dans du lait
quâon auroit loin de renouveller de tems
en tems. Ce topique innocent fait que
la matiĂšre qui commence Ă fe former imÂŹ
porte plus promptement vers lâextĂ©rieur
de la gencive, & quâelle sây fait jour : ou
bien, lorfquâon y fentla moindre fluĂ©tua-
tßon ,'on lui donne iffuÚ, ce qui accéléré
la guérifon.
Quand le paroulis eft produit par'
quelqueâ coup, par quelque chute, par
la pléthore du Sujet, ou par quelque
autre indifpofition, ouquand ilfhrvient.
Ă la fuite dâune extraĂ©Hon laborieufĂš,
le traitement doit ĂȘtre le,mĂȘme que
pour lâefpĂ©ce d-deflĂ»s.
Sâil eft lâeffet de quelque vice fcor- ;
butique ou vénérien, en pratiquant les *
remĂšdes extĂ©rieurs qui viennent dâĂȘtre
indiquĂ©s, il faut travailler Ă lâintĂ©rieur ;
& fi le mal avoir gagné les parties Îffeu-
fes, on employeroit alors les moyens
que la Médecine & la Chiru/gie four-
niffent en femblables occafions.
2 f6 De lâArt du Dentifle.
§. VIII.
Des Jiftules qui fe forment aux gencives;
£r de la maniéré de les traiter.
L es fistules qui fur viennent
aux gencives, reffemblent 'Ă celles
qui fe forment dans les autres parties du
corps : lâentrĂ©e en efl Ă©troite, & la fofle
ou le fond plus large. Au relie, elles,
-font plus ou moins profondes,fĂ©lon lâacri-
. monie de lâhumeur qui les a creufĂ©es &
le retard des lĂšcours quâexige le mal, &
elles pĂ©nĂ©trent quelquefois jufquâĂ lâos
maxillaire. Ces fiftules font communé
ment produites par quelque Dent ou par
«quelque racine gùtée : elles viennent à -
la fuite de quelque fluxion & de quelÂŹ
que abfcĂšs aux gencives, ou Ă dâautres
parties de la bouche, lequel pour avoir -,
Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©, ou pour nâavoir pas Ă©tĂ©
traité méthodiquement, a dégénéré en,
un ulcĂšre' fiftuleux.
Pour guérir une fiflule de la premiÚre
efpĂ©ce , il ne sâagit que dâĂŽter la Dent
ou lâa racine qui la produite & qui lâen-
De VArt du
jans autre remeae au lieu que Ăźauiant
rĂSĂ's'-r
' IS2SSK
ISSlSfSS
ĂKS&iSSĂĂSZ '
mĂ©erj lâulcĂšre alors -& cicatrife , &
wĂȘĂšĂȘm
ties de lâos altĂ©rĂ© fe dĂ©truifent & fe dĂ©-
»âSâ=-fS
2j8 De l'Art du Dentifte.
médie au vice local, il faut avoir foin
de détruire la caufe, foit interne, fÎit
externe, qui peut avoir produit la fiftule»
Le furplus du traitement eft le mĂȘme
que pour le paroulis. On fait des injecÂŹ
tions de vin miellé dans le linus, pour le
détarger & le confolider promptement!
Les trois OblĂȘrvations fuivantes prouÂŹ
veront cette théorie des fiftules. :
Observation I.
Le Sieur*** MaĂźtre Tailleur dâhaÂŹ
bits , demeurant alors rue BĂ©thizi ,â chez
lui Epicier,* avoit depuis environ 18
mois une petite Molaire du cÎté gau
che de la mùchoire inférieure gùtée
vers la gencive, & dans lâinterilice qui
répond à la Canine. Cette Dent lui -
caulbit beaucoup de douleur, & elle .
produifit une fluxion -trĂšs-forte qui fe
termina par un abfcĂšs. LâabfcĂšs ayant
percé par la joue , il y relia une fiftule
qui fut traitée pendant huit mois file*
ceffivement par un Chirurgien & par un
Apoticaire, fans quâaucun dâeux pĂ»t ve-
Ă bout de la guĂ©rir. LâopiniĂątretĂ© de
cette fiftule ayant également rebuté ces
Ve l'Art du Ventijle. _ ayjr
Praticiens & le malade , on ceflĂ de
faire des remĂšdes inutiles, & lâon sâen
tint Ă un fimple emplĂątre. Quelque tems
aprĂšs, le malade accompagna chez moi:
fa femme qui venoit. fe faire ĂŽter une
Dent. A la feule vĂ»e de lâemplĂątre queÂŹ
lfe mari avoit fur la joue , je mâimaginai:
que câĂ©toit lâeffet de quelque Dent qui:
«voit fait du défordre , & je lui deman
dai quel Ă©toitfon mal.il me raconta quâili
avoit eu une fluxion qui avoit fini par-
un abfcĂšs : le Chirurgien&lâApoticaire
qui l'avaient traité tour à tour, aprÚs:
lui avoir inutilement fait prendre une;
infinité de drogues, lui avoïent dit que;
fon mal nâĂ©tait autre cholĂš que des hur
meurs froides. Il ajouta, quâavant fa fluâ
xion il sâĂ©tait fait ĂŽter une Dent par un:
OpĂ©rateur Italien ; que la Dent sâĂ©toit:
calfĂ©e dans lâopĂ©ration ; quâon lâavoir
renvoyé fans lui Îter la racine -, en lui:
recommandant de ne point entreprenÂŹ
dre de la faire extirper, parce quâon lui:
cafferoit plutĂŽt la mĂąchoire « que dâen;
venir jamais Ă .bout;.& quâeffrayĂ© du:
prcmoftic U sâĂ©toit bien donnĂ© de garde:
de faire, toucher Ă cette racine. H me;
laiflĂą cependant examiner lâĂ©tat de fa:
âą X1
2 Go De l'Art du Dentijle:
bouche, & je reconnus que la maladie
nâĂ©toit pas occafionnĂ©e par cette racine*
mais par la premiĂšre petite Molaire qui*
paroilfant trÚs-faine au dehors, étoit gù
tĂ©e en un endroit impĂ©nĂ©trable Ă dâautres
yeux quâĂ ceux dâun Dentifte expĂ©riÂŹ
menté. Quand je me fus bien affuré avec
la fonde de la cavité de cette Dent, je
dis au malade que câĂ©toit la fource de
tout le ravage qui sâĂ©toit fait dans fa
bouche, & quâil ne guĂ©riroit jamais tant
quâelle ne feroit point ĂŽtĂ©e. Quant Ă la
racine quâil craignoit tant de faire arraÂŹ
cher, je lui fis entendre que fon Italien
nâĂ©toit pas plus vrai dans fon pronoftic
quâadroit dans fes opĂ©rations. Il me deÂŹ
manda quelques jours pour fe détermi
ner Ă lâextraĂ©iion de fa petite Molaire,&
nous en reflĂąmes-lĂ . Environ un mois
aprĂšs il revint : je lui ĂŽtai non-feuleÂŹ
ment cette Molaire , mais encore, fans
quâil sâen apperçût, la racine quâil vou»
loit conferver. Il fut agréablement fur-
p.ris de fe voir dĂ©barraffĂ© tout dâun coup
de lâune & .de lâautre. Le neuviĂšme jour
la fiftule fÚ trouva parfaitement guérie ,
fans y avoir fait aucun remĂšde. Il ne lui
relia quâune cicatrice qui fans doute eft
z6z De VArt du DentifĂźe.
véole , un corps folide qui fembioi't
obéir au mouvement de la fonde, ce qui: '
me fit foupçonner que câĂ©toit quelque
portion de racine reficĂ©e aprĂšs lâextracÂŹ
tion de. la Dent, ou quelque autre fraÂŹ
gment offeux. Je demandai Ă M. **** sâil
avoit fa Dent; il ne lâavoit point garÂŹ
dée. Je tentai plufieurs fois avec unÚ:
petite rugine, faite en bec de perroquet^
dâaller chercher & dâamener au-dehors
ce corps Ă©tranger quel quâil fut. AprĂšs
des tentatives inutiles , je déterminai le
Malade Ă me.laiffer travailler efficaceÂŹ
ment. Jâouvris pour cet effet la genciÂŹ
ve & lâalvĂ©ole avec des cifĂšaux , ĂȘt
mâĂ©tant ainfi fait jour, je trouvai un refiĂ©
de racine Ă lâentrĂ©e du finus maxillaire.
JâĂŽtai facilement ce. dĂ©bris offeĂčx, & Ăźe
Malade en peu de jours fut parfaitement
guéri, fans autre remede. que. des lo
tions de vin miellé..
Observation IIL
M. ** Tréforier de France, avoit
depuis environ trois ans une fiflule con-
fidĂ©rable, refie dâune fluxion qui eut fon
cours. Quelque, tems aprÚs que cette ùû-
De VArt du DentĂź/fe. ^6 f
Saofc fut pafleé, il alla chez un Dentifte
qui ne lui reconnut aucune maladie aux
gencives , qui ne sâapperçut point non
plus de la caufe de la fiflule, & fe conÂŹ
tenta de lui nettoyer les Dents. Le MaÂŹ
lade voyant quâil avoit toujours, fur-
tout le matin, un mauvais goût dans la
bouche, mais dâunfeul cotĂ©, & quâen
fe mouchant un peu fort , il y fentoit
couler quelque choie qui lâinfecloĂźt,
vint me confulter fur ces indications. A.
lâexamen de fa bouche, je vis quâil
lui manquoit à la mùchoire fupérieure
lâavant-derniere Dent du cĂŽtĂ© droit , &
la gencive me parut parfaitement cica-
trifĂ©e ; mais jây remarquai un endroit
large Ă peu prĂšs comme une lentille qui
étoit de couleur brune. Je prelfai cet
endroit & les environs, il nâen lĂŽrtit
rien. Je mâavifai de porter les doigts
en-dehors fur la joue, & de les promeÂŹ
ner, en appuyant un peu, autour de
lâos zygomatique , & jâĂ©cartois en
mĂȘme tems la joue de lâautre main ,
pour voir ce qui fe palfoit en deÂŹ
dans. Je vis fortrr alors de la gencive,
à cÎté de la premiÚre grolfe Molaire ,
quelques gouttes dâune matiĂšre Ă©pailfe,
Tome L *
264 a V Art du DentijĂźe:
blanchĂątre, & dâune odeur infhpportĂ -
ble. Je cherchai lâendroit dâoĂč elle pou-;
voit fortir ; je trouvai une petite ouverÂŹ
ture, en forme defoupape, quâon ne
pouvoit par confĂ©quent dĂ©couvrir quâen
preffant la joue, comme je faifois exté
rieurement, pour en faire fortir le pus. Je
portai dans cette ouverture un Met qui
dĂ©paffa lâos zygomatique, & pĂ©nĂ©tra
dans la profondeur, dâenviron un pouce
& demi, A cÎté de la petite foupape, &
fous la gencive, je fentis un corps of-
feux, & ne doutant point que ce ne fut
quelque racine de Dent,pour mâen af-
furer, jâouvris un peu la gencive. Je vis
une racine en effet, & je lâĂŽtai fans auÂŹ
cune peine. Cette légÚre opération nous
fuffit, fans faire autre chofĂš. Trois ou
quatre jours aprĂšs, il nây eut pas la
moindre trace de pus : en preffant. le
fac, la fiftule fut parfaitement guérie,
la mauvaife odeur , & le mauvais goût
çefferent.
De l'Art du Dentifte.
26 5*
§. IX.
UlcĂšres des gencives. Moyens deles traiÂŹ
ter, & de les guérir.
L es Ulcérés qui furviennent aux
gencives, font de deux efpĂšces,
bénins., ou malins': ils ont des caufes
internes, & des caufes externes, comme
toutes les autres Maladies de la bouche.
Les caufes externes des ulcĂšres, font les
Dents gùtées , le limon, la dépravation
de la falive, les coups, les chûtes, &
certains alimens trop durs qui peuvent
excorier les gencives. Ces fortes dâulÂŹ
cÚres font communément aflfez bénins,
peu conißdérables, & trÚs-faciles à gué
rir. Il ne sâagit que de retrancher le vice
local. On corrigera la falive dépravée,
en affujettilfant le Malade Ă des lotions
rĂ©itĂ©rĂ©es dâune infufion dâorge & dâai-
gremoine,mĂ©lĂ©e dâune certaine quantitĂ©
de miel, Ă quoi lâon ajoute quelques goû
tes dâefprit de vitriol. A lâufage de ces
lotions, on joint un régime doux & ra-
, fraĂźchilfant. Quand les ulcĂšres provien-
Tome 1, Z
266 De VArt du DentijĂźe.
nent dâun vice intĂ©rieur, & quâils ont
acquis un certain degré de malignité, le
traitement en eft plus long. Mais câeft
principalement lâaffaire des MĂ©decins &
des Chirurgiens.
Lorfque les ulcĂšres des gencives
nâont aucun fymptĂŽme fĂącheux, & quâils
nâont point fait affez de progrĂšs pour
altĂ©rer lâalvĂ©ole , Ă mefure quâon en
détruit la caufe, ils fe guériffent facile
ment avec les gargarifmes ufités. Mais
quand on néglige la fource , & que, pour
en arrĂȘter les progrĂšs, on attend que les
parties offeufes foient à découvert ou
mĂȘmes altĂ©rĂ©es , les ulcĂšres, alors font
opiniĂątres, parce quâil nâeft pas toujours
poiĂŻible dâen dĂ©truire la caufe ; ou leur
guériion fe fait acheter par la perte de
plufieurs Dents qui tombent avec les
os cariĂ©s. Câeft dans les affeĂ©lions vĂ©roÂŹ
niques ou fcorbutiques quâil faut cherÂŹ
cher communĂ©ment le principe dâun paÂŹ
reil défordre.
Le fcorbut eft de tous les vices du
fang celui qui fait le plus de ravage
aux gencives , aux alvéoles Îc aux os
maxillaires.Quand on.nĂ©glige dây remĂ©*
dier } il a bientÎt détruit les Dents; les
De ? sir t du DentĂŻjĂŻe. 2.6 7
gencives ulcérées fe gangrÚnent & tom
bent en fphacele ou en pourriture ; les
alvéoles & les os maxillaires qui fÚ ca
rient en mĂȘme tems tombent auffi par
piĂšces , & la vie du malade efl en grand
danger.
: Pendant quâon travaille Ă dĂ©truire
par des remÚdes intérieurs le vice fcor-
butique , la bouche exige les plus grands
foins. Il faut déterger la fà nie qui décou
le des gencives & des parties voilines,
parce quâĂ©tant entraĂźnĂ©e par la falive
dans lâeftomach elle fe mĂȘle au chyle,
ße corrompt, & par conféquent rend la
maladie beaucoup plus rebelle aux reÂŹ
mĂšdes antifcorbutiques.
. Quand les ulcĂšres font encore peu
profonds , il faut, en fe rinçant fréquem
ment la bouche, les nettoyer avec une
petite éponge trempée dans un bongar-
garifme, & faire un ufage afĂźidu de lâO-
piat antifcorbutique.
Lorfquâaux ulcĂšres des gencives il fe
joint des gonflemens & des excroiflan-
ces, on commence par les dégorger,
& par emporter les chairs fuperflues,de
la façon que nous lâavons marquĂ© en
traitant de ces maladies. On travaille
Ăą <58 De VArt du DemijĂźe.
enfuite efficacement à déterger & à con-
folider les ulcÚres par de fréquentes
lotions, qui entraĂźnent la fanie puruÂŹ
lente , & lâempĂȘchent de ronger les
gencives , ainfi.qué les parties-offeufes;
Quand les ulcÚres font étendus &
profonds, que les bords en font durs &
calleux, que la joue mĂȘme efl: enflĂ©e
& dure , la gangrĂšne alors fuit de
prĂšs,fi lâon nây pren,d garde. Il faut donc
fans perdre de tems , faire des fcarifica-
tipns tant aux callofitĂ©s de lâulcĂšre, quâĂ
toutes: les parties des environs qui fe
trouvent dures & gonflĂ©es. Il efl en mĂȘÂŹ
me tems nĂ©ceffaire dâordonner de conÂŹ
tinuelles lotions. Lâeau-de-vie camphrĂ©e
( dans laquelle il doit entrer un gros de
camphre fur quatre onces de liqueur) efl:
ici préférable à Peau de canelle orgée.
On en b affine -fou vent lâulcĂšre, on en
tient mĂȘme une comprefie appliquĂ©e
defifus, & quâon renouvelle deux fois
par heure.
Si enfin les gencives font gangrenées -
& tombées en fphacele, il faut empor
ter toutes les parties mortes , 8 c faire
avec le biftouri' des menions jufquâau
Ăżifi Comme alors les os maxillaires
De lâArt du DentijĂźe. 26$
font ordinairement cariés & que la
carie eft plus ou moins profonde * fi les
Dents tiennent encore un peu > il eft Ă
propos de les ĂŽter, tant parce quâil eft
impofßïble quâelles puiffent fubfifter,
que parce que leur abfence facilite
le traitement des parties offeufes. Le
cautĂšre acftuel eft encore ici dâun trĂšs-
grand ufage. On le porte tant fur les
gencives que fur les os, & lâapplication
sâen réïtere autant de fois quâil eft befoin
pour confumerla fanie, arrĂȘter les proÂŹ
grĂšs de- la gangrĂšne, ainft que ceux de
la carie, détruire les parties fphacelées-,
& accĂ©lĂ©rer lâexfoliation des parties ofÂŹ
feufes. AprĂšs lâopĂ©ration du cautĂšre,
les lotions multipliées doivent fuivre.
On lave de quart dâheure en quart
dâheure lâulcĂšre & toutes les parties
malades, & lâon y applique des com-
prefles trempées dans les drogues con
venables.
Il y a une efpĂšce dâulcĂšres remplis
de petites efcarres blanchĂątres, quâon
trouve ordinairement difperfés aux ex
trémités des gencives, & qui détruifent
ces extrĂ©mitĂ©s, fans sâĂ©tendre plus loin.
Le refte des gencives alors eft trĂšs-rou-
. 27 O De V Art du Dentifle .
ge, médiocrement gonflé , faßgnant aß*
fĂ©mentpour peu quâon y touche, & dâuÂŹ
ne grande fenfibilité. Il découle de ces
ulcĂšres une forte de fanie fĆtide. Ces
petits ulcĂšres, quoiquâaffez rongeurs ,
ĂźiâafFeĂ©lent guĂšres quâun cĂŽtĂ© de la bouÂŹ
che ; mais les gencives font fi douiou-
reufes, que le Malade en perd le fommeil
pendant plufieurs nuits. Les glandes paÂŹ
rotides fegonflent, & font fenfibles au
moindre taét. Le principe de ces ulcڏ
res eft fcorbuti(|ue ou vérolique. Ce
pendant jâen ai vu Ă plufieurs perfonnes
chez qui lâon ne pouvoir rĂ ifonnable-
ment foupçonner aucun de ces deux vi-
. ces; auffi les a-t-on guéris en peu de-
jours , en traitant fimpiement le vice loÂŹ
cal , câefi-Ă - dire, en dĂ©gorgeant les genÂŹ
cives , & en faifant aux endroits malades
des lotions réitérées avec une liqueur
compofĂ©e dâeau de myrthe& de plantin,
dâeau de canelle orgĂ©e- de miel rofat,
& de thériaque délayée dans quelque
eau fpiritueufe.
Jâai vu de ces mĂȘmes ulcĂšres alfez
opiniĂątres, & qui nâont cĂ©dĂ© quâĂ un rĂ©*
girae doux & humeciant, & Ă lâufage
des bouillons amers continué pendant
De VArt du Dentijle. ZjĂŻ
dix ou douze jours. Câefl pourquoi,dans ;
ces fortes dâulcĂšres, il eft toujours fort
âąprudent de faire obferver un pareil ré
gime , & de ne pas mĂȘme nĂ©gliger les.
remedes antifcorbutiques, ou antivéné
riens , fi le cas lâexige.
' §. X,
Des petits Chancres qui furviennent aux'
gencives. Moyens de les guérir.
i E N de plus commun que les pe--
JL\ ĂŻits Chancres qui sâattachent aux -
gencives, Ă la langue, aux joues : ils font
ordinairement trÚs-bénins, &: produits
par une caufo externe. Ceux qui font:
dâune qualitĂ© maligne , proviennent de
â quelque vice intĂ©rieur. Les premiers font'
le plus fouvent lâeffet dâune pointe ou
du tranchant de quelque Dent , ou de:
quelque racine, qui par le frottement:
écorche quelque endroit des parties mol
les de la bouche. Certains alimens malÂŹ
propres ou trop durs, en excoriant ces
parties, font naĂźtre aufli de ces fortes de
Chancres. Ceux-ci, comme les précé--
272 'DeVArtĂ uDentifte.
dens, fe guériiTent bientÎt, foit en Îtant
lacaufe, foit en les touchant avec du
vitriol , foit en les étuvant de jusxde ci
tron. Mais auffi quand on les néglige,
ils sâaugmentent, deviennent profonds,
douloureux, & mĂȘme dangereux.
Quelques-uns de ces Chancres qui
proviennent du feul vice de la falive, fe
guériiTent encore promptement par les
mĂȘmes moyens, pourvĂ» quâon ait foin
de corriger lâaciditĂ© de la falive, fans
quoi ils reviennent fouvent.
Les plus difficiles à déraciner, font
ceux que produifent les affections fcor-
butiques & vĂ©nĂ©riennes. Ils font dâorÂŹ
dinaire plus nombreux, & plus petits
que les autres. De. plus ils ne paroif-
fent guĂšres, fans .ĂȘtre accompagnĂ©s de
quelque 'ulcĂšre qui fe forme en mĂȘme-
tems ailleurs. Les Chancres 8 c les ulcڏ
res fcorbutiques fe diftinguent des vé-
roliques, en ce que les premiers font
plus profonds, plus douloureux, plus
fanguinolens j rongent dâavantage, renÂŹ
dent une fanie plus abondante & plus
fĆtĂŻde au lieu que les autres gonflent
moins, & font moins enflammer les genÂŹ
cives. Si lâon touche ces deux fortes de
De VArt du DentijĂźe. 273
Chancres avec la pierre de vitriol ou
avec quelque autre chofe, fans détruire
le vice radical-, ils fe guériflent difficile
ment , &peu de tems aprĂšs reparoilfent,
foit au mĂȘme endroit, foit dans quelque
partie voifine.
Observation.
Un Homme de confédération avoir
depuis quelque tems au bas de la genciÂŹ
ve oc de la lĂšvre, vis-Ă -vis la fimphyfe
du menton, un ulcĂšre avec des bords
durs & calleĂčx. Il avoir de plus deux In-
cifives qui ne tenoient point du tout,
parce que leurs alvéoles avaient été ca
riĂ©s , & quâils Ă©toient tombĂ©s en partie.
La Canine & lâIncifive du cĂŽtĂ© gauche ,
étoient auffi un peu ébranlées. Il me vint
voir en cet Ă©tat, & me fit lâhonneur de
me confulter. Je lui trouvai en plusieurs
endroits de petits Chancres; les genciÂŹ
ves nâĂ©toient point enflammĂ©es, mais
aux environs de lâulcĂšre il y avoit, tant
à la lévrg qu ? à la gencive, plufieurs pe
tites excroiffances. AprĂšs quâil mâeĂ»t
fait lâhiftoire de fa maladie, & que jâeus
bien examiné fa bouche, je lui déclarai
274 De V Art du Dentijle.
quâil nây avoit aucune efpĂ©rance de fan.
ver les deux Incifives. Il me dit alors
quâun trĂšs-habile Dentifte qui letraitoit
depuis environ trois femaines, lâavoir
allurĂ© quâil ne pouvoit guĂ©rir quâen fa-
crifiant ces deux Dents. Quant Ă lâulcڏ
re , je lui fis entendre, que, fur ce qui
mâen paroifloit, je le croyois dans le cas
dâavoir plus befoin du fecours dâun bon
Chirurgien, que de celui dâun Dentifte.
Il me rĂ©pondit quâil Ă©toit fort tranquille
fur fon Ă©tat intĂ©rieur, & quâil avoit con-
fulté de trÚs - célébrés Praticiens , qui
tous lâavoient bien raifurĂ© fur lâobjet de
mon pronoftic. Le Malade me revint
voir au bout dâenviron trois lemaines,
aprĂšs avoir pris le petit lait. Je lui trouÂŹ
vai trois Incifives de moins; la Canine
menaçoit ruine, & fon ulcÚre étoit pref
que entiĂšrement cĂźcatrifĂ©, mais câĂ©toit
de ces fauflfes cicatrices qui indiquent
eonftamment quâil relie un vice Ă dĂ©truiÂŹ
re dans le fang. Jâapperçus encore quelÂŹ
ques petits Chancres , à la vérité pref-
quâimpereeptibles, mais de nature Ă
confirmer mes foupçons. Je lui dis que
je trouvois fa bouche infiniment mieux,
mais que je perfĂźftoĂźs dans mon premier
De VArt du Dentijle.
avis, & il sâen alla peu content de moi.
Quinze jours aprĂšs il mâenvoya cherÂŹ
cher , & me dit, que ne pouvant pas
jouir comme il fouhaitoit du Dentifte
quilâavoit traitĂ©, il avoit recours Ă moi
pour lui ĂŽter fa Canine , & pour rem^
placer toutes les Dents qui lui man-
quoient. Je lui rĂ©pondis quâil Ă©toitdans
de trop bonnes mains pour changer, &
je le priai de trouver bon -que je mâabfi
tinffe de lui faire aucune de ces Opéra
tions. Le Malade nâayant pu me rĂ©fouÂŹ
dre Ă ce quâil dĂ©iiroit de moi, me preifa
dâexaminer du moins une Dent prĂšs de
la Canine qui commençoit à lui faire
quelque mal. Je trouvai cette Dent reÂŹ
lùchée , & je remarquai que la gencive
fe fĂ©paroit de lâalvĂ©ole que je reconnus
carié. Je ne crus pas devoir lui cacher
quâil perdroit encore cette Dent; jâaÂŹ
joutai que , sâil ne prenoit le parti que
jâavois propofĂ©, il sâexpofoit non-feuÂŹ
lement Ă les perdre toutes les unes aprĂšs
les autres, mais mĂȘme Ă des Ă ccidens
encore plus fĂącheux. Quâon juge ici de
la furprife dâun homme qui croyoit ÂŁk
guérifon confommée, & qui ne foupçon-
noit chez lui rien de femblable Ă ce quq
27 6 De VArt du DentifĂźe.
fy voyois ! Lâaffurance avec laquelle
jâinfiftois fur la nĂ©ceflitĂ© dâaller Ă la four-
ce du mal, lâĂ©branla fans doute, & il fe
mit entre les mains de M. de la Faye. Cet
habile & célébré Praticien lui adminiftra
fi fagementles remedes, que,, fans inté-
reffer la bouche, tous les accidens dif-
parurent, & quâen moins dâun mois le
Malade fut guéri radicalement.' Ainfi
cette perfonne en fut quitte pour la perÂŹ
te de cihq Dents, quâon auroit fauvĂ©es
en attaquant plutĂŽt le principe du mal.
§. xr.
De -la fuppuration des Gencives , & des
moyens de la traiter.
L a fuppuration, maladie qui efl: aufli
commune aux gencives que la caÂŹ
rie lâeft aux Dents, fait autant pĂ©rir des
dernieres, que la carie meme. Les per-
fonnes répletes & fanguines y font fort
fujettes, mĂȘme en jouiflant de la meilÂŹ
leur fanté. Celles qui font maigres &
dâun tempĂ©rament fec, en font dâordiÂŹ
naire exemptes. Les femmes, en per'i
2 >s tA ĂŻ t du DentijĂźe. l'-j-j
fiant leurs régies , en font affezfouvent
atteintes ; enfin lorfquâaprĂšs les couÂŹ
ches le lait ne prend pas bien fon cours,
il fe porte quelquefois aux gencives, &
y produit la fuppuration. Les hommes
font en général .encore plus fujets que.
les femmes Ă la fuppuration des genciÂŹ
ves , parce quâil ne fe fait point chez
eux, comme chez les femmes, dâĂ©coule-
mens périodiques qui dépurent le fang.
Jâai encore obfervĂ© que - cette maladie
nâavoir guĂšres lieu avant lâĂąge de trente
ans, & quâelle devenoit plus frĂ©quente .
Ă quarante & Ă cinquante ans, ou dans
un ùge plus avancé.
Cette maladie fait tomber les Dents,
les plus faines, fans caufer ordinaireÂŹ
ment que de trÚs-légeres douleurs, en-
forte que quand on la néglige, on fe
trouve en peu dâannĂ©es dĂ©pourvu dâune
grande partie de fes Dents.
Jâai toujours remarquĂ© que la fappu-
ration ne fe formoit aux gencives, que
quand elles étoient dégarnies de leurs
alvĂ©oles, & quâelle venoit préçifĂ©ment.
de lâendroit oĂč cette partie olfeufe Ă©toit
dĂ©gradĂ©e. Ce qui la produit, câeft que
la gencive qui ne fe retire point alors.
Z'fS De V Art du DentijĂźe.
ou qui du moins sâaffaiffe peu, quoique
dĂ©pourvue dâalvĂ©ole, ne peut fe rĂ©unir
fur la racine, laquelle, auffi bien que la
gencive,efl dénuée de fon période. Ainfi
cette gencive qui cherche naturellement
Ă fe rĂ©unir & Ă sâattacher, ne trouve plus
dans la racine qui efl toute nue, quâun
corps étranger, dont la feule préfence
fait naßtre une infinité de petits ulcÚres,'
fource de la fuppuration. Ces petits ulÂŹ
cÚres fe forment du cÎté de la gencive
qui répond à cette racine, en fourniffant
fans ceffe un pus vifqu'eux, blanchĂątre,
& trĂšs-louable.
Quant Ă lâextĂ©rieur, on ne voit aucun
ulcĂšre Ă la gencive : elle efl feulement
plus ou moins dure, quelquefois fĂźafque
& fongueufe, gonflée, ou appauvrie,
fuĂźvant que la maladie efl ancienne.
La couleur des gencives , dans cette
maladie , efl prefque toujours brune-
ou plombée ; en les preffant avec le
doigt, on en faitfortir la matiĂšre telle'
que je viens de la décrire. Pour fe con
vaincre quâil ne refie plus dâalvĂ©ole Ă
lâendroit dâoĂč fort la matiĂšre, il ne faut
quâintroduire une fonde ou un flilet en-
tĂŻe la gencive & la racine de la Dent
De V Art du Dentifte. 279
iâinftrument aura bientĂŽt mefurĂ© le vui-
de que lâabfence de lâavĂ©cle y a fait, &
il fera fentir que la racine eft Ă nud :
indication qui fe confirme , lorfquâon
ouvre la gencive pour en arrĂȘter la
fuppuration.
- On conçoit donc que, pour guérir
8 c faire cefßer une maladie caufée par
la deftrudion de lâalvĂ©ole, il ne sâagit
<pie* dâĂŽter la Dent pour que la gencive
malade fe réunifie promptement avec
.celle qui lui répond. Cette réunion fe
fait alors avec dâautant plus de facilitĂ© ,
que la caufe du mal ne fubftfte plus »
quâil nây a point dâalvĂ©ole Ă dĂ©truire,
quâen 24 heures- la fuppuration eft
. ceflee, la gencive rĂ©unie & dâune belle
Couleur; au lieu que quand les alvéoles
ne font pas détruits, les gencives peu
vent refter prĂšs dâun mois fans fe rĂ©uÂŹ
nir parfaitement. Cependant il ne faut
priver le malade dâune Dent,quelle
quâelle foit, que quand , dĂ©garnie de
fon alvéole, elle devient trop incom
mode. -
Quand la maladie nâa pas fait trop
de progrĂšs , on peut arrĂȘter la fuppuÂŹ
ration en' retranchant la partie de la
2.%o De V Art du DentijĂźe.
gencive dĂ©nuĂ©e dâaivĂ©ole, avec laquelle
on emporte tous les petits ulcĂšres qui
fourniffent lâhumeur. Alors la Dent qui.
le trouve avoir encore du foutien par ce
qui refte de la gencive, & de lâalvĂ©ole
fubfiftera plus long-tems & reprendra
plus de foliditĂ© quâeh laiflant fubfifter
toute la gencive. Quâarrive-tâil en effet
en confervant lâintĂ©gritĂ© de cette gem*
cive ? Cet ulcĂšre fournit continuelleÂŹ
ment du pus ? malgré tous les remedes
intĂ©rieurs & tous les topiques quâon
employé. Or cette matiÚre inépuifable
continuant dâabreuver les alvĂ©oles, les
détruit peu à peu dans toute la circon-
fĂ©rance de la racine. Ăinii la Dent sâaf*
foiblit de plus en plus, elle devient
branlante , sâallonge , & tombe enfin,
quoique la gencive ne foit pas détruite..
On voit donc quâil efi: inutile pour la
folidité de la Dent de ménager la gen
cive malade qui ne fert quâĂ lâaffoiblir j
mais il ne faut en retrancher que le
moins quâon peut, pour ne point trop
dĂ©couvrir la racine, & tomber. dâune
extrémité dans une autre.
Je ne puis me difpenfer ici de faire
voir, que M. Fauçkard sâefi: trompĂ© fur
la
De VArt du DentijĂźe. 281
la nature de cette maladie. AprĂšs avoir
décrit les défordres que le feorb.ut cau-
fe dans la bouche, & en avoir indiqué
les remĂšdes, il ajoute ce quâon va lire..
« Il efl: encore une efpéce de fcorbut
» de laquelle je penfe quâaucun Auteur,
nâa encore pris foin de parler, & qui
» fans intéreffer les autres parties du
» corps attaque les gencives, les alvéo-
» les & les Dents. Non-feulement les.
» gencives qui font molles , livides »
» prolongées & gonflées y'font fajettes ».
o rnais celles qui nâont point ces vices
33 ne font pas exemptes de cette afFec-
» tion. Onia reeonnoßt par unpus affez:
» blanc & un peu gluant que lâon fait
» fortir des gencives ,;en appuyant le.
» doigt un peu fortement de bas en haut
33 fur celle de la mùchoire inférieure ,,
33 & de haut en bas fur celle de la fupé-,
39 rieure. Ce pus fort fouvent dâentre;
3» les gencives & le corps de lâalvĂ©ole »,
» & quelquefois dâentre lâalvĂ©ole & la.
* racine dé la Dent; ce, qui arrive plus:
v fréquemment à la partie extérieure, dés:
» mĂąchoires, quâĂ leur partie -intĂ©rieure ».
a Sc plutÎt aux Dënts Incifivcs &, aux:
» Canines de la mùchoire, inférieure. »,
Tome L Aa. .
282 De VArt du Demifle,
» quâĂ celles de la fupĂ©rieure 5 qui font?
» cependant plus ordinairement affli-r
*» gées de cet accident que les Molaires.
» On peut rapporter la caufe de cette -
» maladie à la rupture ou défunion des
*> petits vaiffeaux que la dépravation
» des liqueurs qui y circuloient Ă
» produite. Ces liqueurs alors épan-
» chées dans les interftices ou dans le
Ć voifinage de ces mĂȘmes vaiffeaux quâils
35 ont rongés ou fait crever , jie man-
» quent pas dây fermenter, de sây cor-
» rompre 5 & de former de petits ulcÚres
» plus ou moins fiftuleux entre la gĂȘnÂŹ
as cive & le corps de lâalvĂ©ole, ou entre
s» lâalvĂ©ole & la racine de la Dent. Câell
s» de-là que vient cette matiÚre puru-
3 Âź lente quâon voit fortir dâentre les
=» bords ou extrémités des gencives 3
* fur-tout lorfquâon y appuyĂ© le doigt.
Ÿ> Ce qui ejljingulier » & que f ai obfervég _
» ceji que ceux qui ont été traités de cet-.-
* te maladie par les remÚdes intérieurs ,
Âź> fĂŽit quâils fujfent antifcorbutiques, fait
Âź qu ils fujjent differens, nâen ont point
s» été guéris ; ce qui pourroit donner
88 lieu de croire quâelle ne provienr-
^ point dâune caufe interne ou univer-
De V Art du, Dentifte. 2.B3
v, follement rĂ©pandue, mais quâelle naĂźt
de la caufe locale ou accidentelle oc-
» cĂąfionnĂ©e par les Dents. Pour mâen
» aifurer mieux , jâai encore remarquĂ©
aâ que lorfquâon avoit perdu des Dents
» par cette maladie, leurs alvéoles &
» leurs gencives sâĂ©toient fi bien rĂ©u-
»nis , cicatrifĂ©s & confolidĂ©s , quâil
» nây paroiifoit plus aucune matiĂšre
» purulente. On doit conclure de ce;
» que je viens de dire,que cette maladie '
» ne fe guérit radicalement que lorfque
& les Dents qui font affeclées font hors
* de la ' bouche. On peut néanmoins
» éloigner cette perte par les moyens
wfuivan's, qui font de tenir fos Dents
» bien nettes, de dégorger les gen-
3 » cives quand elles en ont befoin, de
s» les frotter fortement tous les jours;
» avec le bout du doigt trempé dans
» lâune ou lâautre dĂ©s deux eaux deffica=*
â » tives , aftringentes, & antifcorbuti-;
» ques , dont jâai donnĂ© la compofitlon
» pages p i. Sc p2. de mon premier vo=
» lume. Il faut encore avoir foin de fe
» bien laver la bouche aprÚs le repas :
» avec un peu dâeau & de vin mĂȘlĂ©s en--
» femble , 6c obferver à chaque fqis
284 De VArt du DeritijlĂš.
» dâappuyer fortement le doigt fur les
» gencives en les frottant, afin dâen
» expulfer le pus qui fans cela les con-
fume, & rongeroit les alvéoles, de
33 maniéré que les Dents deviendroient
» bien-tÎt chancellantes, & enfin tom-
*> beroient faute de foutien. »
Telle efl: lâopinion de M. Fauchard i
dont je refpeéte fort la doctrine , mais
que lâobfervation & lâexpĂ©rience mâoÂŹ
bligent ici dâabandonnĂ©r.
Bien éloigné de fon fentiment, je
fuis convaincu que la fuppuration des
gencives ne provient dâaucun vice feor-
butique , & quâelle nâa lieu que quand
la gencive fe trouve dĂ©garnie dâalvĂ©ole
en quelque endroit de la racine, JelĂąifie'
Ă juger cette controverfe aux Dentiftes
fans prĂ©vention , & je pourfuis mâa
théorie.
Avant que lâalvĂ©ole foit dĂ©truit, 8c
que la fuppuration sâĂ©tabli fie , la malaÂŹ
die commence dâabord par une eipece
de gonflement éréfipélateux à la gen
cive qui produit ordinairement une
douleur fourde & peu vive, enforte
quâon nây fait point dâattention, & quâon
pda recours au Dentifie que quand la
'DeVArt duDentifte* 2 .%?
Suppuration fe manifefte. Câefl: alors
quâon fent fes Dents sâaffolblir, & quâelÂŹ
les ca'ufent quelque douleur dans la
rencontre des deux mĂąchoires. La genÂŹ
cive eft brune ou plombée; quelque
fois , mais plus rarement, le gonflement
au lieu dâĂȘtre Ă©rĂ©ĂŒpĂ©lateux devient alors
phlegmoneux : il fe forme dans la genÂŹ
cive un petit dépÎt, lequel auffi-tÎt
quâil a pris fon cours foulage le malade ,
mais qui laiiTe le fuintement dont jâai
parlé.
La maladie venue Ă ce point, comÂŹ
ment lâalvĂ©ole fe dĂ©truit-il ? Voici ce
que jâimagine , & ce que jâai cru enÂŹ
trevoir. Les liqueurs Ă©tant arrĂȘtĂ©es par
le gonflement des parties , tant Ă la
gencive quâĂ lâalvĂ©ole & au pĂ©riofte s
deviennent par un long -féjÎur acres oC
corroflves , enforte quâelles rongent
peu Ă peu la gaine ofleufe ; car comÂŹ
me les lames qui la compofent font po-
reufes & dyploĂŻques, lâhumeur les pĂ©né
tre aifément, & fon acidité les confu-
me. Ilfo peut faire aufĂźi.que les vaifleaux
de la gencive fe- défuniflÚnt par- la plé
thore , ou par la dépravation des li
queurs qui y circulent , &. quâil sây
2% S De V4n duDentiJĂźe^
forme un phlemon capable- de détruire'
les membranes qui couvrent ces parties:
oflfeufes ; ou bien ces liqueurs épan
chées dans la fubftance de la gencive &:
dans tout ce qui lâenvironne -, dĂ©truifent
lĂšs attaches , fermentent dans les inÂŹ
ter fli ce s , fe. corrompent enfin & dé-,
gradent une partie de lâalvĂ©ole & de:
fes membranes. De-lĂ fe forment & fe.;
multiplient plus ou moins ces petites
ulcÚres à la face de la gencive, qui ré
pond Ă la racine. â
Cette maladie nâaffeĂ©te gueres lĂšs:
gencives des Incifives , des Canines âą>
& des petites Molaires , quâĂ la face.anÂŹ
térieure qui répond aux levres, & du;
cĂŽtĂ© des racines. Ce nâefl quâavec le
te ms quâelle gagne les parties latĂ©rales
& le cÎté du palais. Les gencives des
groifes Molaires, plus réculées au fond
de la bouche & moins expofées au
froid, font moins fujettes Ă la fuppu- 1
ration que les autres; ainfi lâon peut en-
conjecturer, que les imprefilons de lâair
peuvent contribuer beaucoup Ă la lup-
puration des gencives. Les remedes
prophylactiques , pour éviter cette ma
ladie , font tous gĂ©nĂ©raux & les mĂȘmes
De VArt du Dentifle »- 287
que jâai ci-devant indiquĂ©s pour pré
venir les fluxions.
Les perfonnes replettes & fanguines
pourront fe purger tous les mois, & fe
faire faigner de te ms en tems. Lerefte
dépend du bon régime, & furtout du.
choix des alimens qui doivent ĂȘtre de
facile digeflion. Il faut encore avoir-
grand foin de fes Dents, & auffi-tĂŽt
quâon sâapperçoit que les gencives font
douloureufes ou un peu gonflées, les
faire voir à un Dentifle expérimenté,.
Si avant que lâalvĂ©ole fbit dĂ©truit, 6 c
que la fuppuration foit manifeftĂ©e, câeft-
à -dire , lorfque la fluxion éréflpélateufer-
ou phlegmoneufe commence , on y
fait remédier par un bon Dentifle, il
difßßpera promptement le mal, en dégor
geant les gencives Ă plufieurs reprifes ,
& faifĂ ntde petites fcarifications tant en
dedans quâen dehors. Enfuite une fai-
gnée ou deux, félon la difpofition du
Sujet, quelques légÚres purgations »
des lotions appropriĂ©es , &lâufage dâun
excellent opiat, rendront la guérifon
parfaite. Si au contraire en laifle éta
blir la fuppuration des gencives qui
indique, entre autres défordres } la def-
288 De l'Jrt du DentijĂźe*
tru&ion de lâalvĂ©ole, tous les remettes
que jâindique feront dâun trĂšs-foible
fecours, & ne pourront que prolonger
la perte des Dents-, comme lâobfervĂš
M. Fauchard.
Revenons aux moyens de guérir l'a
fuppuration des gencives. Quand les
gencives font tellement dĂ©garnies dâalÂŹ
vĂ©ole quâil nâen refie plus que fort peu
vers lâextrĂ©mitĂ© de la racine, la Dent
efl fans aucune reffource,& lâon ne peut
quâen reculer la perte en lâattachant aux
Dents' voifines avec un fil dâor ou de
foye. Mais quand la fuppuration nâa
'point fait de Ă» grands progrĂšs, que lâalÂŹ
vĂ©ole n ? efl pas dĂ©truit fort avant, & quâil
-en refie encore affez pour maintenir la
racine, on peut en arrĂȘter le cours. Il
sâagit dâavoir un cautĂšre plat & dĂ©liĂ©
que lâon fait bien rougir au feu ; on lâin-
âfinuĂ« au fond du vuidĂ« qui fe trouve
entre la gencive & la racine delĂ Dent ,
ĂȘc on lây reporte deux ou trois fois, en
obfervant de bien brûler la gencive
dans toute la face qui répond à la raci
ne. Le refie du traitement çonfĂźfle Ă
faire obferver au malade les lotions ei-
devant prefcrites , & Fufage dâun Opiat
propre:
De VArt duDentiJĂźe . 285?
propre Ă cet effet. Si huit ou dix jours '
aprĂšs, en preffant lâextrĂ©mitĂ© des genÂŹ
cives , on apperçoit encore un peu de
matiÚre , il faut cautérifer de nouveau *.
Si enfin lâĂ©coulement ne ceffe point,
cil que le malade refufe de fupporter
un troifieme cautere, le fĂšul parti quâil
y ait Ă prendre pour-le guĂ©rir e fi; dâemÂŹ
porter toute la partie de la gencive qui
eft dĂ©pourvue dâalvĂ©ole. LâopĂ©ration
fe 'fait avec des cifeaux Ă peu prĂšs fem-
blables à ceux qui fervent à découper,
mais un peu plus forts par le bout : on
coupe la gencive'des deux cÎtés de la
poche dans toute fon étendue, en fai
sant terminer les deux incifions en trianÂŹ
gle. Tous les ulcÚres étant ainfi em
portés avec la portion de la gencive,
on nettoye bien la racine. Trois, ou quaÂŹ
tre jours aprĂšs lâopĂ©ration, on examine
attentivement & lâon preffe avec, les
doigts le réfidu de la gencive, pour
sâaffurer sâil refte encore de la matiĂšre en
quelque endroit. Sâil en paroĂźt vers les
parties latĂ©rales ou vers lâextrĂ©mitĂ©
de la racine, il faut de nouveau couper
la gencive pour emporter le refte des
* V. la Pi. IL cul confient différens cautÚres.
Tome h . B b
â2.ĂżO De V Art du. DentijĂźe.
nlcÚres,en ménageant la face extérieure;
JLâinftrument le plus propre pour cette
derniere IncifĂźon, eft une lancette bien
jtranchante , & un peu plus forte vers
la pointe que celles qui fervent Ă la faiâ
gnĂ©e. On a foin de lâenvelopper & dâaf-
fujettir la lame & la chaffe avec une
petite bandelette ; on diffeque & on
détruit dans la face interne de la gem>
cive toutes les parties ulcérées.
Quand la maladie eft fur les greffes
- Molaires, ftirtout au fond de la bouche,
comme il eft affez difficile dây opĂ©rer
commodément avec la lancette & les
cizeaux, il faut fe fervĂźr dâun dĂ©chauf-
foir pointu bien tranchant. Les petits
ulcÚres étant tous détruits par ces di-
verfes opérations, la fuppuration cef-
fe entiĂšrement. Quelques obfervations
donneront du jour Ă cet article.
Observation I.
M. *** Aéieur delà Comédie Ita
lienne, avoit à la mùchoire inférieure les
ïneiftves ébranlées par une fuppuration
établie à la face antérieure de la gen
cive. A lâune de ces Xncifivesfta matiĂšre
avoit prefque gagnĂ© jufquâĂ lâextrĂ©mitĂ©
De VArt du Demijie . 291
3 e la racine. Deux Dentiftes habiles
nâavoient pu faire cefFer cette fuppura-
tion : ils nâavaient fait que lui dĂ©gorger
les gencives, fans en emporter les ulÂŹ
cĂšres qui entretenoient lâĂ©coulement.
Ă1 fe mit entre mes mains quelque tems
aprĂšs ; jâopĂ©rai deux fois fur lĂšs genciÂŹ
ves delà maniéré que je Fenfeigne, & il
fut parfaitement guéri en onze ou douze
jours. Ses Dents ont repris leur foli-
dité, & fe maintiennent en bon état
depuis environ quatre ans.
Observation II.
En 174S. M. *** Inlpe&eur de
Police, avoit la mĂȘme maladie fur les
Incilives de la mùchoire inférieure , de
forte quâen preffant la gencive la maÂŹ
tiĂšre en lortoit abondamment. Les
Dents, furtout les deux du milieu,étoient
déjà fort ébranlées. Je Fai guéri radica
lement de la mĂȘme maniĂ©rĂ©. Ses Dents
. depuis font devenues folides , & il a
conlÚrvé là bouche dans le meilleur état
jufquâĂ fa mort arrivĂ©e il y a environ
deux ans.
M. Arcdain , Médecin de la Facul*
Bbij
'ÂŁ$2. De VArt Ăąu DentifĂźe*
tĂ© de Paris, mâadreffa il y a quelques
années un Abbé de di&inétion qui avoir
une fuppuration abondantes lâune des
deux grandes Incifives déjà fort ébran
lée & trÚs-douloureulÚ. Je trouvai cette
Dent dégarnie de fon alvéole fur toute
la face antĂ©rieure de lĂ racine, jufquâĂ
fon extrémités II fut guéri en peu de
cems par les moyens que fai décrits ci-
delĂŻus j & fa Dent eft devenue trĂšs-fo-;
Jide , fans aucune fenfibßlité. Jai vu de
puis peu cette perfonne* dont jâai trouve
|a Dent & la gencive en trÚs-bon état*
Torrv.I.Faq.zg'5.
Flanche .1..
De V Art du Dent [fie.
PREMIERE' PLAN CH E*
Instrument nouveau fervant Ă em-ĂŻ
porteries corps durs & pierreux, qul : .
fe forment quelquefois fur les genciÂŹ
ves , aufĂźi promptement quâon peut:
ĂŽter une Dent..
ette Figure repréfente une Pin*-
ce Incifive entrouverte & vue de
cÎté dans toute fon étendue. Sa forme ejß :
da mĂȘme que: celle du Davier ce nefir
quelle efi plus grande-, que fes deuxâ
I extrémités font larges à ?environ trois li~
j -gués, & fort tranchantes, au lieu que ceW
les du Davier font.fendues ont chacun
ne deux dentelures.
A. Le corps de Vpnfirument.
B B. Les extrémités tranchantes*
CC. Vextrémité la plus longue des:
deux branches qui fervent de manche Ă
â F Infiniment* r
B b iij
ÂŁÂŁ4 Ce r.4nr du DentijĂźe .
§. X IL
T) es petits durillons qui furviennent aux
gencives , Sr des exojlofes qui Je
forment aux alvéoles.
Q uoique les durillons & les
autres tumeurs du mĂȘme genre
Jfayent abfolument rien de dangereux,
on eil quelquefois obligé de les détruire,
parce quâĂ©tant limĂ©s dâordinaire Ă la faÂŹ
ce antérieure des gencives , qui eliex-
pofée à la vue, ils font un effet defà -
gréabße.
Quant aux petites exofiofes de lâalÂŹ
vĂ©ole 5 elles sâaccroiffent quelquefois Ă
tel point que jâen ai vu dâauffi grofĂŻĂȘs
que des avelines 5 fans que les Dents y
euffent aucune part, fans quâon pĂ»t mĂȘÂŹ
me foupçonner aucun vice particulier»
âJâai remarquĂ© cependant que les filles
qui avoient les pĂąles couleurs, que les
femmes mal réglées & les perfonnes qui
avoient des obftruélions au foye étoient
plus fujettes Ă ces fortes de tumeurs que
les autres.
On peut emporter & détruire trÚs-
De V Art du DeritijĂŻe* spy
promptement, avec la pince incĂŻfive.r
toutes les tumeurs de cette efpece. Le
mĂȘme inftrument peut fervir encore Ă
enlever toutes les exoftofes qui fe forÂŹ
ment Ă la furface de lâalvĂ©ole, & qui
font élever la gencive : mais à fon dé
faut la petite pince dont on fe fert pour
couper ou rogner les ongles peut renÂŹ
dre le mĂȘme fervice.
Enfin toutes ces tumeurs, durillons *
exoftofes , & autres fe détruifent pareil^
ĂŻement avec le cautĂšre actuel ; & lors-
mĂȘme que ces tumeurs ont Ă©tĂ© enlevĂ©es
par quelque inftrument tranchant, pour
les empĂȘcher de reparoĂźtre, il eft bore
dây appliquer une ou deux fois le cauÂŹ
tĂšre. Jâen ai emportĂ© quelquefois qur
font revenues , & que je nâai fait entiڏ
rement difparoĂźtre quâaprĂšs la fĂ©condĂ©
extirpation, en y appliquant le bouton
de feu.
Obfervcitions fur les Exojlofes des AlÂŹ
véoles^
Madame la Baronne de * * * avoir
cinq ou fix petites exofiofes aux alvéo*
B b iv
29 6 De T'Art du Dentifle.
les des Incifives & des Canines tant:
fupĂ© rieur es quâinfĂ©rieures; ce qui pro-
duifoit aux gencives différentes tumeurs,
dont quelques-unes étoiÚnt plus groffes
quâun pois. Ces tumeurs ne lui faifoient
aucun mal : mais comme elles étoient
limées à la face antérieure des gencives-
que la lÚvre en riant déceuvroit, elles..
frappoient tout dâun coup la vue. Cette
Dame un jour me demanda fi lâon ne pouÂŹ
voir pas corriger ces gencives dĂ©feĂ©lueĂŒ-
fes , & lui ayant dit que je le croy ois trĂšs-
facile , elle Je fournit Ă lâopĂ©ration. Je lui
emportai donc avec une pince Ineifive
toutes ces tumeurs, & je les coupai le
plus prĂšs des gencives quâil me fut pofi-
fible. Les mémes-tumeurs fix mois aprÚs
reparurent , & dans lâefpace dâun an
elles, eurent un volume beaucoup plus
gros que la premiĂšre fois. Elle revint Ă
moi : je lui propofai dâextirper de nouÂŹ
veau les tumeurs, & dâappliquer enfuite
âąfur les plĂ yes rĂ©centes le bouton de feu
dont lâeffet les empĂȘcberoit de recroĂźtre*
La Dame me laiffa opérer, & depuis:
environ trois ans que jâai fait cette derÂŹ
niÚre opération, fes gencives font rd~-
Bz V Art du DentĂŻjle. zpf
tĂ©es dans leur Ă©tat naturel, fans quâil
ait reparu dâexoflofes.
.Avant que déterminer ce Chapitre.;
& de paffer au manuel des opérations ,
il me relie à faire une Obfervation géné-
: raie fur les différentes maladies , foit des
Dents, foit des gencives, mais que je
ne propofe ici que comme une fĂźmple
. hypothefe.
Dans toutes les maladies qui fur vienÂŹ
nent aux Gencives, aux Dents, aux AlÂŹ
véoles, il y a dilférens fimptÎmes qui
nâĂ©chappent gueres Ă lâattention dâun
Dentifle expérimenté * & qui lui font
bientĂŽt reconnoĂźtre la caufe du maL
Je dis plusr il y a certains maux de
Dents,qui fans ĂȘtre quelquefois bien graÂŹ
ves font les avant-coureurs dâune malaÂŹ
die conlidĂ©rable quâun bon Dentille eli
en état de prévoir. Or en prévenant le
Sujet, ou pour ne pas lâeffrayer, les per»
fonnes que le foin de fa fanté regarde ,
des difpolitions quâon apperçoit, la Mé
decine ou la Chirurgie sâemployeroit
efficacement Ă dĂ©tourner lâorage : ce
fer oit lâaffaire de quelques lĂ©gers reme-
des qui font fouvent de peu dâeffet*
quand la maladie ell déclarée*
isp 8 De VAn du DentifĂźe.
Il y a quelque tems quâune perfonnĂ«
vint me confujter fur une Dent qui lui falÂŹ
loir mal depuis peu de jours.SaDent nâĂ©-
toit nullement gĂątĂ©e , ni mĂȘme Ă©branlĂ©e»
Les gencives & lâalvĂ©ole Ă©toient auffi en
trÚs-bon état : cette Dent néanmoins ,
en la frappant , fe rendoit fenfible. Je
fis plulieurs queffions au malade fur
FefiĂšt que les alimens auroient pu lui
faire fentir : le froid ni le chaud ne fai-
foient aucune imprefiion fur fa Dent.
Je lui tĂątai le pouls , je le trouvai
plein, & il mâavoua quâil avoit la
tĂȘte lourde. Je lui dis que fa Dent nâé
tant point gùtée , il falloir fimplement
quâil eĂ»t foin defe rincer fouvent la bouÂŹ
che avec de lâeau ou du lait tiĂšde, quâil
prĂźt auffi quelques lavemens, & fur^tout
quâil fe fĂźt faigner. Il me rĂ©pondit quâil
craignoit fi fort la faignĂ©e , quâil ne
pouvoit pas sây rĂ©foudre ; que dâailleurs
il fe portoit bien, & que, pour un fĂźm-
ple mal de Dents, il nâen viendroit lĂ
que quand il auroĂźt mis en ufage les
autres moyens. Je tĂąchai de lâĂ©branÂŹ
ler, en lâavertĂźfTant que fon mal Ă©toit lâaÂŹ
vant-coureur de quelque maladie dont
il étoit menacé , Sc je lui confeillai de
De VArt Ă u DentifĂŻe, 299
voir fon Médecin. Mon avis parut lui
faire impreffion ; mais de retour chez
lui il sâen tint Ă lâufage du lait tiĂšde &ÂŁ
de quelques lavemens , ce qui diffipa
prefquâentierementle mal de Dents & la
pĂ©fanteur de la tĂȘte. Il ne penfoit donc
plus Ă ce que je lui avois dit, quand le
troifiéme jour il fentit recommencer fon
mal de Dents & fa tĂȘte sâappĂ©fantir. II
eurreeours au lait tiĂšde & aux lavemens
dont il ufa toute la journĂ©e jufquâau foirÂź
Ces remĂšdes lâayant peu foulagĂ© , il rĂ©-
folut de fe faire faigner; mais il remit
au lendemain matin. A peine il fut couÂŹ
chĂ©, quâil eut une vive attaque dâapoÂŹ
plexie , qui fut heureufement combattue
par des fecours prompts & efficaces»
Câeft ainfi quâil mâefi: arrivĂ© plufieurs
fois de prévoir de grandes maladies
que je ne pouvois caraclérifer, mais que
je foupçonnois trÚs prochaines , par ce
que je voyois arriver aux Dents & aux
gencives. Je fuis perfuadé que plufieurs
de mes ConfrĂšres ont reconnu de pareilÂŹ
les difpofĂźtions, & quâils ont fait les mĂȘ=»
mes pronoflics*
3 OĂč De V Art du Dentifiel
explication:
DELĂ
BEU XI F ME PL ANCHE*
Contenant cinq inftrumens prot
prÚs à cautérifer les Dents.
Fig. I. jvt e r e acluel propre Ă
f brĂ»ler ĂȘf Ă dĂ©truire les corÂŹ
dons du nerf qui deviennent quelquefois
fort gros ,lorfquâune Dent efl cajfĂ©e. Ce
cautĂšre peutfervir encore Ă ajfaijfer & Ă
détruire- lés gencives trop charnues , ou
fongueufes.
Fig. II, CautÚre acluel peur détruits
les tumeurs dures & pierreĂŒfes s ainjĂŻ que
certaines exojlofes qui furviennent quelÂŹ
quefois aux gencives.
- Fig. III. Autre cautÚrepour détruits
le net fi* une-Dent qui fe trouve fuffi -
famment découvert par Veffet de la ca
rie. Il peut encore fer vit } tant à dejfé 1
-Hier la carie & Ă arrĂȘter [es progrĂšs f/jr
Planche. 2. Tonv.I.Pty-Pco â
De V Art du DentijĂźe. 301.
Certaines Dents, quâĂ dijjĂźper certaines
fenjibilités.
Fig. IV. Autre cautĂšre aiĂŻuel que
sâintroduit entre la gencive & la racine
delĂ Dent * pour faire cejfer la fuppu -
ration > & détruire les petits ulcÚres qui
fe font formés à la gencive vers la rad*
ne de la Dent.
Fig. Y. Autre cautĂšre acluel plus fin
& plus délié que les précédent, dont on
fe fert pour détruire le nerf de certaines
Dents qui ont une trĂšs-petite ouverture.
< AAAAA. La tige de chaque injlruâą
ment.
BBBBB. Leur manche,.
ĂCCĂC. LâextrĂ©mitĂ© du fer qui eau*
tdrif ß ou qui brûle .
302 Table des Chapitres ĂŻ
iHH**ttHHHW*tt tHHHH&JHĂJHrag;
TABLE
DES CHAPITRES;
PARAGRAPHES,ET SECTIONS
D U PREMIER VOLUME.
CHAPITRE PREMIER.
Thyjiologie des Dents ; moyens de VArt
pour en réparer les imperfections.
I. „~"\ Efcripion des Vents & des Alvéo-
j J les. Page. i
Diviiion des Dents. Les différences qui les
font parfaitement diftinguer les unes des au-
Ăres. a-i x
Néceffité de bien reconnoßtre la figure des
Dents,pour fçavoir la pofßtion de chacune s
quoique hors de la bouche. Obfervation Ă ce
fujet. 13. i4Âź
Des foffes alvéolaires ; leurs différentes for
mes. Pourquoi les racines des Dents ont fou-
vent des défauts de conformation. 14-17
Comment le Périofte fe defféche & foude
la racine de la Dent avec lâalvĂ©ole. .ĂŻ?
Paragraphes & Serions. 3 05â
Remarques fur les variétés des alvéoles.
18. 19
Obfervations fur les foffes alvéolaires & fur
leur contradion. 20-2^
§. IL De la formation & de Vaccroijfement
des Dents. 26-39
§. III. De la fortie des Dents.
Le tems & lâordre quâelles fuivent ordinai-
, rement ^ < 31-35
§. IV. Des accident qui précédent & qui ac
compagnent la fortie des Dents.
Des moyens quâil faut mettre en ufage pour
ies faire ceffer. _ 34-3^
InconvĂ©niens quirĂ©fultent du hochet quâon
donne aux Enfans. 40.4*
Nouveau remede expĂ©rimentĂ© par lâAuÂŹ
teur. 42 & fumantes.
Opération nécelTaire pour faire ceffer les
convulfions, & autres accidens. 45 & fuiv .
§. V. De la chute des Dents de lait & de'
leur remplacement.
Sentiment contraire Ă celui de M. Bunon,'
au fujet de la deftrudion des racines des Dents
de lait. 50-54
§. VI. Des marques qui fom diftinguer les
Dents de lait d'avec celles qui font renouvellées ;
& des précautions qu' il faut prendre , quand on
ejl obligé d r Îter les premiÚres , pour ménager
lâemplacement des fĂ©condĂ©s. 55 fuiv,
Obfervation fur des'Dents renouvellées ,
Îtées pour des Dents de lait. 56 & fuiv .
Dents de fageffe branlantes & douloureux
les, fĂ©condĂ© Dent qui fe trouva deffous. 57 &â
* fuiv .
PrĂ©cautions Ă prendrelorfquâil sâagit doter
304 Table des Chapitres ;
une Dent de lait gui ne branle , pas. 79 &
uiv.
§. VIL Du défordre ou dérangement des
Dents ; moyens de le prévenir ou de le réparer
d'ans lâenfance. 64
Caufes de ce dérangement; avantages que
lâon retire de mettrela Dent Ă lâair; nĂ©ceffi-
té de foigrier de.bonne heure la bouche des
Enfans , pour procurer un bel ordre aux Dents.
65-70
Pourquoi les Dents trop ferrées fe gùtent
plutÎt que les autres à la mùchoire fupérieu-
KĂȘ. 70-7 6
. CHAPITRE SECOND.
Des différentes maladies qui attaquent
& détruifent la fubjlance des Dents.
De leurs caufes internes & externes .
Des moyens de les prévenir ; dÚs re-
medes généraux & particuliers. 77
I. De lâErojĂŻon ; de la difformitĂ© des Dents ,
0 des maladies qui la produifent. 79
â Raifons pour iefquelies les Dents en font
plus maltraitées dans un ùge que dans un au
ra 80 & fuiv.
Erreur^de M. Bunon- Ă ce fuĂźet, 84-89
Vices naturels de la conftnution des En -
fans ; germe des maladies qui détruifent les
Dents. 90
Ce qui fait que les Enfans fe nouent. 91 &
âą fuiv.
Caufes
Paragraphes & Serions. 30J
Caufes delà rougeole, & de la petite vé
role. Pourquoi ces diffĂ©rentes maladies nâaf-
fedent pas toujours les Dents, quoique molles - .
5>i
Pour empĂȘcher quâun Enfant venu au monÂŹ
de bien conftituĂ© ne fe noue, & que dâautreĂą
maladies nâaffedent les Dents dâĂ©rofion.
. ... 9$'94
§. II. Delà Carie.
Caufes internes-& externes-delĂ carie. $9
ĂȘcc.
§. IIP. Des moyens ùÚ prévenir la Carie &:
autres maladies des Dents. ior
Soins nécefßùires pour /la propreté de la-
Bouche pour empĂȘcher le tartre defe for^.
mer, on de sâamafĂźer. io2-io4>
DiffĂ©rentes choies nuifĂźbles aux Dents, quâili
faut éviter. Régime & conduite à obfÚrver-
pour les conferver. 105-110^
Moyens dâarrĂȘter lĂšs progrĂšs de la carie jv
avant que ienerf des Dents foit à découvert;
isi& fuivantesd -
Moyens diffĂ©rens quâon-employĂ© pour dĂ©-"
truire les cordons nerveux dâune Dent gĂątĂ©es
qui font découverts, 8c pour guérir les doub
leurs de Dents. irff
Engorgementou abfcÚs formé dans le can
nai des Dents 3 infiniment conyenable pour*
lâĂ©vacuer. â 121 & fuzvs-
InftrumentnouveaUpourtrépanerles Dents^-
123-12^
Importance de conferver les Dents quoique^
gùtéÚs, & certaines'racines 129-132;'-
§ I V. Rupture des parties nerveufes par Im
luxation de la Dents
Tome. !<, C s-
$o6 Table des Chapitres 1
Ce quâil faut obferver avant que Ăąe dĂ©pĂźgs
cer la Dent, en la dĂ©plaçant, & aprĂšs lâavoir
déplacée. 1 34-145
Avantages & inconvéniens de cette opéra-
Ăźion. x 47-i 55
Observ. I» Au fujet dâune Dent Ă©clatĂ©e
|>ar effort. 154
Observ. II. Au fujet dâune Dent ufĂ©e qui
étoit devenue fort douloureufe. i55-i57,
Opération pour faire tenir le plomb dans
une petite Molaire ou dans une Dent de deÂŹ
vant ĂŻ 57
§. V. Méthode pour oter les Dents cariées 5
les remettre avec fuccĂšs. 158
Obfervation au fujet d'une Dent caffée par une
chute. . i6t:
Nouveaux éclaircifTemens fur de mauvaifes
chicanes faites Ă lâAuteur, au fujet de fa nouÂŹ
velle opération, & de fa méthode pour Îter
te remettre les Dents. iéy 169
§. VI. Des Dents fracturées , de celles que
iufent , des maladies qu elles produifent , & des
moyens dy remédier. tyo
Pour empĂȘcher que les Dents ne sâufent
dans leur rencontre. 175-ĂźSo
Moyens de remédier aux douleurs prove
nant dâune Dent ufĂ©e, dont le canal & le
cordon font à découvert» 180-185
§. VIL De l'engorgement des vaiffeaux den*.
iaires 5 & de F inflammation du cordon & dupé -
riojle, provenant de caufe interne. 184
§. VIII. Des douleurs que les Dents ébran
lées produifent , & des moyens d'y remédier. 187
ĂharlataneriĂšs Ă ce fujet
Paragraphes & Serions. 307.'
CHAPITRE TROISIEME.
Des maladies autres caufes qui altڏ
rent la blancheur des Dents .
§. h De la blancheur des Dents , & de fa
durée.. _ 194. & fuiv.
. Accidens gui altĂšrent la blancheur des
Dents. ts>? & fuiv,*
§. II. De la formation du Tartre & de fes :
inconvéniens. 19 &
Age oĂč lâon eft ordinairement plus fujet ata
tartre.- 199?
Erreurs & faux préjugés fur le nettoyement
des Dents , dont le défordre eft attribué mai»
Ă -propos Ă lâopĂ©ration du Dentifte. 2,01-2,-04..
Combien la confervation des Dents inté-
reffe la lanté & la vie. 204-2.04
. Autres avantages gue procure la confervaÂŹ
tion des Dents. 206-208
Faux préjugé far les inftrumens du Den
tifte , dont les Charlatans fçavent profiter. 210»
21 Si
Abus dâun Elixir vantĂ© pour dĂ©truire le
Sartre,fans guâilfoit nĂ©ceffaire denettoyerles
Dents,. - zi 2--
C C ij
3 o8 Table des Chapitre! )
CHAPITRE QUATRIEME,
Des maladies des Alvéoles, de celles des
gencives , & d.e leur guérifon.
§. I. Des maladies des AlvĂ©oles. Age oĂč d'or*
Ăąinaire les Dents sâĂ©branlent & fe perdent. Rai*
fons de leur dĂ©pĂ©rijfement. ânj
§. II. Des gencives en général'. zzo
§. II I. De la Jlruciure Ăč~ de l'ufĂ ge des genÂŹ
cives & du périojle. zz ß
§. IV. Maladies des Gencives. uf
Caufe la plus ordinaire du gonflement de3
gencives; moyens dây remĂ©dier, z z6& fuiv Âź.
Caufes internes du gonflement des genciÂŹ
ves, & moyens dây remĂ©dier. tzS & fuivi
Oeserv. I. Au fujet des gencives AlignanÂŹ
tes» zz9 & fuiv s
Observ. II. Sur le rinflement & la fenfi-
ïulité dÚs gencives. ^ 230
_ §'. V. Excroijfances des gencives & leur gué*
rifon. . 23 a
Premier dĂ©grĂ© dâexcroi {Tances, & moyens
four Tes guérir* 232-236
Second, dĂ©grĂ© dâexcroiffances , & moyens
four les guérir.. 23~6 & Juivi
TroifiĂ©me efgĂšce dâexcroiflknces, & moyen
de les guérir. 237-238
Observ. I. Au fujet de plusieurs excroif.
fùnces eonfßdérables. 23s»-24a 1
Observ. II. Au fujet des gencives flafques
ĂȘc Ă©paifTes» 242* MS*-
Paragraphes & Serions.
f. VL Des tumeurs carcinomateufes-. 244-
Defcription dâune tumeur carcinomateufe
trÚs-confidérable, & moyens pour la guérir.
2/46-2451
§. VII. Des fluxions & abfces qui fe forment
aux gencives ; traitement de ces maladies.
Néceffité de donner promptement iffueà IŸ
matiĂšre auffi-tĂŽt que lâabfcĂšs eft formĂ©e 2 5:0.
ij r.
Moyens de remĂ©dier Ă la carie de lâos ma.
xillaire. zjz & fuiv a .
§. VIII. Des fijlules qui fe forment aux gen
cives., & de la maniéré de les traiter . 256:
Observ. I. Au fujet d'une fiftule guérie'
promptement.. 2 j 8-26©;
Observ. IL Au fujet dâune fiftule occa-
fĂźonnĂ©e par une portion de racine trouvĂ©e Ă
lâentrĂ©e du finus maxillaire.. 2^1-264
§.. IX. UlcÚres des gencives, moyens de les
traiter , & de les guérir. zéf.
Des UicĂšres-fcorbutiques. NĂ©ceffitĂ© dây reÂŹ
médier promptement. Z66-Z&P;
EfpĂšce d'ulcĂšres remplis, de petits efearres
blanchĂątres. z6? & fuivj.
§. X. Des petits chancres qui furviennent-
aux gencives t moyens de les guérir.. 27s}
Oeserv. I. Au fujet- de plufieurs petits
chancres., & dâun ulcĂšre, au bas de la genciÂŹ
ve. 273-276
§. XI. De la fuppuration des gencives , &
des moyens de la traiter . ^ 276.
Caufes de cette âąfuppurattbn; 277 & fuivd.
Opinion de M . Fauchard fur cette maladie»-
281-284
Sentiment de lâAuteur, fur la mĂȘmemalaÂŹ
die. Commencement de la fuppuration & Ă pÂŁ*-
10 Table des Chapitrer s - 8 ici-
rruĂąion de lâalvĂ©ole. 284-2$?
_ Différens moyens pour guérir la fuppura-
ĂŻion des gencives. ?.88
Opérations & inflrumens propres à cet effet*
z$9 & fuiv*
^Observ. I. Sur une fuppuration auxgen»-
eives. , des Incifives inférieures, invétérée
depuis Iong-tems & promptement guérie. 290
& fuiv»
Observ. II. Sur une pareille fuppuration
établie depuis long-tems aux gencives, 8c gué
rie auffi promptement. 25*1 & fuiv,
§, XII. Des petits Durillons des gencives , &
des exofïofes aux alvéoles . 294
Remarques fur les caufes qui produifem orÂŹ
dinairement ces maladies, & moyens pour
tes guérir. 294 & fuiv*
Obfervations fur des exoflofes furvenues aux
alvéoles ; moyens qui furent mis en ufage
|>our les guérir. 295 & fuiv»
Réflexions générales fur certains maux de
I>ents qui annoncent quelquefois ou préfa-
gent une maladie confidérable; pronoftics
quâen peut tirer un Dentifte habile. 296
Observation Ă ce fujet. 297. 298.â
Planche deuxiÚme repréfentant différens
cautĂšres, avec fon explication. 3000.
Fin de la Tablé*